“Pour l’Arizona, si vous tombez malade, c’est de votre faute.”

“Pour l’Arizona, si vous tombez malade, c’est de votre faute.”
“Pour l’Arizona, si vous tombez malade, c’est de votre faute.”

On voit que le PS se montre assez offensif contre l’Arizona ces dernières semaines. Est-ce que ce que vous avez lu dans la super note de Bart De Wever vous a à ce point choqué ?

C’est un catalogue d’horreurs. Nous avons pris le temps d’analyser en détail les impacts sur la population de cette note, qui reste à ce jour le seul document officiel de négociation. Nous avons entendu certains dire : « tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout, il n’y a pas d’accord sur quoi que ce soit ». Ils ont minimisé le fait qu’il y avait déjà des engagements sur toute une série de thèmes. On l’a vu chez le leader des Engagés. Le jour où Bart De Wever a démissionné de son poste d’entraîneur, Maxime Prévot a envoyé un communiqué élogieux, présentant ce qui était sur la table comme la 8ème merveille du monde. Au fil des jours, nous avons constaté que l’on s’éloignait beaucoup de ce sur quoi il y avait déjà un accord.

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Avez-vous été surpris par ce que vous avez lu ?

Pas vraiment. La droite s’en prendra à ses bêtes noires traditionnelles : les pauvres, les précaires et les fonctionnaires. Plus surprenant est de voir qu’ils s’en prennent aussi aux travailleurs, avec la réintroduction du jour de carence pour les ouvriers et les salariés. Un petit flash-back. Cette aberration de notre législation belge prévoyait que lorsqu’un ouvrier ou employé tombait malade, il perdait une journée de salaire. Cela a été supprimé en 2010 par Elio Di Rupo.

Les travailleurs ne bénéficieront pas du fait de tomber malade…

Il s’agit d’une mesure socialement injuste. Les gens ne choisissent pas de tomber malade. Selon les derniers chiffres de Securex, 7 travailleurs sur 10 ont été malades au moins un jour en 2022. Cela concerne beaucoup de monde. Cette mesure ne prend pas en compte le fait que les gens sont plus souvent malades dans les métiers difficiles, comme l’attestent toutes les études. C’est aussi une mesure dangereuse : c’est ne pas tirer les leçons de la période Covid où les périodes de confinement ont montré leur efficacité pour protéger les collègues ou les clients. Le message envoyé par l’Arizona est le suivant : si vous tombez malade, c’est de votre faute. Le premier jour, vous devrez le payer de votre poche. Mais aussi : allez au travail et prenez le risque de contaminer vos collègues, vos patients, vos clients.

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Les Engagés sont devenus un parti de droite encore plus bourgeois que le MR des camping-cars.»

Quels sont les risques liés à la mise en œuvre de cette journée ?

Nous l’avons chiffré. Une femme de ménage en titres-services, payée 14,15 euros de l’heure, qui tombe malade un seul jour, demain, les partis de l’Arizona envisagent de lui retirer 107,54 euros de son salaire mensuel. Une caissière qui a plus de 20 ans d’ancienneté : elle perdrait 105,55 euros par mois avec la réintroduction d’un seul jour d’attente. Certains ont parlé d’attendre jusqu’à trois jours. Là, les montants seraient triplés. Pour les partis de l’Arizona, les pauvres sont considérés comme des profiteurs et les fonctionnaires comme des privilégiés. Le MR se targue d’être le parti du travail, mais ce n’est certainement pas le parti des travailleurs.

Et les Engagés là-dedans ?

Les Engagés sont devenus un parti de droite encore plus bourgeois que le MR des camping-cars.

Ne pensez-vous pas que cette logique du bâton plutôt que de la carotte portera ses fruits ?

Trouvez-vous normal de voler une journée de salaire à un travailleur qui tombe malade ? Trouvez-vous normal de supprimer le droit individuel à la formation alors que toutes les études disent que c’est un des enjeux majeurs pour augmenter le taux d’emploi ? Trouvez-vous normal qu’une personne qui travaille de nuit dans un centre logistique perde de l’argent ? Trouvez-vous normal qu’une infirmière perde de l’argent ? Non, je ne pense pas que ce soit comme ça qu’on va rendre ces métiers attractifs et donner envie aux gens d’aller travailler.

Le jour de carence menace les travailleurs belges, prévient Pierre-Yves Dermagne : « Les travailleurs n’auront pas intérêt à tomber malades… » ©Jean Luc Flemal

Quelle autre mesure vous a horrifié ?

L’abolition du droit individuel à la formation. Avec ce gouvernement Vivaldi, je me suis battu pour que les travailleurs puissent bénéficier de cinq jours de formation financés par l’employeur. L’évolution du marché du travail leur impose de se former tout au long de leur carrière. Les statistiques montrent que ce sont les travailleurs qui ont le plus besoin de formation qui ont le moins accès à la formation. La mesure proposée, qui constitue une exigence du banc patronal, est la suppression de ce droit à la formation. Nous avons des entreprises qui nous disent chaque jour qu’elles ne trouvent pas suffisamment de candidats. La question de la formation est centrale si l’on veut augmenter le taux d’emploi. Ce devrait être une cause nationale.

Quel est le public qui en souffrira ?

Les plus âgés, ceux de plus de 55 ans. Et les femmes. Moins d’entre eux peuvent bénéficier d’une formation en entreprise.

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La politique peut-elle encore faire quelque chose pour Audi Forest ?

Je l’espère. Tous les gouvernements et institutions concernés doivent tout mettre en œuvre pour tenter de garantir un avenir industriel au site, à ses travailleurs et à ses sous-traitants. Mais les pouvoirs sont limités. La question ne se limite pas à la Belgique. C’est une crise que traverse l’industrie automobile européenne, liée à toute une série de facteurs, comme la concurrence féroce de la Chine et des États-Unis. Une guerre commerciale a commencé. Côté politique, nous avons pris des engagements pour garantir un avenir avec le groupe Volkswagen et le site Audi Forest. Les gouvernements ont parlé d’une seule voix, à la fois pour le gouvernement sortant mais aussi pour mettre le pied dans la porte des futures majorités. Nous sentons qu’il existe un consensus politique pour continuer à lutter pour celui des travailleurs et des sous-traitants.

Vous serez chef de groupe à la Chambre. Dans un mois ou un an ?

Je le serai plus tôt. Si les Rochefortois me font confiance pour redevenir leur maire, je me suis engagé à assurer cette fonction. Le 2 décembre, si tel est le cas, je prêterai serment en tant que maire de Rochefort et j’assumerai mon rôle de leader du groupe PS à la Chambre.

Peut-être faudra-t-il vous trouver un remplaçant au poste de ministre de l’Économie ?

Ce sont des choses qui arrivent. J’ai pris un engagement clair envers Rochefort. Je ferai comme je l’ai fait en 2018 : sans percevoir mon salaire de maire et en appliquant la règle du décumulation financière qui s’applique au sein du PS. Mon salaire sera reversé à des associations, si tel est le cas.

L’alternance pour le PS est-elle une bonne chose ? Être coincé dans l’opposition, est-il temps de faire de l’introspection ?

Nous avons fait le choix d’aller dans l’opposition pour pouvoir mener ce processus de réflexion et de reconstruction du parti. Je suis convaincu que nos fondamentaux sont plus que jamais d’actualité. Il faut réfléchir à la manière de pouvoir convaincre la population dans un environnement politique et médiatique qui a changé. Une réflexion que nous devons faire après le 9 juin est qu’il a été difficile de mener une campagne sur le fond. Nous avons souvent été tirés à terre par certains, et notamment par Georges-Louis Bouchez. Pour moi, la politique est bien plus qu’une série d’attaques personnelles et de piques. Nous restons convaincus au PS que nous pouvons continuer à convaincre et à rassembler sans dénigrer et sans opposer une partie de la population les unes aux autres.

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Quels seront bientôt les grands combats au Parlement ?

Dans les prochains jours, il y aura un avortement. Nous continuerons d’enfoncer le clou pour que nous puissions enfin mettre à jour notre législation et que nous puissions garantir l’accès à l’avortement à toutes les femmes dans des conditions dignes. Nous souhaitons que la durée de l’avortement soit allongée. Nous voulons dépénaliser complètement l’avortement. Nous voulons simplement faire partie de l’histoire. Il est incompréhensible qu’il y ait encore aujourd’hui des blocages pour des raisons religieuses ou philosophiques.

Les paroles du Pape… vous y attendiez-vous ?

Ils ne m’ont pas surpris. Nous sommes à la tête d’une institution qui est le reflet de son passé.

En tant que robespierriste et antimonarchiste, comment avez-vous interprété cet accueil réservé par le Roi au Pape qui lui a permis de faire ces déclarations sur une « loi meurtrière » ?

L’Église catholique et le Palais Royal ne sont pas sortis gagnants de cette séquence. Cela démontre que tous deux sont en décalage avec une grande partie de la population belge et ses aspirations en 2024.

La place de la monarchie dans le système politique pourrait être revue, selon vous ?

C’est un débat qu’il serait utile d’avoir. Mais je suis également conscient que ce n’est pas à l’ordre du jour. Et ce n’est pas ma priorité, ni celle du Parti socialiste.

 
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