Ariana remercie ses donateurs et mécènes

Ariana remercie ses donateurs et mécènes

Publié aujourd’hui à 16h45

Il n’a sans doute pas « trente millions d’amis », comme les animaux à la télévision. Pourtant, l’Ariana de Genève en compte beaucoup. Il y a les fonctionnaires, regroupés depuis 2010 (date à laquelle l’institution a acquis son autonomie dans un monde postcolonial) sous le sigle AAA (1). Plus d’autres qui sont mécènes, donateurs ou testateurs. Cela fait beaucoup de monde pour un musée qui en a bien besoin. Depuis 1994 (il y a trente ans), la Ville ne lui accorde plus de crédits d’achat. Elle reste bien trop pauvre pour cela, comme nous le savons . Au prix du trou inutile creusé dans la ville de Genève, c’est malheureusement dans le portefeuille que ce dernier devient le plus évident. Pensez à la dette ! Pensez à nous les enfants ! Pensez à la caisse de retraite de nos fonctionnaires, même s’ils ne travaillent pas toujours !

Entre donation et liquidation

Ce préambule m’a semblé nécessaire pour annoncer la nouvelle exposition Ariana, mijotée à feu très doux par Isabelle Naef Galuba. La chose s’appelle : « Faire un don, une affaire de cœur ou d’esprit » ? Pour le réalisateur, il s’agissait de faire le tri en suivant le temps qui passe. Pourquoi cette largesse ? D’où viennent-ils? En quoi peuvent-ils être accidentels ou au contraire calculés ? Selon moi, il y a un monde de différence entre l’héritage volumineux qui finit chez Ariana (au point que papa et maman ne peuvent décemment pas finir aux Puces) et l’envie d’un amateur sélectionnant une pièce bien précise pour combler un lacune dans les collections nées de l’héritage de Gustave Revilliod en 1890. Deux cas extrêmes entre lesquels se situent des solutions médianes, qui se révèlent toutes différentes. Le charme des collectionneurs reste qu’ils ne se ressemblent finalement pas.

Afin de démontrer, Isabelle Naef Galuba disposait de douze vitrines. Ceux qui, perçant le mur, font le tour de la galerie sur le hall. On ne peut pas dire que ces mini-espaces en forme de suppositoires constituent une réussite en termes de design. Il s’agit d’un héritage du malheureux remodelage intérieur de l’Ariana dans les années 1990. La rondeur même de ces capsules finit par limiter le choix des pièces, qui doivent rester plates et étroites. Ce défaut ne semble pas poser de problème ici. Pour le réalisateur devenu commissaire, il s’agissait moins de montrer des œuvres précises que de leur faire transmettre un message cohérent. De quelle manière et selon quelles pensées la générosité s’exerce-t-elle depuis plus d’un siècle ? Et surtout depuis une quarantaine d’années. La manifestation ressemble beaucoup à des remerciements, il valait en effet mieux que ceux-ci soient adressés à des personnes vivantes ou du moins que les visiteurs fréquents de l’Ariana en aient connu. C’est élégant. Bien élevé. Heureusement, tous les musées ne sont pas censés se comporter en gougnafiers (2), même si beaucoup le font. En matière de non-reconnaissance, le MAH et le MEG de Genève n’ont pas une très bonne réputation.

Une sculpture en céramique de Gundi Dietz.

Le parcours reste en principe chronologique. Elle part donc de l’héritage Revilliod en 1890, ou du moins de sa partie verre et céramique puisque les pièces relatives à l’ethnographie ou aux beaux-arts en furent retirées en 1934. C’est la grande collection historique. Viennent ensuite des pièces isolées ou des petits ensembles. Il y en aura quand même eu de gros après. Décédé en 2008, Csaba Caspar, gentleman discret et charmant, a fait don de plus de 2 300 céramiques contemporaines à Ariana. Le musée a déjà reçu une partie de l’ensemble moderne plus ambitieux de Frank Nivergelt. J’ai aussi remarqué avec surprise, en lisant le chiffre, que j’avais donné 300 pièces à Ariana en petits morceaux sur vingt ans. Le fruit de quelques achats et de nombreuses flâneries dans les brocantes. Un fruit qui a été accepté, à tel point qu’Ariana n’accepte pas tout. La terreur des musées dédiés à la céramique reste l’offre d’énormes services de table qui ne correspondent plus à la vie sociale actuelle. Repassez pour une assiette ! Mais quand il y en a soixante identiques, ce n’est évidemment pas le cas.

Une statuette de Gerda Smolik choisie par Gisèle de Marignac.

De fenêtre en fenêtre, le visiteur découvre une société d’Amis, qui reste souvent indécise et atone comme Ariana. Quelques véritables mécènes comme Gisèle de Marignac l’étaient et Yolande Crowe-Vernes le reste aujourd’hui. Deux femmes de caractère, qui elles-mêmes ne collectionnaient pas. Il y a aussi des commerçants, dont Marianne Brand et Lionel Latham. Artistes, qu’ils fassent ou non partie de l’Association Internationale de la Céramique (ou AIC) fondée en 1952, dont le siège se trouve ici. Et enfin des anonymes qui ont cédé ce qui leur venait de leurs parents pour diverses raisons. Certains estimaient que ces objets patiemment collectés devaient « entrer dans la famille ». D’autres ont voulu leur donner un semblant d’éternité, ce qui me paraît long. Il y a sans doute eu parfois des déchirements, dont le public ne saura rien. Comment tolérer, par exemple, que le musée fasse un choix parmi un ensemble, ce qui implique des refus ? Et que faire des objets éliminés, réduits à une sorte de néant ?

L'affiche très elliptique de l'exposition.

Cela dit, Ariana en prend beaucoup. Ses collections totalisent désormais 28 000 pièces. Ces augmentations ont nécessité il y a quelques années une nouvelle salle à l’étage, dédiée de manière moins poussiéreuse qu’auparavant aux « collections d’étude ». Cinq de ses « cases », conçues par la décoratrice Patricia Abel, viennent d’être renouvelées. Ils servent actuellement à expliquer les critères selon lesquels se font les réceptions, plus délicates pour les pièces anciennes et surtout les fouilles que pour les achats effectués il y a vingt ans dans un magasin. Comme tous les musées occidentaux, on s’intéresse aujourd’hui à Genève à la provenance. Ariana ne remet pas en question l’honnêteté et la bonne foi des donateurs, mais… La porcelaine doit présenter à la fois une marque blanche et une pâte blanche. Je vais vous rassurer tout de suite. Certains passent encore l’examen d’entrée. Quelques majoliques italiennes du XVIe siècle le prouvent ici.

Une sculpture de femme et de lapin d'Andrius Janusonis.

Un dernier mot pour terminer. Le public actuel peut actuellement contribuer à l’achat d’une pièce importante manquant dans les collections. C’est la version locale (en plus petit) de « Tous les mécènes » du Louvre. L’œuvre en question est signée Torbjørn Kvasbø, qui est, comme son nom l’indique, scandinave. Agé de 70 ans, l’homme est l’un des grands noms européens de la céramique, qui a un prix sur le marché. J’aurais aimé voir la photo de l’œuvre. Mais peut-être que l’institution veut nous surprendre…. Ou peut-être ai-je oublié d’activer l’un des nombreux QR placés le long des murs. Comme les gens de mon âge. Cela dit, ce sont quand même les seniors qui restent le fonds de commerce d’Ariana !

(1) Association des Amis d’Ariana ou AAA. Ne pas confondre avec les Alcooliques Anonymes ou AA.

(2) « Gougnafiers », inculte, cad. Je me réfère ici à mon dictionnaire.

Pratique

« Faire un don, une affaire de cœur ou d’esprit ? », Musée Ariana, 10, avenue de la Paix, Genève, jusqu’au 2 mars 2025. Tél. 022 418 54 50, site internet https://musee-ariana-ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h Entrée gratuite.

Un vase en porcelaine Rosenthal des années 1970.

Né en 1948, Étienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’

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