Deux exemples concrets d’accompagnement à l’initiative et au contre-projet

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Entre l’initiative H24 et le contre-projet, deux visions de la médecine d’urgence s’opposent. Trois médecins livrent leur analyse.

Le choix du Fribourgeois le 9 juin déterminera la manière dont les urgences seront gérées dans le canton dans les années à venir. © Charly Rappo-archives

Le choix du Fribourgeois le 9 juin déterminera la manière dont les urgences seront gérées dans le canton dans les années à venir. © Charly Rappo-archives

Publié le 24/05/2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Comment les Fribourgeois souhaitent-ils être pris en charge lors d’une urgence médicale ? Le 9 juin, ils pourront choisir entre une initiative, qui réclame la réouverture des urgences 24 heures sur 24 à Riaz et Tavel, et son contre-projet qui introduit sept mesures pour améliorer l’ensemble de la chaîne de secours. Trois professionnels ont accepté de donner leur avis. Médecin-chef urgentiste à l’hôpital de Fribourg, Vincent Ribordy milite pour le contre-projet. Son homologue neuchâtelois Vincent Della Santa tient le même discours, malgré le maintien de deux services d’urgence à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds. Quant aux initiateurs, ils bénéficient également de certains soutiens dans les milieux médicaux, à l’image de ce médecin assistant qui travaillait aux urgences d’un hôpital régional.

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Elle a tenu à rester anonyme, estimant que son statut lui impose une certaine retenue politique. « Un médecin assistant était sur place la nuit, décrit-elle. Il y avait aussi des infirmières expérimentées qui pouvaient nous guider. Dès que nous avions un souci ou une question, nous pouvions appeler les responsables de la clinique. Et nous étions préparés à faire face à de véritables urgences. Le support était correct.

Médecine spécialisée

« Une chose est claire pour moi en tant que médecin urgentiste. C’est inacceptable, au 21ee siècle, de laisser les médecins assistants seuls dans une structure. Les dossiers sont plus lourds aujourd’hui. Cela nécessite des connaissances techniques et intellectuelles et une grande expérience», rétorque Vincent Della Santa, médecin urgentiste en chef du réseau hospitalier neuchâtelois.

Pour Vincent Ribordy, l’initiative marque un pas en arrière. « Nous sommes aujourd’hui dans une médecine que l’on peut qualifier d’hyperspécialisée. En orthopédie, par exemple, nous avons un spécialiste de la main, un spécialiste de l’épaule, un spécialiste du genou et encore un spécialiste de la hanche. Même une coupure profonde à la main peut nécessiter un chirurgien spécialisé en raison du risque de blessure au tendon ou à l’articulation, poursuit-il. C’est cette spécialisation et les progrès médicaux qui ont dicté l’accent actuel mis sur les soins aigus. La masse critique de patients ne serait pas suffisante sur trois sites, selon Vincent Ribordy. “Une équipe qui s’occupe d’un coup par semaine ne sera ni certifiée, ni reconnue et peu attractive.”

« J’ai plus peur pour la qualité des soins avec la pression exercée sur les hôpitaux centraux »
Un médecin assistant

Les deux médecins-chefs estiment qu’il sera difficile, voire impossible, de trouver du personnel qualifié. « A Meyriez, nous avons eu des pressions politiques pour ouvrir le bureau sept jours sur sept », se souvient Vincent Ribordy. Mais nous avons presque tout perdu. Personne ne veut travailler jusqu’à 23 heures tous les jours. Vincent Della Santa souligne qu’il a fallu près de dix ans pour réunir le personnel nécessaire à la supervision de deux sites d’urgence : “Ce sont des systèmes assez fragiles.”

Une utilité reconnue

Sans nier le manque de personnel, le médecin assistant favorable à l’initiative n’a observé aucun problème de recrutement. « En médecine, il fallait postuler deux ans à l’avance. Cette bonne réputation était liée au chef. Elle réfute l’image des urgences vides la nuit : « Il y avait des nuits où ça ne s’arrêtait pas. Nous avions souvent des patients fribourgeois qui venaient à cause de la langue.»

“Parfois, les gens viennent en voiture alors qu’ils font une crise cardiaque”
Vincent Della Père Noël

Les initiateurs souhaitent que les sites de Riaz et de Tavel traitent les cas moins graves. Selon le médecin assistant, un tel système pourrait soulager les urgences centrales. « La dispersion des ressources permet de soulager chacun. Par exemple, la syncope est impressionnante, mais souvent peu dangereuse. Un petit hôpital peut très bien gérer ce type de situation. J’ai plus peur pour la qualité des soins avec la pression exercée sur les hôpitaux centraux.

À un bon endroit

“Quand on parle d’urgence de degré 3, avec une marge d’erreur de 5 à 10% comme dans tout système de tri, cela veut dire qu’il reste encore un petit nombre de patients avec un risque vital, même si la majorité rentre chez elle avec un traitement. , souligne Vincent Della Santa. Parfois, des gens viennent en voiture alors qu’ils font une crise cardiaque. Il est illusoire d’imaginer qu’un tri efficace se fera en amont. Quand les gens voient le mot urgences, ils ne font pas la différence.

Vincent Ribordy abonde dans le même sens : « Le but est que le bon patient aille au bon endroit au bon moment. Il existe un facteur temps, par exemple en cas d’accident vasculaire cérébral ou de crise cardiaque, qui peut influencer positivement le pronostic. Avec un transit dans une structure intermédiaire, il y a une perte de chance.»

Edito : Une initiative trop rigide et trop compliquée

Rétablir les urgences dans les hôpitaux périphériques a un coût. «Globalement, les postes de surveillant, de médecin-chef et de chef de clinique à La Chaux-de-Fonds sont payés par les services d’intérêt général et donc par le canton», relate Vincent Della Santa. Les Fribourgeois ne constituent pas un cas unique. Le regroupement hospitalier concerne toute la Suisse.» Vincent Ribordy ajoute : « Il est de notre responsabilité d’utiliser à bon escient les ressources existantes, d’autant plus qu’elles sont précieuses et rares. C’est également une exigence de la loi fédérale sur l’assurance maladie.

Une chute et un arrêt cardiaque

Attention, politique fiction ! Nous avons demandé aux initiateurs et à l’Etat de nous soumettre un exemple de prise en charge médicale en cas de oui à l’initiative ou au contre-projet. Il s’agit d’une fiction, car le résultat final dépendra des évolutions législatives et des moyens financiers disponibles. La présence des urgences pédiatriques à Riaz ou la localisation exacte de intervenants rapides font encore partie des incertitudes.

Les initiateurs s’éloignent un peu du cadre défini et imaginent une journée ordinaire aux urgences ouvertes 24h/24 de l’hôpital de Riaz en 2029. A 10 heures, un ouvrier tombé d’un échafaudage à Bulle arrive avec une double fracture ouverte tibia-péroné. . Un peu plus tard, un chirurgien examine une enfant de 9 ans qui s’est profondément coupé le doigt. Le soir, une femme âgée perd l’équilibre et se fend le front. La nuit se termine par un coma alcoolique. Tous peuvent être traités sur place.

L’État détaille le traitement d’un homme de 57 ans, victime d’un arrêt cardiaque à Bellegarde un mardi à 17 heures, non sans constater que choisir un seul exemple est simpliste. En particulier, il est impossible de discuter des mesures du contre-projet qui affectent les urgences non vitales. Dans cette situation, en appelant le 144, un premier intervenantUN répondeur rapide et une ambulance sont engagées. Le patient peut être stabilisé sur place. Lorsqu’il arrive aux urgences de Fribourg, une équipe de réanimation est prête et le prend en charge immédiatement. Un personnel hautement qualifié et un plateau technique spécialisé sont nécessaires. L’homme est ensuite admis en soins intensifs. Le trajet en ambulance est facturé selon un système forfaitaire et ne tient pas compte de l’éloignement de Bellegarde.

Un enjeu crucial pour Fribourg

Le 9 juin, les Fribourgeois se prononceront sur plusieurs sujets liés à la santé dans le canton. L’initiative des urgences hospitalières publiques locales 24 heures sur 24 a été lancée par un mouvement de citoyens mécontents de la nouvelle orientation des hôpitaux de district. Elle réclame la réouverture des services d’urgence 24h/24 à Tavel et Riaz. Afin de répondre aux inquiétudes, le Conseil d’État et le Grand Conseil ont concocté un contre-projet contenant sept mesures visant à assurer une prise en charge adéquate sur l’ensemble du territoire.

Ils soumettent également aux citoyens un arrêté portant sur un montant de 175 millions afin de soutenir les investissements de l’Hôpital fribourgeois. Une garantie de 105 millions devrait permettre au HFR de poursuivre ses investissements en faveur de projets de renouvellement, d’innovation et d’amélioration des sites actuels. Un prêt de 70 millions est destiné aux études liées à la construction d’un nouvel hôpital. Liberté consacre une série d’articles à ces différents objets, à lire dans le journal et à tout moment sur le site laliberte.ch.

 
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