« En Espagne, comme en , nous avons créé nos propres vulnérabilités »

« En Espagne, comme en , nous avons créé nos propres vulnérabilités »
« En Espagne, comme en France, nous avons créé nos propres vulnérabilités »

“Je n’aurais jamais pensé vivre ça”a confié un habitant de Sedavi, une ville de 10 000 habitants située dans la province de Valence dévastée par les intempéries meurtrières qui touchent l’Espagne depuis mardi 29 octobre. Ces “inondations du siècle” ont déjà causé au moins 158 morts et un bilan impressionnant. dégâts matériels. Un bilan qui remet sur la table une question centrale : sommes-nous prêts à affronter les conséquences inévitables du changement climatique ?

La Nouvelle République s’interroge Gaël Musquet, spécialiste de la prévention des catastrophes naturelles.

Sommes-nous suffisamment préparés pour de tels événements ?

« Nous avons fait des progrès mais nous pouvons faire beaucoup mieux. On l’entend dans les témoignages, les gens n’ont pas forcément conscience de ce qui peut se passer sur leur territoire, dans leur foyer, leur travail, l’école de leurs enfants…

« Ils ne connaissent pas tous les documents juridiques qui ont été produits pour empêcher ces événements. En , il existe notamment ceux mis à disposition sur le site georisks.gouv.fr et les documents municipaux d’information sur les risques majeurs. »

A ce niveau, les Espagnols sont-ils en retard sur les Français ?

« Je n’irai pas aussi loin, car dans mon travail, j’ai beaucoup appris des Hispaniques. Leur approche est peut-être moins documentée, moins réglementaire, mais nous avons beaucoup à apprendre d’eux en matière de solidarité et d’organisation sociale face à ces événements. En revanche, ce dont nous sommes certains, c’est qu’ils ont créé leur propre vulnérabilité. »

C’est à dire ?

« Après les 300 morts de la grande inondation de 1957 à Valence, une zone de 90 km² autour de la ville a été asséchée pour que le fleuve la contourne. La ville et ses environs ont été urbanisés. Mais en construisant dans une zone qui possédait auparavant des vergers et pouvait absorber l’eau, une nouvelle vulnérabilité a été créée.

« C’est une leçon pour nous aussi en France. Si ces zones étaient restées des vergers ou des terres agricoles, avec un tel événement, on aurait parlé de calamité agricole, pas de morts. On aurait parlé de pluies torrentielles, pas de maisons éventrées. »

Maintenant que cette urbanisation a déjà eu lieu, que faire ?

« La question qu’il va falloir se poser est la suivante : économiquement, avons-nous les moyens de créer des protections ? Tout en sachant que dans certains quartiers cela ne suffira pas. S’il n’est pas possible de protéger la population, alors que la sécurité est un droit humain fondamental, une autre question se posera : comment indemniser les personnes pour qu’elles s’installent dans une zone où elles sont en sécurité ? »

Il y a aussi des enjeux liés à la manière dont les populations sont alertées. Dans le cas de Valence, les critiques se font entendre. Qu’en penses-tu?

« Les services météo ont fait leur travail en déclenchant une alerte rouge. Mais la question de savoir ce que font les communautés de cette vigilance est un sujet complexe. Car, une fois l’alerte donnée, il faut pouvoir mesurer le phénomène. Cependant, parfois l’événement est si brutal qu’il vous aveugle. Par exemple en cas de coupure de courant ou de réseau, qui vous empêche d’en être informé et de diffuser une alerte. »

Pour anticiper au mieux, vous préconisez des exercices de mise en situation. En faisons-nous assez ?

« Non, c’est précisément là que nous péchons. Dans les documents que j’ai mentionnés plus tôt, il y a des mesures que les communautés et les individus doivent mettre en œuvre pour se protéger. Mais très peu de communautés font des exercices. J’ai affronté des élus réfractaires, certains m’ont même dit que le sujet n’était pas intéressant. »

Pourquoi ces exercices vous semblent indispensables ?

« Tant que la population n’a pas vécu elle-même ce que cela lui demandera de quitter son domicile, d’évacuer les personnes âgées, les personnes handicapées ou les bébés, elle ne pourra pas l’anticiper. Le terrain ne ment pas. »

Vous êtes vous-même victime de l’ouragan Hugo qui a frappé la Guadeloupe en 1989. Qu’est-ce que cela vous a appris ?

« Il faut parler aux enfants ! » J’étais enfant et si je me suis impliqué en grandissant, c’est parce que les adultes autour de moi laissaient place à l’espoir. Ils ne m’ont pas dit que c’était la fin du monde.

« Nous avons la responsabilité, en tant qu’adultes, de soutenir les enfants, de stimuler leur imagination afin qu’ils trouvent les outils nécessaires pour s’en sortir. Si la génération de ceux qui sont actuellement aux commandes, et qui n’ont pas réussi à s’adapter, ne transmet pas les outils permettant à la prochaine génération d’évoluer, nous ne survivrons pas. »

 
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