« Les mensonges, l’omerta, le mépris des victimes ne sont pas dignes de l’Église »

« Les mensonges, l’omerta, le mépris des victimes ne sont pas dignes de l’Église »
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      Les
      mensonges,
      l’omerta,
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      mépris
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      dignes
      de
      l’Église
      »
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« On s’en sort mieux avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation » écrivait Nietzsche. La formule est terriblement vraie. A tel point que chaque personne humaine, chaque institution humaine préfère sauver les apparences au mépris de la vérité plutôt que de laisser sa réputation se salir. Si nous nous promenions tous avec nos péchés gravés sur le front, si les familles brandissaient leurs secrets au grand jour, si les entreprises commerciales affichaient leurs infractions à la loi sur des panneaux publicitaires, la vie serait invivable et grotesque.

Il est convenable que nos erreurs, nos bassesses, nos trahisons ne soient pas révélées à tous sans raison. Et c'est seulement lorsque nous sommes accusés de quelque crime par quelqu'un d'autre que nous-mêmes que notre réputation risque d'être légitimement ternie. Car si nous sommes effectivement coupables, la justice due aux victimes exige que la vérité soit faite sur nos actes. On découvre que pour décrire ses actes à ceux qui le connaissaient dans son entourage proche, l'abbé Pierre parlait souvent « d’imprudence ».

Une formule de perversion abyssale, souvent utilisée par les agresseurs. « J’ai été imprudent avec cette jeune femme » C'est une manière très pernicieuse de sauver sa réputation au mépris de sa conscience, en laissant entendre que la tentation est venue de la victime, et que la faute en incombe donc principalement à elle. Nietzsche avait raison.

Une très haute vérité

Que l’Église, en tant qu’institution humaine, veuille préserver son image, c’est compréhensible. Il y a certainement cette petite voix, un peu utopique, qui nous murmure que l’Église n’est pas n’importe quelle institution, qu’elle est censée être porteuse d’une vérité très haute qui exige un courage particulier… Jésus a mis en garde contre « tombeaux blanchis à la chaux » OMS « Ils paraissent beaux à l’extérieur, mais à l’intérieur ils sont pleins d’ossements et de toutes sortes de choses impures. »

Mais avant d’atteindre la perfection absolue, qui n’est pas de ce monde, l’urgence est de rendre justice aux victimes, quand il y en a. Et d’éviter autant que possible qu’il y en ait d’autres, quand on a les moyens de l’empêcher. C’est, semble-t-il, l’effort auquel s’attèle l’Église en France depuis la publication du rapport de la Ciase en 2021. Mais l’affaire « abbé Pierre », dont le déclenchement tient à l’immense courage des victimes qui osent parler, bien plus qu’à celui de l’institution silencieuse, nous rappelle que nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Le geste courageux du diocèse de Paris

Le diocèse de Paris a publié cette année, pour la première fois, les chiffres sur la lutte contre les abus dans le diocèse. On peut y lire : « 30 rapports en cours » ; « 24 procédures canoniques en cours de traitement ». C’est un geste courageux, mais ce n’est qu’un tout petit début, quand on sait que les condamnations pénales canoniques ne sont pas rendues publiques dans le diocèse, même lorsque la justice due aux victimes (passées, mais aussi futures ou potentielles) l’exige… « C’est une guerre étrange et longue, où la violence tente d’opprimer la vérité » Pascal a noté. Violence de sauvegarde d'une réputation au mépris de la justice…

Pour l’abbé Pierre, comme pour d’autres, il est difficile d’accepter des icônes craquantes, des pasteurs admirés, des « modèles » ; difficile d’admettre que leur « influence » ne justifie pas de cacher leur comportement dangereux et inacceptable, et de les laisser jouer leurs jeux sinistres dans l’ombre.

Mais le mensonge, l’omerta et le mépris des victimes ne sont pas dignes de l’Eglise, et nuiront toujours plus à sa réputation que l’effort de vérité ordonné par la charité. Les évêques de France publieront en novembre prochain leur « dispositif destiné aux victimes majeures ». Cet effort ne doit pas être laissé aux seuls clercs. C’est tout le système d’alerte qui doit être repensé, et rendu plus facile pour tous.

 
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