SFinition fût auternes. Que vaut cette mention à la saveur flatteuse inscrite sur d’innombrables étiquettes de spiritueux produits sur tous les continents, ou presque ? Le vieillissement du whisky, du rhum, du gin ou encore de la tequila que nous nous apprêtons à déguster a-t-il été affiné en fût de chêne ayant préalablement vinifié un vin de l’appellation Sauternes ? Barsac? Le spiritueux a-t-il réellement bénéficié de la palette aromatique complexe des prestigieux vins doux du vignoble bordelais avant d’être mis en bouteille ?
Sur un marché mondialisé, où les barriques s’échangent sans réelle traçabilité, l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) Sauternes-Barsac a décidé de mettre de l’ordre dans l’usage de son nom. Depuis le début de l’année, un sceau numérique Sauternes Cask permet d’authentifier l’origine des fûts. Une première en France.
L’axe de communication numéro 1 des spiritueux est l’origine des fûts et la durée du vieillissement. Mais rien ne ressemble plus à un baril qu’à un autre baril.
Plus de 700 barriques sont en cours d’authentification dans les caves de Sauternes depuis le début de l’année.
Jérôme Jamet
« Il n’y a pas si longtemps, nous ne savions pas trop quoi faire de nos fûts. Beaucoup ont fini dans des jardinières. Mais depuis une bonne dizaine d’années, nous constatons qu’il existe une demande de plus en plus forte pour le rachat de nos fûts à des fins de finition pour les spiritueux. » A la tête du Château Roumieu, à Barsac, et membre du conseil d’administration de l’ODG, Vincent Craveia était chargé, au sein d’un groupe de travail, de développer un procédé qui permettrait de certifier l’origine des barriques de Sauternes destinées à leur seconde vie pour le vieillissement des esprits. « Pour éviter toute confusion ou usurpation, nous avons décidé d’authentifier les barriques à la Source, c’est-à-dire chez nous, dans nos chais. A nous de protéger notre nom commun, notre marque », argumente Vincent Craveia.
Sceau numérique inviolable
Le procédé innovant de sceau numérique inviolable apposé sur chaque fût est certifié par un organisme indépendant. « L’objectif est d’atteindre 1 000 barils la première année. Plus de 700 authentifications sont déjà en cours, se félicite Vincent Craveia. Nous avons créé le système le moins contraignant possible pour le vigneron tout en mettant tout le monde au courant, les bouilleurs de cru, les revendeurs de barriques et les vignerons. »
L’engouement pour le Sauternes Finish est tel aujourd’hui que le marché mondial des fûts pour spiritueux est désormais tendu. « Il y a plus de demandes que d’offres », résume Vincent Craveia. Avec cette authentification, nous donnons une garantie aux acheteurs de fûts trouvés en Ecosse, Irlande, Etats-Unis, Japon, Caraïbes, Mexique… Ça passe partout ! »
Image de marque
Directeur commercial de H&A, entreprise bordelaise spécialisée dans la location de barriques, Alexis Brousse, salue l’initiative des vignerons de Sauternes. « Il faut comprendre qu’il y a une vraie histoire commerciale autour du vieillissement en barrique des spiritueux », souligne celui dont l’entreprise gère une flotte d’environ un million de barriques. « Contrairement au vin, où le cépage et le terroir sont mis en avant, l’axe de communication numéro 1 des spiritueux est l’origine des fûts et la durée du vieillissement. Or, rien ne ressemble plus à un baril qu’à un autre baril. Cette authentification permet désormais aux alcooliques d’ouvrir les yeux sur les fûts qu’ils achètent et cela valorise l’image de la marque Sauternes. »
La lecture du QR Code du sceau numérique permet de lire les informations qui authentifient l’origine du fût.
Capture d’écran
L’enjeu est d’autant plus important qu’on observe un écart entre le nombre de fûts sortant des caves de Sauternes et les volumes de spiritueux produits sous le label Sauternes Cask Finish mis sur le marché chaque année dans le monde. « Grâce à la pratique du finissage dans nos fûts usagés, les grands groupes de spiritueux offrent à nos vins et à notre terroir une visibilité mondiale. Nous leur devons une garantie d’origine pour les barriques mises en circulation par les producteurs de nos appellations Sauternes-Barsac », conclut Jean-Jacques Dubourdieu, co-président de l’ODG.
Un protocole rigoureux
Les vignerons du Sauternais sont libres de faire authentifier leurs barriques. Il n’y a aucune obligation. Le contrôle est effectué par l’organisme bordelais QB Vérification (filiale de Quali-Bordeaux). Deux visites espacées de six mois sont organisées dans les caves. Des scellés numériques jaunes sont apposés sur chaque fût lors du premier contrôle. Ils certifient que la barrique se trouve dans une cave à Sauternes et qu’elle contient du Sauternes cultivé par un vigneron de l’appellation. Six mois plus tard, une contre-visite confirme les mêmes données et active la validation du scellé équipé d’un QR Code.
