Quels enjeux pour le vignoble du Golfe du Morbihan ?

La vigne, concurrente des autres filières agricoles du Parc Naturel ? “C’est un grand fantasme !” » tacle Aurélien Berthou, formateur en viticulture au lycée Kerplouz à Auray et vigneron sur les terres de l’établissement. « L’arôme du vin est dans la pierre. La vigne affectionne les terres où le maïs, le blé et l’élevage réussissent moins bien. Nous sommes très complémentaires», rassure son collègue de Theix, Loïc Fourure. Tout en défendant « le socle polyculture-élevage et maraîchage », André Sergent, président de la chambre régionale d’agriculture, abonde dans le même sens : « C’est un vrai métier que je souhaite soutenir, une opportunité de diversification pour le territoire. Ce secteur va se développer. » Dans un contexte de pression foncière généralisée, le prix de ces terrains « pauvres » devra être surveillé. « L’artificialisation des sols est un enjeu bien plus important pour l’agriculture », constate Ronan Le Délézir, président du PNR.

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« La charte AVB est un engagement moral très important de non-utilisation de produits phytosanitaires de synthèse », insiste Loïc Fourure, vigneron à Theix-Noyalo et co-président de l’Association des Vignerons Bretons. (Le Télégramme/Catherine Lozac’h)
  • 2 Le défi environnemental

    Il souligne un autre défi pour le secteur : « Nous sommes une région avec de grands défis en matière de qualité de l’eau. » La question environnementale est d’autant plus forte que la vigne est gourmande dans les traitements. « Trois fois moins que le blé en azote, ce qui génère des marées vertes », précise Aurélien Berthou. « Mais cela nécessite des traitements au cuivre qui reste dans le sol. » Le changement climatique ne changera rien. « Elle restera favorable au développement des maladies », prévient la géographe Valérie Bonnardot.

Les pionniers n’ont pas balayé cette question sous le tapis. Sur le territoire du Parc, tous les nouveaux vignerons ont choisi le bio. Allées enherbées, plantation d’arbres fruitiers, respect des arbres présents… « La vigne s’intègre dans les paysages d’origine », argumente Frédéric Verseau, qui vient de planter chez Bono. « Je suis impressionné par la prise en compte de la question environnementale. C’est extraordinaire ce qui se passe ici », déclare Grégoire Besson. Originaire d’une région viticole, il a planté des vignes à Plougoumelen.

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Les nouveaux vignerons de la région ont choisi d’aller au-delà de la monoculture. Ici à Theix, alliant viticulture et apiculture. (Le Télégramme/Catherine Lozac’h)
  • 3 Le défi de la formation

    Face à la spécificité du climat, du sol et à la fragilité d’un environnement protégé, le besoin de formation locale s’est imposé. En novembre 2021, alors que les premières vendanges locales n’avaient même pas eu lieu, une formation professionnelle d’un an a ouvert au lycée Kerplouz d’Auray. Les promotions des chefs d’entreprise agricole restent modestes : 26 adultes formés en trois ans. « Il est important de soutenir les pionniers. Le terroir breton n’est pas évident. Et une jeune vigne est comme un bébé : très fragile. » Soutenue par la Région, cette formation a été complétée par un brevet d’ouvrier vitivinicole pour adultes dès 2022, qui peine à s’implanter. « Nous arrivons à une étape : les vignerons vont être confrontés à la difficulté de recruter du personnel formé », constate Aurélien Berthou.

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    Les vendanges 2024 n’ont apporté que de petites quantités aux vignerons. Ils devront faire face à ces aléas climatiques alors que leur activité économique nécessite des investissements importants et plusieurs années avant les premières rentrées d’argent. (Le Télégramme/Catherine Lozac’h)
  • 4 Le défi économique

    Avant d’imaginer plusieurs centaines, voire milliers d’hectares de vignes, les « domaines » actuels doivent franchir le seuil de la viabilité économique. Autour de la petite mer, tout le monde reste à taille humaine : moins de 10 hectares, quand une personne peut entretenir jusqu’à cinq hectares en bio.

    « La vigne, c’est un investissement de 15 000 à 35 000 € par hectare, explique Loïc Fourure. A cela s’ajoute le développement d’un domaine viticole, dans le respect des règles d’urbanisme parfois drastiques du littoral. « Je n’ai pas fait de construction en bois, dix fois plus chère, parce que j’aime le bois… », illustre le vigneron. Même s’il a réussi à vendre ses premières bouteilles cette année, il sait que « c’est un projet qui s’étalera sur huit ans. La pression, ce sont les créances. » Combien dureront assez longtemps ? Les premiers échecs pourraient freiner la vague d’enthousiasme. “Le boom va se calmer”, prédit Aurélien Berthou.

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    « 80 % du vin est élaboré à la vigne, explique Loïc Fourure. L’objectif à moyen terme des vignerons professionnels sera de faire reconnaître la qualité de ce travail par une IGP. (Le Télégramme/Catherine Lozac’h)
  • 5 Le défi de la reconnaissance

La pérennité de ce nouveau vignoble passera aussi par la reconnaissance de la qualité de son vin. L’AVB évoque l’objectif d’une indication géographique protégée (IGP) d’ici sept à dix ans. « Nous avons un patrimoine naturel : nous travaillons à le protéger. Nous possédons également un patrimoine anthropique, créé par l’homme. Une thèse en cours sur le passé viticole du Morbihan nous dira si elle permet d’établir cette IGP », estime Ronan Le Délézir. « Les activités primaires, qui fournissent du travail toute l’année, ont leur place sur notre territoire », estime le président du Parc. « Nous avons un regard bienveillant, en tant qu’observateur et guide, sur cette nouvelle culture. »

 
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