Joe Biden veut-il pousser l’Occident dans les bras de Poutine ? – .

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FIGAROVOX/TRIBUNE – La décision de Joe Biden de réduire drastiquement la construction de sites de production de GNL (gaz naturel liquéfié) aura des conséquences délétères sur le prix du gaz en Europe et risque de nous rendre encore plus dépendants du gaz russe, prévient l’économiste Joël Ruet.

Économiste, Joël Ruet préside The Bridge Tank, un laboratoire d’idées certifié par le G20.


Les États-Unis sont-ils réellement engagés en faveur de la sécurité européenne ? A l’heure où le Congrès américain vient d’adopter un nouveau plan d’aide militaire à l’Ukraine, la sécurité de notre continent dépend aussi de la stabilisation géoénergétique et de la consolidation du contexte de notre transition énergétique.

L’approvisionnement énergétique est une préoccupation cruciale en matière de sécurité pour les citoyens de toute l’Europe. La transition énergétique est devenue un facteur essentiel dans la reconstruction de l’UE. L’Allemagne en particulier, mais aussi de nombreux autres pays, étaient devenues trop dépendantes des hydrocarbures russes – du gaz bien sûr, mais aussi du pétrole et des produits raffinés. Notre continent s’efforce collectivement de s’affranchir de cette dépendance tout en accélérant sa transition énergétique : efforts de sobriété concluants, large réouverture des options autour du mix, notamment avec le nucléaire et l’hydrogène, et à terme réduction des énergies fossiles ; Quant au gaz lui-même, « énergie de transition » ou plus précisément composante transitoire de la marche vers le net zéro, le marché européen est contraint de ne pas remplacer le gaz russe par des sources à plus fort impact écologique (gaz de schiste… ou pire, tentation de revenir au gaz russe). charbon) et à rejeter les géographies à fort impact social (notamment sur les droits de l’homme).

À cet effort volontaire paneuropéen, l’allié américain a fourni une deuxième base sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Le GNL est le héros méconnu de la réponse européenne à la guerre de Poutine.

Depuis fin 2021, la France – principalement via Engie – a importé plus de 4,5 milliards de mètres cubes de GNL. En 2022 et 2023, la France a importé plus de GNL que tout autre pays européen. L’Europe dans son ensemble (y compris le Royaume-Uni) représente désormais 60 % de toutes les exportations américaines de GNL.

Grâce au GNL américain, des millions de foyers en France et dans toute l’Europe ont pu chauffer leur logement malgré le découplage avec la Russie, sans recourir au gaz de schiste, une époque redoutée. Il n’y a pas eu de panne d’électricité. Il n’y a pas eu de pannes de courant massives.

Joël Ruet

La stratégie fonctionne. Le gaz russe représente aujourd’hui moins de 8 % du mix énergétique européen (contre plus de 40 % avant la guerre), et cette part continue de diminuer aujourd’hui. Grâce au GNL américain, des millions de foyers en France et dans toute l’Europe ont pu chauffer leur logement malgré le découplage avec la Russie, sans recourir au gaz de schiste, une époque redoutée. Il n’y a pas eu de panne d’électricité. Il n’y a pas eu de pannes de courant massives.

En d’autres termes, les États-Unis sont intervenus pour éviter une crise énergétique en Europe. Bien entendu, ces actions ne sont pas purement altruistes : leurs entreprises en tirent des revenus substantiels, et les emplois et les investissements sont en plein essor en Louisiane et en Géorgie. Les investisseurs français et américains soutiennent le mouvement. L’essentiel du GNL américain arrive actuellement dans les ports de Dunkerque (Nord), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Un nouveau terminal méthanier, le FSRU Cape Ann, a été mis en service en décembre 2023 au Havre pour augmenter les capacités. Des terminaux nouveaux ou agrandis sont également mis en service au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en Allemagne.

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L’infrastructure européenne est en train de se construire au moment où nous parlons. Les consommateurs en profitent. Les prix se sont stabilisés.

Les bénéfices pour la France, l’Europe et notre transition énergétique vont bien au-delà d’une solution temporaire. Un avenir énergétique sûr est à notre portée. Pour la première fois de mémoire d’homme, l’Europe a la possibilité d’accéder à un approvisionnement énergétique sûr auprès d’un allié géopolitique démocratique. L’insécurité énergétique de l’Europe pourrait être reléguée aux livres d’histoire, la stabilisation d’un « gaz de transition » peut également constituer une réduction stratégique des risques liés à la volatilité des prix et constituer l’environnement stratégique pour une ambition accrue en matière d’énergies renouvelables et à faibles émissions de carbone, ce qui lui permettrait de capter le financement de réduction des risques ainsi libéré.

Sans garantie des futures cargaisons de GNL, la France et l’Europe, outre un cycle de crise d’approvisionnement – ​​augmentation des prix pour le consommateur, devront trouver d’autres voies de sortie du cas russe.

Joël Ruet

Mais les nuages ​​de la politique électorale à Washington menacent d’absorber tous ces acquis, de détruire tous ces espoirs. En janvier, le président Joe Biden a annoncé l’arrêt effectif des licences accordées aux nouveaux terminaux américains qui expédient du GNL vers l’Europe. Les délais d’attente pour les terminaux GNL américains sont déjà passés de 43 jours en 2019 à plus de 350 jours aujourd’hui. Cette décision fait écho aux revendications écologistes légitimes, réserve électorale convoitée au sein du très républicain Etat du Texas. Des demandes légitimes, mais à aborder plutôt par des investissements pour éliminer les émissions locales, comme en Europe, à replacer dans un contexte de sobriété énergétique et d’efficacité industrielle européenne et il y a aussi des investissements dans la transition énergétique juste américaine (aux Etats-Unis). Le gaz unifié est un intrant industriel, aujourd’hui subventionné) ; la réponse démocrate est plus directement partisane qu’écologiste progressiste.

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Cela met également en danger la sécurité internationale. Sans la garantie des futures cargaisons de GNL, la France et l’Europe, outre un cycle de crise d’approvisionnement – ​​augmentation des prix pour le consommateur, devront trouver d’autres failles dans le cas russe : la capacité des énergies renouvelables augmente lentement, mais n’est pas encore prêt et la substitution des usages gaz/électricité nécessite de lourds investissements. Le Qatar développe ses capacités GNL, mais la situation géographique du pays présente des risques économiques et sécuritaires. Les pays africains – comme le Sénégal – deviendront producteurs et on peut désormais espérer que la gestion durable de cette énergie de transition soutiendra une transition économique et démocratique, mais le processus nécessite une planification.

Que les États-Unis veuillent maintenir à long terme un seuil pour leurs exportations de GNL vers l’UE peut s’accompagner d’une saine diversification de cette ressource, pourquoi remplacer une dépendance par une autre ? Mais dans un contexte d’incertitude militaire accrue, à l’heure où les transitions énergétiques ont besoin de bases de stabilité, la décision du président Biden doit être annulée au profit d’un véritable débat diplomatique sur la planification énergétique et écologique pour les années à venir. Le scénario alternatif, avec une hausse des prix de l’énergie et une importante offre russe valorisée en conséquence, n’aurait qu’un seul gagnant : Vladimir Poutine. Il est temps que les dirigeants européens parlent d’une seule voix et exhortent le président Biden à maintenir le cap de l’alliance de transition énergétique avec l’Europe démocratique, démontrant ainsi une approche fondée sur un électorat aspirant légitimement à un avenir meilleur. Cet avenir peut être commun avec celui de l’Europe progressiste.

 
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