Il est midi, le 11 janvier, et Charles Consigny a face à lui un ministre serein. Dans quelques heures, la composition du gouvernement de Gabriel Attal sera dévoilée. Mais Bruno Le Maire n’est pas fébrile. Il a compris qu’il serait reconduit dans ses fonctions au poste qu’il occupe depuis maintenant près de sept ans. Dans son bureau du sixième étage de Bercy, en ce jeudi suspendu, il échange, détendu, avec l’avocat et chroniqueur de BFMTV, qui rêve de mener un jour une carrière politique. Ce dernier connaît déjà un peu le ministre des Finances. Il trouve ça solide. Il souhaitait avoir une discussion plus approfondie avec lui.
Ensemble, ils reviennent sur la campagne présidentielle de Valérie Pécresse, qui s’est si mal terminée pour elle. Charles Consigny était alors son porte-parole. «Moi, quand j’ai fait 2,5% à la primaire [organisée par LR pour désigner leur candidat à l’Élysée en 2017]Je n’ai accusé personne ; Je considérais que j’étais seul responsable, rappelle Bruno Le Maire à son visiteur. Pour elle, ce sont les autres qui sont responsables. » Et cet automne, quelle responsabilité va-t-il reconnaître ? De retour à la vie civile, l’ancien ministre des Finances est sur le banc des accusés. Fin novembre ou début décembre, il sera entendu par la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a revêtu mardi les attributs d’une commission d’enquête, et convoquée pour s’expliquer sur l’impressionnant dérapage du déficit public. en 2024.
La Commission des Finances de l’Assemblée demande d’enquêter sur le dérapage budgétaire
Les 4,4% initialement prévus sont devenus 6,1%. La France s’est retrouvée comparée à la Grèce. “La situation budgétaire que j’ai découverte est très grave”a déclaré Michel Barnier après sa prise de fonction. Que va répondre l’ancien ministre des Finances aux critiques de légèreté et aux soupçons de dissimulation dont il fait l’objet ? Mardi, Bruno Le Maire a déjeuné avec une dizaine de députés de la Renaissance. Au cours de cette réunion prévue de longue date, il a répété plusieurs arguments pour sa défense. Il leur a demandé de cibler l’incohérence des oppositions réclamant toujours plus de dépenses supplémentaires ces dernières années, et de rappeler le refus qu’il a essuyé au printemps d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal lorsqu’il avait réclamé un projet de loi de finances rectificative pour s’adapter à la crise. détérioration des comptes. De son côté, il ne s’exprimera pas publiquement avant sa convocation devant la commission parlementaire.
Mais ce jour-là, il compte remettre les pendules à l’heure. Il répétera toutes les fois où il a donné l’alarme. «Nous sommes souvent tombés sur la comparaison avec Liz Truss», se souvient l’un de ses anciens collègues du gouvernement. La Première ministre britannique avait perdu la confiance des marchés et son gouvernement était tombé. Il l’avait dit une fois devant Élisabeth Borne, qui avait fait une drôle de tête. » L’ancien grand financier dénoncera l’amnésie permanente d’une classe politique sans boussole. « Au début de l’année, c’était encore le père strict, et maintenant c’est lui qui a brûlé la caisse ! » s’agace un de ses proches. Est-ce que cela suffira ? « Si la situation était si grave, il aurait pu démissionner. En fait, n’était-ce pas plutôt une posture ? » demande un ancien ministre. Partisan convaincu de la politique de l’offre, Bruno Le Maire estime que l’enjeu va bien au-delà de sa personne. « Selon lui, c’est le bilan économique d’Emmanuel Macron qui est attaqué », rapporte l’un de ses interlocuteurs fréquents. Il estime que les acquis économiques de ces dernières années sont laissés de côté sur le plan idéologique. Il attend du soutien. »
L’ancien ministre des Finances s’est entretenu par téléphone avec le chef de l’Etat depuis son départ de Bercy. Ces fantômes du passé empêchent-ils totalement le quinquagénaire de se projeter dans le lendemain qu’il avait imaginé ? Dès l’échec de la majorité sortante aux élections législatives de juillet, Bruno Le Maire a annoncé qu’il allait quitter la politique active. Il ressent le besoin de se régénérer, après plus de deux décennies où elle avait tout envahi. Il souhaitait renouer avec une société dont il avait inévitablement été coupé, disait vouloir “de lenteur, de silence”. Depuis un mois, chaque lundi, il donne des cours d’anglais à 80 étudiants de l’Université de Lausanne. C’est le sien “retour à la vraie vie” à lui. Il y a quinze jours, le TGV de 20h29 qui devait le conduire de Genève à Paris a été annulé. Pour revenir, il a pris un Bus Blablacar de nuit. Temps de trajet : sept heures et quart…
Dérapage des finances publiques : les maires dénoncent « un écran de fumée » du gouvernement
Peu après son départ du gouvernement, Bruno Le Maire a déjeuné avec Nicolas Sarkozy. L’ancien président, qui aime tant jouer l’entraîneur, lui a expliqué toutes les choses passionnantes à faire en dehors de la politique. Mais contrairement à lui, l’ancien ministre des Finances ne se lancera pas dans les affaires. Il entend rester prudent. Depuis son discours d’adieu à Bercy le 12 septembre, tout le monde l’a compris : s’il part, c’est pour revenir meilleur. Ce jour-là, lors de ses fêtes ultérieures avec six maires très proches, il leur demande d’entretenir les réseaux qu’il a construits au fil des années dans toute la France. Il le sillonnera lui-même lors de la remise des décorations. Ce sera mardi à Toulon, mi-novembre à La Roche-sur-Yon…
Il y a un an, il a lancé une série de déjeuners thématiques. Université, hôpital, médicaments… étaient au menu. Il continuera à réfléchir aux changements du monde. Pour un éventuel candidat à la présidentielle, cela peut quand même être utile. Ces derniers jours, Bruno Le Maire a rencontré Élisabeth Borne et Gérald Darmanin. La semaine prochaine, il verra Olivier Dussopt, Aurore Bergé… Fin septembre, il a dîné avec Gabriel Attal. Cet automne, l’ancien Premier ministre est candidat à la présidence de Renaissance. L’ex-patron de Bercy lui a dit qu’il le soutiendrait. Il lui a également fait part de sa volonté : conserver un rôle dans le parti et une place au sein du bureau exécutif.