By our correspondent in Reunion, Jéromine DOUX.
La crise du Covid-19 en a été le déclencheur. Depuis 2020, de nombreux « nomades numériques » ont choisi La Réunion pour télétravailler. Des indépendants ou des salariés qui, souvent, ont conservé leurs clients ou leur employeur, mais effectuent leur travail à 9 000 kilomètres de la France.
Au bord de la piscine, dans un hôtel surplombant la baie de Saint-Gilles-les-Bains, à l’ouest de la Réunion, Jérémy, Bérénice, Maxime, Emma, Jean-Baptiste et Vanessa scrutent leurs écrans d’ordinateur. L’ambiance est studieuse, à deux pas des vacanciers profitant d’un cours d’aquagym. Chaque semaine, ces télétravailleurs se réunissent dans un lieu public pour travailler ensemble et briser l’isolement, via un groupe qu’ils ont créé sur les réseaux sociaux, baptisé « Bann coworkers ».
Tous ont choisi de s’installer à La Réunion, mais la plupart continuent de travailler pour des entreprises basées en France. Jean-Baptiste Parizot, chef de projet informatique, est arrivé à Saint-Denis début 2021. « Mon partenaire et moi avions ce projet en tête depuis plusieurs années. Nous voulions nous installer ici pour la qualité de vie, quitter Paris pour élever notre fils, et puis le faible décalage horaire (deux à trois heures) m’a rendu les choses plus faciles, précise le professionnel qui a gardé son principal client à Paris. Juste après la crise du Covid-19, alors que nous ne nous étions pas vus depuis plusieurs mois, mon client n’a eu aucun problème à ce que je travaille depuis la Réunion. précise-t-il.
Les espaces de coworking fleurissent sur l’île
Un « effet Covid » qui a profité à de nombreux salariés et indépendants. « On a vu beaucoup de personnes en télétravail s’installer sur l’île à cette époque. Alors qu’à mon arrivée début 2019, j’ai rencontré peu de personnes dans la même situation que moi », explique Maxime Renaux, ingénieur développement informatique qui travaille dans une entreprise parisienne.
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Une tendance à la « relocalisation », qui ne faiblit pas selon les « nomades numériques » présents sur l’île depuis plusieurs années. « Je connais pas mal de gens qui sont là depuis deux, trois ans et qui n’ont pas l’intention de partir. Et puis, on voit aussi beaucoup de nouveaux arriver. » complète Jean-Baptiste Parizot. Nicolas Marand, webdesigner indépendant, pensait au départ rester un an sur l’île. “Aujourd’hui, cela fait plus de deux ans, et nous ne voulons plus partir” lance le professionnel de 44 ans pour qui l’installation à la Réunion “C’était un grand défi.”
La création d’espaces de coworking, un peu partout sur l’île ces dernières années, témoigne aussi de l’arrivée en grand nombre de télétravailleurs. À Saint-Paul, Sainte-Marie, Saint-Louis ou Saint-Pierre, ces espaces attirent les professionnels qui souhaitent concilier travail et qualité de vie dans un cadre tropical. Selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), 25 000 des 270 000 emplois que compte l’île sont occupés par des indépendants.
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« Du soleil toute l’année »
La Réunion répond en effet à de nombreux critères pour les télétravailleurs. “Il y a vraiment beaucoup d’échanges avec le continent, les infrastructures de l’île se développent et on peut se former”, souligne Jean-Baptiste Parizot, qui vient de terminer une formation en intelligence artificielle. Mais c’est surtout le mode de vie qui attire. « Nous allons à la plage avec les enfants toute l’année. Les jours d’hiver, coincé à la maison quand il pleut, c’est fini, dit Maxime Renaux avec un large sourire. Pour Vanessa Moreno, « Travailler à la Réunion, c’est le rêve. Pour l’équilibre de la vie, le soleil toute l’année mais aussi pour le faible décalage horaire avec les pays européens », précise ce consultant dans le « web 3 », salarié d’une entreprise suisse.
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Cependant, le 100 % télétravail a ses limites. « On peut facilement passer ses journées seul, à la maison. Et c’est parfois compliqué de se motiver et de rencontrer du monde. confie Nicolas Marand. Pour Vanessa Moreno, c’est avant tout la remise en cause du télétravail qui est à craindre. «De plus en plus d’entreprises commencent à faire marche arrière, de peur de perdre le contrôle de leurs salariés. Le télétravail est progressivement remis en question. » souligne le consultant pour qui cette façon de travailler “tout en nous permettant d’augmenter la productivité et la créativité des gens.”