Une « bouteille tueuse » du XIXe siècle découverte sur le site de la nouvelle Maison de Radio-Canada à Montréal

Une « bouteille tueuse » du XIXe siècle découverte sur le site de la nouvelle Maison de Radio-Canada à Montréal
Descriptive text here

L’analyse d’objets exhumés sur le site de la nouvelle Maison de Radio-Canada, à Montréal, a permis d’identifier un bouchon appartenant à quels médecins à la fin du XIXe sièclee siècle surnommé le « biberon tueur » en raison d’un défaut de conception qui en faisait un terrain fertile pour les bactéries.

La découverte de cette pièce de céramique mesurant quatre centimètres de diamètre est exceptionnelle dans le contexte archéologique québécois. «Je ne sais pas si c’est unique, mais ce n’est pas courant», explique Isabelle Hade, spécialiste de la culture matérielle au cabinet Ethnoscop.

À l’extérieur du bouchon, on peut encore lire le nom de famille de William Mather, le fabricant des biberons Princess fabriqués en Angleterre entre 1871 et 1890. Les lettres violettes de l’inscription forment un arc autour du trou par lequel passe un tube de une cinquantaine de centimètres ont été insérés, reliés à une tétine en caoutchouc.

Ce biberon révolutionnaire devait promouvoir l’autonomie du nourrisson et l’émancipation de la femme victorienne. «Ça a un peu libéré la maman», explique Isabelle Hade. Les mères étaient fières que leurs bébés se nourrissent eux-mêmes, comme aujourd’hui en gros. »

Cependant, le nettoyage de cette bouteille placée dans les berceaux était difficile, ce qui favorisait la prolifération de bactéries. D’autant plus qu’il était généralement lavé tous les mois. Le lait a eu tout le temps de coller aux parois du tube surchauffées par son exposition au soleil.

Publicité mensongère

Breveté en 1869 par l’industriel français Édouard Robert, le biberon tube permettait d’éviter l’épuisement du nourrisson, comme le souligne à grands traits une affiche publicitaire de 1882 représentant un bébé très gros entouré de médailles obtenues par le fabricant.

« La publicité a été très forte », observe Isabelle Hade. Si nous voulons être modernes, nous devons acheter ces produits. Pour les mamans, cela en disait long : le biberon gagnait des prix, donc elles se sentaient en sécurité. »

La distribution du flacon tube au Québec est floue. « Il est difficile d’avoir des données sur les objets de consommation », explique l’historienne Denyse Baillargeon, en entrevue avec Le devoir. Si nous en trouvions un [à Montréal], on peut penser qu’il y en avait plusieurs autres. Cette découverte signifie qu’elle était relativement répandue dans certaines classes de la société. »

Le lait était parfois vendu en vrac dans les épiceries locales. Les femmes trempaient une louche dans un chaudron pour remplir leurs récipients, on imagine donc toutes les possibilités de contamination.

C’est le cas de la Princesse liège qui a été retrouvée dans les latrines d’un professeur de l’académie Sainte-Marie, Michael Riordan, dont le salaire était un peu plus élevé que celui de ses voisins du « faubourg à m’lasse ». Cette institutrice occupa les lieux entre 1881 et 1903, au plus fort de la commercialisation de ce biberon. Il est possible que le bouchon trouvé par les archéologues ait été jeté dans les latrines suite aux campagnes de sensibilisation menées par les hygiénistes français à la fin du XIXème siècle.e siècle. Les contemporains prennent alors conscience des dangers des biberons sondes, dont la vente est interdite en France à partir de 1910.

On ne sait pas si le bouchon découvert dans les latrines de la maison Riordan contenait encore des bactéries. “Pour le savoir, il faudrait faire des analyses spécialisées qui n’ont pas été réalisées”, explique Isabelle Hade.

Hécatombe

Au-delà du « biberon tueur », dont la présence reste anecdotique au Québec, c’est la mauvaise qualité du lait qui explique la mortalité infantile exponentielle à la fin du XIX siècle.e siècle, qui prend un bébé sur quatre dans les familles canadiennes-françaises.

Le lait consommé à Montréal était contaminé dès sa sortie de la ferme en étant transporté dans des canettes pas toujours adéquatement nettoyées. Les conteneurs restaient ensuite de longues périodes au soleil sur les quais des gares. « Il nous arrivait de vendre du lait en vrac dans les épiceries locales », se souvient Denyse Baillargeon. Les femmes trempaient une louche dans un chaudron pour remplir leurs récipients, on imagine donc toutes les possibilités de contamination. »

Le contenu de la bouteille était également infecté par l’eau que les familles pauvres ajoutaient pour allonger le lait. Nous avons également mélangé de la farine, du blanc d’œuf et même du borax acheté en pharmacie. «On avait l’impression que certains ingrédients permettaient de purifier le lait, ou du moins de conserver ses qualités plus longtemps», explique Denyse Baillargeon.

La mortalité infantile touche davantage les bébés de mères canadiennes-françaises qui passent généralement au biberon après deux mois d’allaitement. Cette interruption rapide résulterait notamment de la modestie religieuse et familiale, les jeunes femmes partageant souvent leur toit avec la belle-famille après leur mariage. « Nous ne pouvions pas allaiter facilement », se souvient l’historienne. Il fallait le faire en secret, dans sa chambre, et quand on était maman, c’était compliqué de laisser des jeunes enfants seuls dans d’autres pièces. »

Un allaitement raccourci était raisonnable du point de vue des mères canadiennes-françaises. «Ils savaient qu’il était nécessaire d’allaiter un minimum pour que l’enfant s’en sorte bien. C’était leur expression, “le laisser dans la vie”, mais au bout de deux mois, on s’est dit que ça suffisait”, explique M.moi Baillargeon.

A voir en vidéo

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV un ancien machiniste de la RATP arrêté après avoir pris un bus depuis un dépôt
NEXT pourquoi il faudra attendre juin pour le retour du beau temps