La Belgique politique divisée sur la consommation de cannabis

La Belgique politique divisée sur la consommation de cannabis
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Le 1er avril, l’Allemagne, après Malte et le Luxembourg, a décidé d’autoriser le cannabis récréatif sur son territoire. Ailleurs, dans d’autres pays de l’Union européenne, il est limité à un usage médical ou toléré pour une consommation purement personnelle.

Et en Belgique ? La question revient régulièrement sur l’agenda politique, sans parvenir à un accord entre les partis. Le cannabis, ce n’est pas qu’une histoire de joints, c’est aussi une culture et une manière de concevoir la société et son rapport aux addictions.

Dernier épisode en date : le Sénat vient d’approuver, en séance plénière, un rapport d’information sur l’évaluation des politiques en matière de drogues, notamment de cannabis. Le document a reçu le soutien d’une large majorité côté francophone, avec le PS, les libéraux du Mouvement réformateur et Ecolo. Du côté flamand, l’enthousiasme a été plus limité puisque seuls les écologistes de Groen, les libéraux d’Open Vld et les socialistes du Vooruit ont approuvé le rapport.

Une loi vieille de plus d’un siècle

Un premier constat : la politique des drogues mise en œuvre en Belgique repose sur une loi de 1921, fatalement dépassée. « Personne ne peut s’y retrouver, qu’il s’agisse des personnes qui ne consomment pas de drogues, de celles qui consomment de la drogue, des personnes en voie de guérison ou même des personnes sur le terrain. Ce manque de clarté conduit à une insécurité juridique. Beaucoup remettent en question la légitimité de la politique et de la législation », souligne le document, qui souligne un « risque de discrédit par rapport au droit pénal ».

Deuxième constat : un quart de la population belge a déjà consommé du cannabis. Environ 8% font état d’une consommation problématique. Circonstance aggravante : « La teneur en THC (composé organique de la famille des cannabinoïdes aux effets toxiques) dans la résine et l’herbe de cannabis (…) a doublé entre 2006 et 2016. » L’illégalité du produit empêche tout contrôle de sécurité et donc la présence fréquente de produits très dangereux pour l’organisme (matières plastiques, verre, etc.), susceptibles de provoquer une série de pathologies.

Appel à « l’émergence d’un nouveau cadre juridique »

Quant aux recommandations incluses dans le rapport, elles appellent à « l’émergence d’un nouveau cadre juridique qui favorise l’égalité des citoyens devant la loi, l’accessibilité et la prévisibilité de la loi ainsi qu’une harmonisation de la politique de poursuites judiciaires ». Pas de décriminalisation recommandée, mais un régime de tolérance accrue à l’égard des « personnes qui consomment et détiennent du cannabis pour leur usage individuel, et qui ne troublent pas l’ordre public ». Il faut prévoir la possibilité « d’éviter les sanctions, qu’elles soient pénales ou administratives, en optant pour un accompagnement psycho-médico-social gratuit ».

“Le principe d’interdiction ne fonctionne pas”

Le député socialiste Julien Uyttendaele est partisan des « clubs sociaux du cannabis » (associations de consommateurs qui cultivent du cannabis pour leur propre consommation). Pour lui, « nous sommes face à un marché au sens économique, avec une offre et une demande, mais nous n’avons pas de règles sur ce marché si ce n’est le principe d’interdiction qui ne fonctionne pas. Résultat : qui fixe les règles aujourd’hui ? Cercles criminels. Nous leur avons proposé un monopole et ils sont les premiers à s’opposer à la réglementation.

De leur côté, les libéraux francophones estiment que les politiques de légalisation n’ont eu qu’une « influence marginale sur le nombre de consommateurs ». La droite chrétienne flamande, qui gouverne au niveau fédéral avec les deux partis susmentionnés, rétorque que « la légalisation ne fait pas disparaître la criminalité liée à la drogue ». Les nationalistes flamands (N-VA) et l’extrême droite (Vlaams Belang) ne participent plus aux travaux du Sénat et n’ont donc pas voté. Les Engagés (les ex-humanistes) se sont abstenus.

550 millions d’euros par an pour emprisonner les trafiquants de drogue

Il y a pourtant urgence. Les prisons belges sont surpeuplées et la drogue constitue une grande partie de leurs problèmes, puisque la facture annuelle de la détention des personnes incarcérées pour des actes directement ou indirectement liés à la drogue s’élève à 550 millions d’euros. Le coût total de la prévention et de la répression dépasse le milliard. Il faut ajouter à ce tableau les dizaines de fusillades qui ont éclaté à Anvers et à Bruxelles entre des trafiquants de drogue engagés dans une guerre de contrôle des territoires. Il y a eu neuf décès dans la seule capitale en un peu plus d’un an.

Insécurité juridique

Enfin, le rapport dénonce « l’insécurité juridique » qui entoure les consommateurs de drogues, notamment de cannabis. En Belgique, la consommation n’est pas punissable sous certaines conditions, contrairement à la détention. Cette approche paradoxale se traduit, selon le rapport, par le fait que « concrètement, les conséquences liées à la culture des plants de cannabis ne subiront pas le même traitement à Arlon ou à Bruxelles. De même, une circulaire du parquet d’Anvers précise qu’une transaction immédiate de 75 euros doit désormais être proposée aux consommateurs en possession de cannabis, tandis que des circulaires peuvent suggérer, à tort, que la possession de cannabis jusqu’à trois grammes n’est pas punissable.

Les fumeurs belges regardent avec envie le Luxembourg. Le 21 juillet 2023, la nouvelle loi sur la culture et la possession de cannabis y est entrée en vigueur. Chaque foyer peut cultiver jusqu’à quatre plants de cannabis, uniquement à la maison ou par l’intermédiaire d’une organisation à but non lucratif. La consommation est limitée au cercle privé ; il est interdit de fumer en public. La possession jusqu’à trois grammes de cannabis n’est pas punissable, mais avec des restrictions sur la culture, l’utilisation et la revente. La conduite sous l’emprise du cannabis est punissable.

 
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