L’empreinte américaine | Trump et les films (d’horreur)

L’empreinte américaine | Trump et les films (d’horreur)
L’empreinte américaine | Trump et les films (d’horreur)

À quelques semaines d’une élection présidentielle historique aux États-Unis, nos journalistes Manon Dumais et Marc Cassivi évoquent l’effet que le controversé candidat républicain et ancien président Donald Trump a eu sur le cinéma de fiction américain ces dernières années, avec et sans lui comme protagoniste principal. personnage.


Publié à 1h13

Mis à jour à 5h00

Marc Cassivi : L’apprenti, d’Ali Abbasi, en salles depuis vendredi, est le premier long métrage de fiction centré sur le parcours de Donald Trump. Je comprends que son entourage ne se réjouisse pas que ce portrait peu flatteur soit diffusé à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine, mais en même temps, le film semble au premier abord presque sympathique à Trump. Le jeune Donald est présenté comme un homme qui a le sens des affaires, vit dans l’ombre d’un père castrateur et n’a pas encore renoncé aux principes élémentaires de justice. D’après le portrait que L’apprentiLe manque de confiance de Trump s’est transformé en arrogance au contact de son mentor Roy Cohn, puis en mégalomanie. Mais le film ne fait pas de lui une caricature d’idiot sans talent. C’est peut-être ce qui dérange le plus son entourage, finalement, l’aspect crédible du portrait. Avant L’apprentiil y a eu des films sur la présidence Trump, mais sans Trump.






Manon Dumais: En effet, et quoi de mieux qu’un film d’horreur pour illustrer l’ère trumpienne ? Vous savez probablement que le réalisateur Jordan Peele aime dire ça Sortirsorti en 2017 et considéré par de nombreux critiques comme le premier film sur les 100 premiers jours de la présidence Trump, est en réalité un documentaire. Oscar du meilleur scénario, une rareté pour un drame d’horreur, Sortir met en scène un photographe noir qui devient la proie d’une famille bourgeoise blanche. En fait, c’est comme une version sanglante de Devinez qui vient dînerde Stanley Kramer, sorti en 1967, deux ans après la signature de Loi sur les droits civilssous Lyndon B. Johnson, successeur de John F. Kennedy. Évidemment, Peele a écrit le scénario alors que Barack Obama était au pouvoir, mais les tensions raciales qu’il illustre avec un humour féroce ont été amplifiées sous Trump. S’il y a un film qui me fait penser à l’ère trumpienne, c’est bien Jokerpar Todd Phillips, où nous faisons écho à la sous-culture incel.

M.C. : J’ai tellement ri quand le personnage du père dans Sortir dit à ami de sa fille, qui est noire : « D’ailleurs, j’aurais voté pour un troisième mandat d’Obama si j’avais pu le faire ! »

Je n’avais jamais envisagé Joker sous cet angle, mais il est vrai que les thèses du film – le rapport radical au capital, à l’écart entre les classes sociales et à l’autorité policière – sont très trumpiennes. Sans parler de ce qui se passe dans la tête du Joker, qui est de l’ordre du délire narcissique…

Marc Cassivi






M.D. : Narcissique, dites-vous ? Quelle est la chose la plus effrayante à propos de Jokerc’est de voir tous ces hommes qui l’adorent, après le meurtre qu’il a commis en direct à la télé, et se maquillent comme lui en clown. Vous vous souvenez des partisans de Trump portant un bandage sur l’oreille après la tentative d’assassinat contre lui ? Dans Joker – Folie à deuxHarley Quinn contribue à faire du Joker une figure charismatique, une star médiatique, alors qu’il est jugé, lors d’un procès retransmis en direct à la télévision, pour les meurtres de cinq personnes – personne ne sait qu’il a également tué sa mère. Cela ne vous rappelle-t-il pas l’époque où Trump disait qu’il était si aimé qu’il pouvait tuer des gens à bout portant sans qu’il y ait de conséquences ?

De plus, lors d’un rassemblement en Pennsylvanie, Trump a suggéré une journée de violence policière pour mettre fin à la criminalité». Euh… on n’est pas très loin de la franchise du film d’horreur La purge (2013-2021). Trump serait-il influencé par le cinéma ?

Manon Dumais






M.C. : Trump influence les cinéastes d’horreur, c’est sûr ! Il y a deux semaines, Stephen King a parlé de X en tant que personnage de Greg Stillson dans son roman La zone morte a été inspiré par Donald Trump. C’était une blague : il l’a écrit il y a 45 ans. Mais si vous vous souvenez de l’adaptation de David Cronenberg, c’est l’histoire d’un professeur d’université (Christopher Walken) qui soudain, après un accident, possède un don surnaturel de prescience. Il serre la main de Stillson (Martin Sheen), un candidat ultranationaliste au Sénat américain, et a la vision de lui devenir président des États-Unis, déclenchant une guerre nucléaire.

Ce qui nous amène inévitablement à Guerre civile, d’Alex Garland, qui rappelle l’insurrection du 6 janvier 2021 et le refus (à ce jour) de Donald Trump d’admettre sa défaite électorale. Dans Guerre civilele souhait du père dans Sortir est atteint : le président reste au pouvoir pour un troisième mandat. Par la force.

Marc Cassivi

M.D. : Des histoires d’anticipation comme celles de Guerre civile et la franchise La purge sont de plus en plus inquiétants, car les univers dystopiques qu’ils décrivent semblent se rapprocher de plus en plus de notre époque. Dans la troisième partie, La purge – Année électoralese déroulant en 2040 et publié en 2016, l’année où Trump a vaincu Hilary Clinton, une démocrate promet d’éliminer la Purge, dont le but caché est d’éradiquer les citoyens dans le besoin et de permettre aux plus aisés d’exprimer leurs pulsions violentes. Lors du débat entre Kamala Harris et Trump, la vice-présidente a rappelé qu’elle souhaitait aider la classe moyenne et les PME, tandis que sa rivale veut satisfaire les multimillionnaires. Cela dit, la critique la plus féroce de l’Amérique vient, une fois de plus, de Jordan Peele. Dans le drame d’horreur Nous (États-Unis/Nous), sorti en 2019, le rêve américain en prend un coup. On voit des familles fortunées attaquées par des sosies, venus de souterrains abandonnés en divers endroits, pour prendre leur place en les tuant. Métaphore du fossé qui se creuse entre les classes sociales, elle est assez violente.






M.C. : Jordan Peele a le don de prendre le pouls de sa nation, vous avez raison. Malgré toutes les réserves que j’ai exprimées à l’égard Mégalopole — est-ce que cela entre dans la catégorie « tellement mauvais que c’est bon » ? —, Francis Coppola propose aussi à sa manière une fable sur la chute de l’empire américain inspirée de la présidence Trump. On le sent dans le grotesque du film et chez l’un de ses personnages, interprété par Shia LaBeouf. Le cousin de César (Adam Driver) est un fils oisif et vénal d’un milliardaire (Jon Voight, un rare comédien pro-Trump) qui se réinvente en démagogue populiste. Lors d’une conférence de presse avant la présentation de Mégalopole Au Festival du film de New York en septembre, Coppola a déclaré que son film était le reflet de « la direction que prendront les États-Unis dans quelques mois ». Il fallait voir le visage grimaçant de Robert De Niro, à ses côtés sur scène. Il a dit tout le mal qu’il pensait du candidat républicain. Il n’est pas le seul à espérer que Coppola ait tort.

 
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