le couvre-feu pour les enfants est-il pertinent ? – .

le couvre-feu pour les enfants est-il pertinent ? – .
Descriptive text here

► Il doit faire l’objet d’une phase d’expérimentation

Robert Ménard, maire sans étiquette de Béziers (Hérault) (1)

Il y a dix ans, en 2014, j’ai pris cette même décision de couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans. Mais cet arrêté municipal n’est resté en vigueur que quelques mois, avant d’être contesté en justice. Avant toutes ces démarches, cette mesure avait rencontré des échos positifs dans les quartiers concernés. Ce couvre-feu avait rassuré les familles, notamment celles qui ne parvenaient pas à faire obéir leurs enfants. Des mamans m’ont dit que cela les aidait de dire à leurs fils : « Si vous sortez aussi tard, la police vous arrêtera et les choses iront mal pour vous. »

Dix ans plus tard, la donne a changé. Lors du premier jour de mise en place de ce couvre-feu à Béziers le 22 avril, j’étais avec des policiers municipaux qui m’ont dit que les gamins ont toujours traîné dans la rue, mais qu’aujourd’hui ils sont plus violents que d’habitude. il y a quelques années : avant, ils se battaient à coups de poing. Ils sont désormais sous la menace d’un couteau.

Le ministre de l’Intérieur vient d’instaurer un couvre-feu beaucoup plus strict à Pointe-à-Pitre, pour tous les mineurs. Gabriel Attal avoue y avoir réfléchi : ils ont raison ! Lors des émeutes de juin 2023, j’ai bien vu comme tous les maires que la grande majorité des émeutiers étaient des enfants. C’était juste une autre raison de le faire ! Pour moi le couvre-feu n’est ni une mesure de droite ni une mesure de gauche, c’est du bon sens. Bien entendu, cela ne résout pas tout. La solution unique n’existe pas. Mais parmi l’éventail de réponses qui peuvent être apportées à la violence des jeunes, le couvre-feu en fait partie.

L’idée n’est pas de donner une leçon de morale aux parents ou de réprimer les jeunes, mais aussi de les protéger. Quand on a 10-12 ans et qu’on traîne dans la rue, on peut faire des bêtises, mais on peut aussi être des victimes. Parmi les parents, il y a certes des gens qui ne se soucient pas de surveiller leurs enfants, mais surtout il y a beaucoup de familles qui sont débordées. Lorsque les enfants défieront le couvre-feu, nous les reconduirons au commissariat et appellerons leurs parents pour qu’ils viennent les chercher. Cela nous permettra de faire du cas par cas, de discuter avec eux, de se demander pourquoi leurs enfants sont si tard à la rue.

Je vois la mise en place du couvre-feu comme un processus similaire à celui de l’uniforme. Arrêtons avec les disputes dans la chapelle, les guerres sur les plateaux télé, et passons dans le sens d’une expérimentation. Essayons! Mettons en place ce couvre-feu dans certains quartiers et donnons-nous quelques mois pour voir s’il est utile. Faut-il l’imposer aux moins de 13 ans, c’est-à-dire juridiquement irresponsables, ou 16 ans, voire 18 ans comme à Pointe-à-Pitre ? Faut-il le mettre en œuvre uniquement pendant la période scolaire, et dans quels quartiers ? Profitons des maires et de leur expérience pour voir ce qui peut être fait.

(1) Élu une première fois en 2014 maire de Béziers avec le soutien de l’extrême droite.

► Nous ne faisons que déplacer le problème

Gilles Léproust, Maire PCF d’Allonnes (Sarthe) et président de l’Association des maires de villes et banlieues de France

Évidemment, en tant que maire, je m’inquiète du fait que des enfants se retrouvent dans la rue tard le soir. Cela signifie qu’ils ne seront pas totalement disponibles le lendemain matin pour suivre des cours et qu’ils n’auront pas une formation scolaire qui leur permettra de trouver leur place dans la société lorsqu’ils seront adultes. Mais il faut savoir de quoi on parle. On ne croise pas beaucoup de jeunes de moins de 13 ans dans les rues le soir. Cela peut arriver, il ne s’agit pas de nier ce phénomène. Mais croire qu’un couvre-feu résoudra tous les problèmes, comme un coup de baguette magique, c’est tromper les gens.

Pour moi, il faut combattre le problème à la racine les services municipaux et départementaux et les éducateurs, plutôt que de chercher à le déplacer. La vraie question est de savoir comment nous soutenons les parents. Il faut mener un travail en profondeur sur la parentalité, qui implique autre chose que des sanctions. Quand des adolescents déraillent, il faut systématiquement créer les conditions pour que les parents soient reçus et qu’on puisse leur expliquer le problème. Nous croyons fermement aux solutions de soutien éducatif et parental.

Il y a aussi toute une section autour des éducateurs de rue qui travaillent souvent le soir. Il faut qu’ils soient mieux payés et considérés car ils travaillent beaucoup auprès de jeunes qui glissent vers la délinquance. Ils sont essentiels car ils les aident à travailler sur un projet de retour au droit commun.

Toutes ces réponses nécessitent du personnel. Malheureusement, le gouvernement a annoncé des économies budgétaires, avec des mesures qui toucheront les communautés.

Se pose enfin la question de la faisabilité du couvre-feu. C’est facile de rédiger un règlement municipal. Beaucoup moins pour assurer la mise en œuvre de ce couvre-feu. Je ne suis pas sûr que la police nationale voie cela d’un très bon oeil car elle n’a pas forcément les moyens humains d’être partout pour faire respecter ce couvre-feu. Les policiers municipaux ne travaillent pas forcément la nuit et pour prendre l’exemple d’Allonnes, nous n’avons qu’un seul policier municipal.

Or, lorsqu’une mesure mise en place n’est pas respectée, cela entraîne un sentiment de laisser-faire et d’insécurité qui accroît le Rassemblement national. Dans ces annonces, il y a un côté « fanfaronnade » très éloigné des réalités et de la volonté concrète de trouver des solutions.

Méfions-nous des discours que tentent d’imposer le gouvernement et certains élus de droite, qui magnifient un phénomène qui ne touche qu’une petite partie des jeunes, en tentant de surfer sur la peur de nos concitoyens. Ne l’oublions pas, il y a un grand nombre d’adolescents en banlieue pour qui cela se passe très bien.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV L’agresseur du boulanger du Peyrouat à Mont-de-Marsan condamné à trois ans de prison
NEXT Steven Baffou jugé pour avoir tué Grace Paurion de 72 coups de couteau