“La Réunion, c’est la , et pourtant nos populations ne sont pas traitées de la même manière qu’en

“La Réunion, c’est la , et pourtant nos populations ne sont pas traitées de la même manière qu’en
“La Réunion, c’est la France, et pourtant nos populations ne sont pas traitées de la même manière qu’en France”

Avortements forcés, stérilisations sans consentement… Dans les années 60 et 70 à La Réunion, des « soignants » s’attaquaient au corps des femmes, pour la plupart pauvres et racisées, alors même que l’avortement, à cette époque, n’était pas légal.

Autour de ce scandale, symptomatique du regard que porte la sur ses anciennes colonies, Sophie Adriansen et Anjale composent Outre-merune bande dessinée puissante au contenu historico-féministe, qui, un pied dans l’océan Indien, un pied en France, entremêle le combat des uns, les Réunionnais, pour que leurs médecins bourreaux soient jugés, et le combat des autres, les Parisiens. , pour la légalisation de l’avortement.

Entretien avec l’illustratrice Anjale, la moitié réunionnaise du duo.

Avortements et stérilisations non consensuels

Marie Claire : Vous qui êtes réunionnaise, née dans les années 90, quand avez-vous entendu parler des avortements non consensuels et des stérilisations qui avaient lieu sur l’île dans les années 60/70 ?

Anjali : Je ne pouvais pas le dire, c’était vague. Il y a toute une partie de la population réunionnaise qui n’en est pas consciente, une autre qui l’est mais qui n’en parle pas.

J’en avais connaissance, mais sans connaître les détails de l’enquête et du procès qui a suivi.

Sophie Adriansen, qui traite dans ses ouvrages de la liberté des femmes de disposer de leur corps, a découvert l’affaire avec le livre de Françoise Vergès, Le ventre des femmes.

C’est parfois connu, mais peu discuté : il n’y a pas de transmission de ces histoires par la parole.

Cela veut-il dire qu’aujourd’hui encore, il y a une couverture plombée sur ce sujet, à La Réunion ?

Oui, c’est un sujet un peu tabou. Les femmes qui en ont été victimes ont très peu parlé, par honte et par peur, et n’ont pas voulu revenir sur ce point. C’est parfois connu, mais peu discuté : il n’y a pas de transmission de ces histoires par la parole.

Documenter le silence

Il y a aussi de nombreuses scènes muettes dans l’œuvre : comme pour illustrer ce silence ?

Oui, et aussi pour faire respirer le lecteur, pour qu’il prenne le temps de vivre les émotions des personnages et d’avoir un peu d’empathie à leur égard.

Notamment Lucie, victime d’un avortement forcé : même si sa vie, après ça, reprend son cours, même s’il y a son quotidien, ses enfants, son travail, même si elle est accompagnée pour porter plainte, elle est extrêmement seule dans cet essai. Ainsi les scènes muettes de la bande dessinée mettent en valeur toute cette solitude.

Comment avez-vous documenté ces Réunions des années 60/70 et comment votre dessin en a-t-il été nourri ?

Les photos de La Réunion prises dans les années 1960 ne sont pas faciles à trouver sur Internet. J’ai recherché la documentation à la bibliothèque départementale de la Réunion, à Saint-Denis, dans des livres et des recueils de photos.

J’ai également interviewé des personnes qui m’ont décrit les modes de vie de cette époque et à quoi ressemblaient les cabanes où nous vivions. J’ai aussi pu lire le journal Témoignagesqui était l’organe du Parti communiste réunionnais et qui suivait de très près l’affaire de l’avortement forcé. Une partie de la bande dessinée se déroule également à Paris à la même époque, mais là, bien sûr, les références graphiques – films, photos, journaux – sont bien plus accessibles.

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Etre Réunionnais

Le terme « outre-mer », qui donne, comme un jeu de mots, son titre à l’ouvrage, est assez contesté, dans le sens où il véhicule un imaginaire colonial persistant…

Oui, c’est un terme qui se place du point de vue métropolitain, puisqu’il signifie « au-delà de la mer » – alors que nous, « Ultramarines », nous ne nous sentons pas « au-delà » de quelque chose, pas « ailleurs », nous sommes dans notre territoires ! La Réunion, c’est la France, et pourtant nos populations et notre territoire ne sont pas traités de la même manière qu’en France.

Ils sont traités comme s’ils étaient là pour servir l’économie. Overseas Mothers est un titre qui permet à la fois de dénoncer cette gestion postcoloniale des territoires d’outre-mer, et de faire référence à ces mères privées de maternité.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être Réunionnais ?

C’est une question très compliquée car il y a plein de façons d’être Réunionnais et d’ailleurs toutes les fêtes de toutes les communautés y sont célébrées par presque tout le monde. Mon père est mauricien d’origine indienne – Anjale est mon deuxième prénom, également d’origine indienne. Ma mère est originaire de France métropolitaine.

Je suis née et j’ai grandi à la Réunion, mais même si je vis à Lyon depuis une quinzaine d’années, je sais, en revenant sur l’île, que j’y suis chez moi.

Il y a dans Outre-mer quelques passages en créole réunionnais. Vous êtes l’illustrateur de l’ouvrage, mais on imagine que c’est à vous que l’on doit cet aspect textuel de l’ouvrage et sa justesse linguistique.

Oui, parce que pour moi, c’était vraiment important de faire entendre, par petites touches, ce créole réunionnais qui s’imprègne de toutes les communautés arrivées sur l’île petit à petit, avec des mots donc du français français, malgache, tamoul… Et donc éveiller la curiosité des gens pour notre langue.

Sophie Adriansen – Le meilleur de Sophie Adriansen. Le scandale des avortements forcés à la Réunion – Éd. Vuibert.

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