Nostalgie(s) de l’Orient(s) – Colloque international (Grenoble) – .

Nostalgie(s) de l’Orient(s) – Colloque international (Grenoble) – .
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Nostalgie(s) de l’Orient(s)

Colloque international – Université Grenoble Alpes

5 et 6 décembre 2024

Conférence organisée par Monica Balda-Tillier et Lisa El Ghaoui du Luhcie (Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Italie Europe), dans le cadre du programme de recherche « ORFE » (De l’Orient et des Femmes) porté par Lisa El Ghaoui.

Dans son livre : Nostalgie, histoire d’une émotion mortelle, Thomas Dodman explique, avec une certaine ironie, qu’« il n’y a pas si longtemps que nous nous laissions aller à des rêveries nostalgiques sans avoir à craindre pour notre vie ». Il fut en effet une époque où nous ne nous sentions pas simplement nostalgiques, mais « nous avions la nostalgie de la même manière que nous pouvions avoir la tuberculose, le choléra ou un simple rhume », bref, nous « attrapions la nostalgie ».[1]».

Si la souffrance liée à l’éloignement, au déracinement, à l’exil, à la perte, a toujours été un thème central de la poésie, de la littérature en général, mais aussi des textes sacrés, des ballades troubadours ou des épopées, la description clinique proposée par Johannes Hofer ( 1669-1752), jeune étudiant en médecine alsacien, dans sa thèse[2], a déplacé cette souffrance vers une autre dimension : celle de la pathologie. En étudiant la douleur provoquée par l’arrachement au lieu habituel de l’existence, d’une part, et, d’autre part, par l’obsession douloureuse du retour à ce lieu, il forge le néologisme savant « nostalgie » à partir des termes nostos (retour maison) et des algos (douleur, langueur), transformant ainsi un phénomène émotionnel (mal du pays, heimweh en allemand) en un état morbide lié à un véritable « trouble de l’imagination ».[3]» qui peut conduire au suicide.

Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on assiste à une « démédicalisation » du terme liée notamment à l’évolution de la perception des émotions ainsi qu’à la naissance du romantisme. La nostalgie se définira peu à peu comme un sentiment associé à la tristesse, au regret, à l’ennui, et deviendra un thème littéraire par excellence lié au « mal du siècle » et au « spleen » (Lamartine, de Musset, Baudelaire).

Maladie de l’âme ou du corps, métaphore existentielle, mémoire du cœur, essence même de la pensée humaine (Camus[4]), virtualité anthropologique fondamentale (Starobinsky[5]), poison ou antidote ? Chaque civilisation a ses variantes souvent intraduisibles d’une langue à l’autre : blues afro-américain, saudade portugaise, dor roumain, sehnsucht allemand… Les nostalgies se déclinent dans une large gamme de sensations et d’émotions où l’inquiétude, la mélancolie, la tristesse, le sentiment de vide , du manque, du flou dans l’âme se mêlent à l’espoir, à la douceur, à la soif de vivre, à la rêverie d’un ailleurs, d’un âge d’or imprécis, d’un bonheur surnaturel… où l’âme errante n’a jamais vraiment conscience de ce qu’elle est. convoite.

Mal du pays lié à la perte d’un espace physique familier, quitté le plus souvent par contrainte (exil, guerre, émigration) et à la douleur provoquée par le désir violent d’y retourner[6], une dimension temporelle s’ajoute : l’expérience romantique de la fuite du temps et la recherche, à la fois pleine d’espoir et désespérée, d’une époque à jamais révolue. Si le retour physique au lieu d’origine est possible, il n’en reste pas moins un sentiment de « dislocation temporelle » irréversible, qui accentue le sentiment de perte, la douleur du retour pouvant parfois s’avérer encore plus forte que celle du manque.

Dans la littérature arabe, même si elle n’a jamais été considérée comme une véritable pathologie, la nostalgie a toujours représenté l’un des thèmes majeurs. Indissociable de l’expression du sentiment amoureux à l’époque préislamique, elle raconte une séparation, qu’elle soit temporelle ou spatiale, un manque et reflète donc la fragilité de la condition humaine. Son expression ne se limite cependant pas à la poésie amoureuse, mais s’étend à d’autres genres poétiques et en prose, comme l’éloge funèbre, la poésie bachique, le récit de voyage, la chronique historique et bien d’autres formes littéraires.[7]. Il semble notamment que l’expression de la nostalgie soit indissociable du mythe de l’Andalousie perçue comme un paradis perdu et ce encore bien après la Reconquista et le départ des musulmans de la péninsule ibérique. Cette nostalgie, mêlée de tristesse, persiste dans le temps, au point de pouvoir être définie comme « une obsession perpétuelle », présente jusque dans les manifestations artistiques et culturelles contemporaines du monde arabe.[8].

En suivant cette double connotation spatio-temporelle, cette conférence vise à interroger les différents aspects de la nostalgie relative à la représentation de l’Orient, ou plutôt de ces multiples Orient(s) qui peuvent être à la fois familiers ou fantasmés : d’une part, ces des espaces géographiques concrets à la fois intimes et historiques (décrits dans les autobiographies, mémoires, carnets de voyage) et d’autre part, ces espaces mythiques, transfigurés ou idéalisés par l’imaginaire, l’art et la littérature, incarnant un « ailleurs » bien distinct de l’« ici ». », qui peut difficilement être fixé sur une carte.

Les communications peuvent aborder la représentation de la nostalgie d’un point de vue externe (l’Orient vu par l’Occident) et/ou interne (l’Orient vu par ou depuis l’Orient).

Le thème de la nostalgie pourrait être envisagé :

1) sous un aspect intime et individuel, à travers, par exemple, une écriture rétrospective de l’intérieur. De par l’aspect subjectif du filtre auquel elle est soumise (la mémoire), ce type d’écriture « tisse un regard subjectif proche de l’aveu ». [9] », mais a en même temps une signification historique et universelle. Il peut être présenté de multiples manières : écrits mémoriels, journaux intimes, souvenirs d’enfance, récits de voyage, autobiographies, récits historiques ayant une signification de documents du moi, etc.

2) sous un aspect idéologique, par exemple lorsque le mythe de l’Orient devient un contre-modèle (positif ou négatif) de la société occidentale (récits orientalistes et orientalisants).

3) sous un aspect collectif, lorsque la nostalgie est l’expression d’un sentiment d’appartenance à un groupe, une ethnie ou un peuple endommagé ou fragilisé par l’Histoire, dont l’identité est menacée (exilés, esclaves). Ce type de nostalgie se manifeste notamment dans les formes d’expression orales (chansons, légendes, etc.).

Le colloque sera donc pluridisciplinaire et ouvert à toutes les périodes et toutes les matières d’études (littérature, histoire, cinéma, théâtre, beaux-arts, musique, etc.).

Les communications axées sur les écritures féminines, les artistes ou les protagonistes féminines seront particulièrement appréciées.

Responsables scientifiques :

Monica Balda-Tillier (Luhcie)

Lisa El Ghaoui (Luhcie)

Les propositions doivent être envoyées aux adresses suivantes :

[email protected]

[email protected]

Date limite de réception des propositions : 30/06/2024

La notification d’acceptation des propositions sera envoyée au plus tard le 30/07/2024

Format des propositions :

Une synthèse d’une page maximum, avec le titre de la communication, le corpus et la période étudiée, le type d’approche choisi, les principales thématiques abordées et précisant votre nom, votre affiliation institutionnelle et vos coordonnées.

Langues acceptées : français, anglais, italien.

La publication des articles issus du colloque est prévue, après relecture et validation des contributions par les pairs.

[1] Thomas Dodman, Nostalgie, histoire d’une émotion mortelle, Paris, Seuil, 2022, p. 9-10.
[2] En 1688, un an avant de soumettre sa thèse de doctorat principale «Dissertatio medica inauguralis de hydrope ovarii muliebris», J. Hofer soumit une thèse secondaire au professeur J. Jacob Harder, dans laquelle il décrivait le «mal du pays» qui frappait les mercenaires suisses qui quittèrent le pays. alpages pour servir en France ou en Italie. Le terme nostalgie prend alors un aspect strictement médical et est analysé comme un véritable traumatisme. La thèse fut publiée à Bâle en 1745 sous le titre « Dissertatio curiosa-medica, de nostalgia, vulgo : Heimwehe oder Heimsehnsucht ».
[3] « La nostalgie naît d’un trouble de l’imagination, tandis que le suc nerveux prend toujours une seule et même direction dans le cerveau et n’éveille donc qu’une seule et même idée, le désir de retourner au pays ; cette idée est liée à des manifestations tantôt plus violentes, tantôt plus modérées. […] Les nostalgiques ne sont touchés que par peu d’objets extérieurs, et rien ne les impressionne plus vivement que l’idée de retourner dans leur patrie », J. Starobinsky, De la nostalgie, mémoire tourmentée, Éditions Érès, « Cliniques Méditerranéennes », 2003 /1, non. 67, p. 198.
[4] A. Camus, Le mythe de Sisyphe : « la pensée d’un homme est avant tout sa nostalgie ».
[5] J. Starobinsky, De la nostalgie, mémoire tourmentée, op. cit., p. 191.
[6] Lorsqu’il entre dans le dictionnaire de l’Académie française en 1835, le terme est défini ainsi : « Maladie provoquée par un violent désir de retourner dans sa patrie. On dit communément : « La maladie du pays, le mal du pays ».
[7] Brigitte Foulon (dir.), L’écriture de la nostalgie dans la littérature arabe, L’Harmattan, Paris, 2013, p. 7.
[8] Ibid, p. 15-16.
[9] Clélia Zernik, « Écriture rétrospective ou Comment on devient critique d’art », Critique d’art [En ligne], 40 | 2012, mis en ligne le 1er novembre 2013, consulté le 8 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/5674 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.5674.

 
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