Le réveil d’un bébé qui a dormi depuis 2000 ans

Le réveil d’un bébé qui a dormi depuis 2000 ans
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Voir la nature retrouver son manteau vert et ses couleurs de pétales est l’un des plus beaux spectacles au monde. Après la dormance, les graines des plantes se préparent à sortir de terre et à participer à la grande lueur estivale qui nous apaise et nous guérit.


Publié à 1h23

Mis à jour à 7h00

Pour reprendre les mots du biologiste américain Thor Hansen, chaque graine est un bébé qui dort avec son déjeuner. En fait, il suffit de le réveiller et de le mettre dans les bonnes conditions pour voir émerger un plant.

Champions de la résilience, certaines graines sont capables de somnoler très longtemps avant de se réveiller. Ainsi, nous avons déjà réussi à faire germer des graines de lupin arctique vieilles d’au moins 10 000 ans, trouvées dans des terriers de lemmings au Yukon. Des graines gelées qui ont commencé leur long sommeil hivernal au Néolithique, alors que nos lointains ancêtres commençaient tout juste à se sédentariser.

Cependant, l’exemple que je souhaite partager avec vous dans ce texte est celui des graines de dattes trouvées lors des fouilles de la forteresse de Massada.

Avant d’entrer dans le vif de mon sujet, un petit rappel historique s’impose.

La forteresse naturelle de Massada, devenue un important site touristique israélien, est perchée au sommet d’une impressionnante falaise dans le désert de Judée. La citadelle aurait été fortifiée vers l’an 35 avant JC. AD par le roi Hérode le Grand.

Par la suite, Massada tombera aux mains des rebelles juifs appelés les Sicarii. Ces redoutables guerriers, qui n’avaient pas la réputation d’être tendres avec leurs ennemis, contestaient ouvertement la domination romaine. Pour mater la révolte, l’Empire romain enverra alors une colonne de légionnaires dirigée par le général Lucius Flavius ​​Silva.

Lorsque ce dernier arriva au pied de la falaise en 72 après JC, il se rendit vite compte que le seul chemin sinueux pouvant mener à la ville, le Sentier du Serpent, était gardé par les redoutables et combatifs Sicari. Pour éviter de risquer inutilement la vie de ses soldats, Flavius ​​​​Silva opte pour un siège prolongé de la forteresse.

Les troupes romaines mettent alors des mois à construire une gigantesque rampe qui permet à l’expédition d’escalader le rocher et de prendre possession des lieux. Du moins de ce qu’il en restait, car l’historien Titus Flavius ​​​​Josèphe affirme qu’avant l’entrée des Romains dans la ville, ses habitants avaient choisi le suicide plutôt que la reddition. La légende raconte que 960 personnes y sont mortes de cette manière qu’ils considéraient comme plus honorable.

Cette histoire, qui comporte une forte dose de légende, a pris une grande importance symbolique dans la culture juive. C’est même devenu un mythe fondateur israélien. Le site, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs.

Cependant, je laisserai les détails de cette saga aux historiens et arriverai au sujet qui intéresse bien plus le biologiste que je suis. Après la prise de la ville par l’expédition romaine, la forteresse sera habitée par des moines chrétiens, qui, à leur tour, la quitteront aux alentours du VIe siècle après JC. Massada tombera ensuite dans la ruine et l’oubli jusqu’à sa découverte en 1828. Puis, des fouilles y débuteront en 1963. Les archéologues y retrouveront de nombreux artefacts, mais aussi des graines du palmier dattier de Judée disparu depuis longtemps de la planète.

Ce palmier dattier, qui produisait de gros et délicieux fruits, était cultivé sur les rives du Jourdain, de la mer Morte et du lac de Tibériade. En 2005, deux chercheuses, Sarah Sallon et Elaine Solowey, se lancent dans l’idée folle de faire germer ces graines.

Ils ont réussi à faire croître un de ces noyaux dont l’âge estimé par datation au carbone 14 était compris entre 1800 et 2200 ans. Un coup d’État qui sera relayé par la presse scientifique à travers la planète.

En hommage au plus ancien personnage mentionné dans l’Ancien Testament et qui vécut 969 ans, le plant sera nommé Mathusalem. Malheureusement, ceux qui espéraient goûter un jour à la datte de Judas devaient encore faire preuve de patience. En cause, le plant sorti de terre était un mâle. Il fallait trouver un partenaire, un pied féminin pour espérer, un jour, avoir une fécondation et ensuite une production de fruits.

Heureusement, en 2020, d’autres jeunes palmiers, dont des femelles, ont émergé de ces vieilles graines. Ainsi, si la tendance se poursuit, dans quelques années ces arbres commenceront à livrer des fruits à l’humanité. On espère qu’ils produiront ces variétés de dattes disparues ou au moins des hybrides portant les caractéristiques phénotypiques du célèbre dattier de Judas. Ces dates sont mentionnées dans la Bible et font saliver Pline l’Ancien, mais aussi Théophraste, considéré comme le père de la botanique moderne.

Dans la nomenclature scientifique, le palmier dattier est appelé Phénix dactylifera. Pourtant, le phénix est un oiseau mythologique qui renaît de ses cendres. On peut donc dire que le dattier de Judée est un phénix né des cendres de la forteresse de Massada. Comme dirait le grand Charles Tisseyre : « Les plantes sont fascinantes ! » »

 
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