UUn quatuor coupe quelques branches pour tendre un fil, en pleine forêt. Une idée saugrenue à première vue. Cerceau high-tech à la main, écouteurs vissés sur les oreilles, Daniel Chailloux donne les consignes. « A ta gauche, Véro ! Reculez un peu. Là ! Ne bouge plus. » Un petit pieu est planté dans la mousse ; il coule facilement, les bois de Bouzic ayant été bien arrosés en ce mois d’octobre. Juste sous les pieds du petit groupe, 35 mètres plus bas, se trouvent une dizaine de spéléologues partis explorer la grotte du Trou du vent.
«Au fond, ils ont placé des balises qui émettent un champ magnétique», décrit Daniel Chailloux. Il est venu de région parisienne avec son matériel afin d’établir une topographie – précise au centimètre près – de la plus longue cavité de Dordogne, son réseau s’étendant sur plus de 12 kilomètres.
« Lien des cavernes »
A chaque fois, le même stratagème. L’équipe de surface attend le signal du sous-sol. Grâce au son renvoyé, le spéléologue au sol dirige son cerceau afin de réaliser une triangulation. Plusieurs fils ont été tendus et en moins d’une heure, la petite troupe est parvenue à établir avec précision l’emplacement de la balise placée dans la cavité. Il faut alors communiquer avec ceux du dessous pour leur demander de se déplacer vers la balise suivante.
« Nous avons maintenu des électrodes dans la roche pour générer du courant. En bas, ils ont le même appareil »
Aujourd’hui, ce sont Alain et Éliette qui s’occupent des transmissions grâce au « Cavelink » : « Nous tenions des électrodes dans la roche pour générer du courant. En bas, ils ont le même appareil. En quelques secondes seulement, une sorte de SMS parvient à percer des dizaines de mètres de calcaire et remonte des profondeurs : « Okay, bien reçu. Nous passons à la balise suivante. »
Ci-dessous, c’est le préhistorien et spéléologue Thierry Félix qui est aux commandes. Périgordin a invité une vingtaine de passionnés venus de toute la France : Savoie, Ardèche, Paris. Il y a même un Belge. Arnaud et Patrice sont venus en voisins du Lot et ont été affectés à l’équipe clandestine.
Rivière des plongeurs
Après avoir descendu avec une corde un puits de quinze mètres, les spéléologues ont pu pénétrer dans ce grand labyrinthe souterrain. « Il y a beaucoup de sable. On retrouve des gours [cuvettes d’eau formées par le calcaire]des voûtes humides où nos têtes sont hors de l’eau et de la calcite très blanche. L’eau est limpide », explique le duo.
Revenu des profondeurs, et alors qu’il croyait sa journée terminée, Patrice a été rattrapé par l’équipe de surface. Il y a un problème avec le « Cavelink » et la communication est temporairement interrompue. Le Lotois doit enfiler son harnais et retourner au Trou du vent afin de transmettre les instructions à ses amis. « On revient toujours aux bonnes vieilles méthodes », plaisante Patrice.
Une fois descendu, il lui faudra au moins quinze minutes pour rejoindre l’équipe souterraine. Il est situé dans la partie nord de la cavité. « Normalement, il aurait fallu réaliser la topographie de ce qu’on appelle la rivière des plongeurs », décrit Patrice. La brusque montée des eaux dans la vallée du Céou a rendu l’opération trop périlleuse, les siphons habituellement accessibles s’étant transformés en petits torrents.
La nuit tombe et la mission du jour se termine à la lampe frontale. Il faudra revenir l’été prochain pour poursuivre la topographie.