Débat Gérald Collaud et David Krienbühl

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L’initiative sur la première heure de stationnement gratuit divise les citoyens de la capitale. Débat contradictoire.

Le chrétien social Gérald Collaud et le libéral-radical David Krienbühl croisent le fer sur l’initiative qui sera soumise au vote le 9 juin. © Jean-Baptiste Morel

Le chrétien social Gérald Collaud et le libéral-radical David Krienbühl croisent le fer sur l’initiative qui sera soumise au vote le 9 juin. © Jean-Baptiste Morel

Publié le 23/05/2024

Temps de lecture estimé : 9 minutes

A Fribourg, l’élection du 9 juin illustre la théorie de la relativité du temps. Les auteurs de l’initiative « Pour la première heure de stationnement gratuit à Fribourg », les partis bourgeois et le Parti des Artistes réclament un « court répit » de soixante minutes face à la cupidité des parcomètres. Pour les opposants, composés de partis de gauche, cette heure gratuite serait payée « en années » de retard car elle saboterait la politique de mobilité menée par la ville sur le long terme. Deux visions aux antipodes, portées respectivement par les conseillers généraux David Krienbühl (plr) et Gérald Collaud (centre gauche).

Certaines villes offrent une heure de stationnement gratuite aux usagers. Pourquoi pas Fribourg ?

Gérald Collaud : L’espace public est limité et cela a un prix. Quelqu’un doit payer pour cela. Les habitants de la ville qui possèdent un véhicule dépensent 400 francs par an pour une vignette de stationnement. Ils paient dès la première minute. L’heure de stationnement gratuite qu’exige cette initiative est une mauvaise idée car elle attirerait encore plus de voitures dans la ville, créerait des embouteillages supplémentaires et les habitants auraient encore moins de possibilités de se garer à proximité de leur domicile.

David Krienbühl : A Sion, la première heure de stationnement gratuit a été mise en place avec succès il y a une quinzaine d’années. Cela a permis de compenser une fuite de clientèle vers la périphérie, à savoir les centres commerciaux de Conthey. Pour rassurer la gauche, je voudrais dire que cela n’a pas inquiété les automobilistes. Mais cela donne une image positive et crée une dynamique commerciale en centre-ville. Fribourg en a besoin car tous les problèmes de circulation et la disparition de plus de 600 places de stationnement ces dernières années ont détourné les usagers de la ville. C’est triste, mais beaucoup de Fribourgeois ne viennent en ville que s’ils y sont obligés.

Les parcomètres ont rapporté 4,1 millions de personnes à la ville en 2023. Le stationnement partiellement gratuit ferait-il perdre trop d’argent à la communauté ?

Ne sait pas : Certainement pas. La ville de Fribourg a réalisé des excédents de plus de 200 millions de francs au cours des dix dernières années et elle peut facilement se permettre ce geste.

CG : Pourquoi la ville devrait-elle faire un cadeau aux gens de l’extérieur qui viennent en voiture sans récompenser ceux qui font l’effort de venir à pied, à vélo ou en transports en commun ?

NSP: Ce n’est pas de l’argent pour le monde extérieur. L’objectif est de maintenir de bonnes conditions-cadres pour l’économie. Il s’agit de soutenir le tissu local des PME qui profite à tous. Nous souhaitons retrouver une ville vivante, attractive, avec des commerces de proximité. Le jour où il n’y aura plus de boucheries, de boulangeries ou de petites épiceries, la qualité de vie des habitants se dégradera vraiment. Je ne veux pas que Fribourg devienne un Ballenberg urbain.

CG: Moi non plus! Mais une ville vivante n’est pas une ville surchargée de voitures. Avant la construction du pont de la Poya, 25 000 véhicules circulaient chaque jour autour de la cathédrale et les commerçants de la ville ne se portaient pas vraiment bien.

«Je ne veux pas que Fribourg devienne un Ballenberg urbain»

David Krienbühl

Certains commerçants font état d’une baisse de 20% de leur chiffre d’affaires et attribuent cette perte aux difficultés d’accès des véhicules en ville. Pourraient-ils avoir tort ?

CG: Je ne suis pas d’accord avec cette observation. Le chiffre de 20 % dont nous parlons est subjectif. Des études menées récemment dans des villes françaises de taille comparable montrent qu’une réduction du trafic automobile en ville entraîne à terme une augmentation du chiffre d’affaires. Plus de 75 % des clients professionnels sont des usagers urbains, dont la majorité ne se déplace pas en voiture.

Mais il est vrai que les gens sont réticents au changement : lorsqu’un commerçant entend plusieurs fois par jour des automobilistes se plaindre parce qu’ils n’ont pas trouvé facilement une place, il est forcément influencé. Plutôt que de dire aux gens que Fribourg est une catastrophe, la droite devrait les encourager à venir en leur disant que les parkings souterrains ne sont presque jamais pleins.

NSP: Je suis choqué par ce manque de considération envers les traders. Pérolles Centre a enregistré une baisse de fréquentation de 20 %, notamment le samedi. C’est un fait, pas une impression. Si nous avons récolté 3 000 signatures pour cette initiative en trois mois, ce n’est pas par magie.

CG: De nombreux restaurants et magasins ont fermé leurs portes dans les villages du canton alors qu’il existe de nombreuses places de parking à proximité. Les détaillants souffrent en revanche de la concurrence d’Internet et de l’évolution des habitudes des clients depuis le Covid.

NSP: Au-delà de cette question, l’allongement des horaires de stationnement de 7h30 à 19h30 l’an dernier a provoqué un cri du cœur de la part des commerçants et restaurateurs. Cette initiative ne résoudra pas tous les problèmes mais c’est un premier geste envers les Fribourgeois et les usagers extérieurs. Je déplore également que le Conseil municipal ait refusé de débattre avec nous.

« Une ville vivante n’est pas une ville surchargée de voitures »

Gérald Collaud

La précédente initiative sur le stationnement, pour des places à un franc par heure, lancée par le seul Claudio Rugo en 2021, avait été refusée à 54%. Cette fois, c’est une large alliance qui porte l’initiative. La majorité politique craint-elle la défaite électorale ?

CG: Nous avons également formé une alliance avec plusieurs associations. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une défaite politique. Mais le fait est qu’une majorité de citoyens soutiennent la politique menée par la ville. En 2021, les partis de gauche sont passés de trois à quatre élus sur cinq au Conseil Municipal, c’est la preuve que la population est satisfaite de la politique menée. Cette initiative mettrait en péril plusieurs années de mesures en faveur de la mobilité douce et de la qualité de vie fribourgeoise.

NSP: Il y a eu un changement par rapport aux dernières élections. Avec une majorité de quatre, les décisions politiques extrêmes et dogmatiques se sont multipliées. Le directeur de la mobilité, Pierre-Olivier Nobs, s’était engagé en juin 2021 à ne pas toucher aux tarifs du stationnement et cet engagement n’a pas été tenu. On ne se sent plus écouté et on a le sentiment qu’il n’y a plus de dialogue. Cette initiative est l’occasion pour la population de faire basculer la pendule pour retrouver un certain équilibre.

“Il y a d’autres mesures sociales à prendre”

Le libre accès n’est-il pas une mesure sociale à laquelle les partis de gauche devraient être sensibles ?

CG: Il y a d’autres mesures sociales à prendre. Par exemple, nous avons soumis un postulat au conseil de l’Agglomération de Fribourg pour que les tickets de transports publics ne coûtent qu’un franc le samedi et il a été accepté. Nous avons déposé une demande auprès du Conseil Général pour une réduction du prix des billets pour les personnes âgées bénéficiant de prestations complémentaires. Là où des places de stationnement ont été supprimées, de nouvelles terrasses sont apparues, ce qui profite à tous, aux commerçants et à l’ensemble de la population.

NSP: On ne pense pas aux familles ou aux personnes à mobilité réduite qui n’ont pas le choix du moyen de transport. Les artisans et commerçants se feront également un plaisir de payer un peu moins cher. La Ville de Fribourg doit mener une politique qui s’adresse à tous. Sans compter que les places de parking à Fribourg sont parmi les plus chères du pays. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. Price.

CG: Un stationnement gratuit créerait une mauvaise incitation. Un usager du quartier Alt qui ne veut pas quitter sa voiture pour se rendre à Pérolles prend justement la place d’une personne qui en a bien besoin. L’espace urbain reste le même alors que le nombre d’usagers de la route augmente chaque année.

Expresso bio

Gérald Collaud

Né à Fribourg en 1962

Enseignant et chercheur à l’Université.

Conseiller Général Centre Gauche – Parti Chrétien Social

Possède une voiture

David Krienbühl

Né à Lausanne en 1982

Secrétaire de l’employeur

Conseiller Général du PLR

Ne possède pas de voiture.

 
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