Retour aux hommes
Lorsqu’il reçoit une réponse, Sébastien ne reconnaît pas le nom de son interlocutrice. Il lit le contenu, et découvre l’histoire de la femme qui lui écrit.
Selon elle, son ex-mari était violent envers elle et ses enfants. A bout de forces pour se sortir de la situation dans laquelle elle se trouvait, elle a fini par empoisonner son mari.
Surpris, le prisonnier ne sait pas s’il doit répondre. Mais la franchise et la sincérité de Nancy lui plaisent. « J’ai aimé sa franchise. Je ne savais pas qu’elle était une vraie femme, une mère. »Finalement, les prisonniers commencent un échange quotidien de lettres, et cela continue pendant plusieurs mois.
L’amour naissant
Très vite, Sébastien propose à Nancy de construire une relation sérieuse et stable lors de leurs sorties. La femme est craintive, mais veut aller de l’avant.
Elle dit :« J’ai vécu 13 ans battue, violée et séquestrée. Pour moi, les hommes étaient tous des idiots. Mais petit à petit, nous avons constaté que nous pouvions nous entendre. Il y avait beaucoup d’honnêteté, et nous ne nous jugeions pas. Je suis tombée amoureuse par lettres. ».
Après trois mois d’échanges de lettres ininterrompus entre prisonniers, ils peuvent demander une visite « à table », organisée sous la surveillance des gardiens. Avant leur première rencontre, tous deux étaient terrifiés.
Nous avons correspondu dans le noir
« Nous nous écrivions sans savoir à quoi nous ressemblions vraiment. Nous correspondions dans l’ombre, pour ainsi dire. »dit l’homme. Lorsqu’elle voit Sébastien pour la première fois, Nancy est rassurée.
Physiquement, elle l’aime déjà beaucoup. « Nous ne savions pas comment entamer la conversation, quoi dire, comment nous saluer… Petit à petit, nous avons commencé à nous tenir la main et à nous sentir plus à l’aise. »elle se souvient.
À partir de ce moment, le jeune couple se voit chaque semaine pendant 1 heure. Trois mois plus tard, ils demandent l’accès à des visites non surveillées (VHS). Cela leur est accordé une fois par mois, pendant 2 heures. « La première fois, j’étais paniquée. Je tremblais. »dit Nancy. « Elle est un peu forte et elle avait peur que je me moque d’elle. »précise son compagnon.
Tout va bien pour les tourtereaux, jusqu’à l’arrivée de la COVID-19. La pandémie les empêche de se voir, ils ne peuvent communiquer que par courrier ou par téléphone.
« Le système ne permet pas aux détenus de s’appeler entre eux, alors on a fait des appels triangulaires. J’ai appelé ma sœur sur son portable, Sébastien l’a appelée sur le fixe, et elle a mis le haut-parleur pour qu’on puisse discuter », confie le quinquagénaire.
Un à l’intérieur, un à l’extérieur
En 2021, Sébastien a purgé sa peine et peut quitter la prison de Lantin. N’ayant plus de contacts à l’extérieur, il n’a plus où aller. La tante de Nancy vient le chercher, et l’emmène dans une caravane où il pourra vivre en attendant de trouver un logement.
Ému, l’homme est reconnaissant. « Cette femme m’a fait confiance sans me connaître. Je ne pourrai jamais la remercier assez »il a dit.
Il promet à son amante qu’il l’attendra, et préparera leur avenir en attendant qu’elle sorte : « Je lui ai promis que lors de sa première permission, nous aurions notre propre toit. »De son côté, la femme n’a aucun doute sur la sincérité de son partenaire. « J’avais 100% confiance en lui, je n’ai jamais pensé qu’il allait me laisser tomber »assure-t-elle, fièrement.
Personne n’y croyait
Deux ans se sont écoulés entre leurs deux sorties. Durant cette période, le couple s’appelait tous les jours. « Nous n’en avons jamais raté un seul »insiste l’ancien détenu. Libérée sur parole en juillet 2023, Nancy rejoint Sébastien. Comme convenu, il l’attend à leur domicile. Quelques mois plus tard, les amoureux se marient.
La rencontre d’une vie
« Personne ne croyait que j’allais me marier. Aujourd’hui, je suis heureuse, je ne consomme plus rien. Cela a été un changement phénoménal dans ma vie, j’en pleure encore la nuit parce que je n’y crois pas. »Actuellement, le couple tente de récupérer la garde du fils cadet de Nancy, que Sébastien considère comme le sien.
« Nous nous battons pour sa réhabilitation et pour les enfants. Le petit s’est vite attaché à moi. Depuis que je suis sortie, je n’ai jamais raté un anniversaire ou un Noël. C’est mon enfant et je me battrai jusqu’au bout pour l’avoir. »il dit.
Cette rencontre, aussi improbable soit-elle, a changé leur vie. « Grâce à ma femme, j’ai pu repartir de zéro. Entre nous, tout se passe à merveille. Nous communiquons, et il n’y a jamais un mot plus fort que l’autre. »dit l’ancien toxicomane.
Nancy aussi est aux anges :« Nous nous sommes toujours entraidés. Nous nous comprenons, nous avons vécu la même chose. C’est une rencontre en prison, mais qui se termine bien. Je souhaite à tous que ce soit la meilleure chose qui nous soit arrivée dans la vie. ».