Alors que la consommation de crack continue d’augmenter en Suisse, plusieurs villes dénoncent les problèmes croissants qu’elle soulève dans l’espace public. Interviewée dans 19h30, l’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss revient sur la nécessité de prendre soin des consommateurs.
Dérivé de la cocaïne, le crack est une drogue bon marché, particulièrement addictive et dont les effets sont dévastateurs pour ceux qui en consomment. «Cela suscite rapidement un fort enthousiasme, mais la chute est extrêmement brutale et douloureuse», explique Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale et actuelle membre de la Commission mondiale sur la politique en matière de drogues.
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Pour résoudre les problèmes liés à la vente et à la consommation de crack, l’ancien président de la Confédération préconise dimanche dans les 19h30 de sortir les toxicomanes de leur situation en leur offrant un soutien et des perspectives émancipatrices.
Nous devons sortir les consommateurs de la situation dans laquelle la drogue les a plongés.
« La première chose à proposer, c’est l’assistance d’une assurance vie, car ce sont des gens qui se mettent en danger : ils ne boivent plus, ne mangent plus, ne dorment plus. Ils s’effondrent sous nos yeux », insiste-t-elle.
Selon Ruth Dreifuss, également présidente de l’association ChanGe, qui pilote actuellement depuis près d’un an l’expérimentation de la vente réglementée de cannabis à Genève, l’urgence n’est donc pas à la répression. « Présence policière, oui. Luttez contre l’accord, oui. Mais il faut d’abord sortir les consommateurs de la situation dans laquelle les drogues les ont mis.»
Réguler la consommation
Dans les Grisons, le conseil communal de la ville de Coire promeut la distribution contrôlée de cocaïne, une proposition également soutenue par la Commission fédérale pour les questions de toxicomanie. Mais d’autres cantons ne sont pas aussi convaincus par cette initiative et certains, comme Genève, estiment que la cocaïne est trop nocive pour être distribuée.
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« Réglementer le marché de la cocaïne et permettre l’accès à ce marché est une étape difficile à franchir. Mais prescrire de l’héroïne nous a montré qu’on pouvait prescrire une drogue de qualité à une personne dans le besoin et entreprendre avec elle une démarche qui lui permet de retrouver un équilibre de vie et d’insertion sociale», affirme l’ancienne conseillère fédérale.
Cependant, la cheffe de la Direction de la santé de l’Etat vaudois Rebecca Ruiz, contactée par la RTS, juge que sans traitement de substitution qui fonctionne, il semble difficile d’appliquer une réduction des risques liés à la consommation de cocaïne.
Nous devons trouver d’autres stratégies pour faire face à cette nouvelle drogue, qui est celle qui crée le plus de ravages chez les consommateurs.
La stratégie des quatre piliers
Au début des années 1990, la Suisse a adopté une politique en matière de drogue reposant sur quatre piliers : répression, réduction des risques, thérapie et prévention. Aujourd’hui, si Ruth Dreifuss défend encore cette politique dont elle est l’instigatrice, elle estime qu’il faut la réadapter à la consommation spécifique du crack.
« Tout en maintenant cette philosophie de politique de santé publique et de droits de l’homme, nous devons trouver d’autres stratégies pour faire face à cette nouvelle drogue, qui est celle qui fait le plus de ravages chez les consommateurs », explique Ruth Dreifuss.
Sujet télé : Gabriel De Weck
Web adaptation: Raphaël Dubois