Pour le Québec, « M. Biden offre plus de prévisibilité que M. Trump »

À tout le moins, la déléguée générale du Québec à New York devra changer sa recette de pain.

La Délégation générale du Québec à New York est située au cœur de la ville qui ne dort jamais, au cœur de Manhattan. Au 26e étage d’un des 19 édifices du Rockefeller Center, un complexe immobilier qui accueille les représentants du gouvernement du Québec depuis 1940.

En cette année d’élection présidentielle aux États-Unis, la possibilité très réelle d’un retour au pouvoir de Donald Trump se profile. Encore plus à New York, ville où le célèbre homme d’affaires a bâti sa fortune. Et où s’ouvre lundi son procès pénal pour des pots-de-vin présumés versés à l’ex-actrice pornographique Stormy Daniels.

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Bonhomme Carnaval à Times Square avec le délégué général du Québec à New York, en décembre dernier. (Délégation générale du Québec à New York)

Patronne de la plus importante des 37 représentations étrangères du Québec en termes d’échanges commerciaux, Mme Hébert gère une trentaine d’employés. Un mélange de Québécois et de locaux.

« Tout le monde parle français », a assuré le délégué général, lors d’une récente visite au Soleil dans les bureaux de la Délégation.

« Les réunions d’équipe et mes conversations avec mes employés se déroulent toutes en français. Les relations au bureau se déroulent principalement en français. Nos médias sociaux sont dans les deux langues, même si notre public est majoritairement anglophone. J’y tiens vraiment», explique-t-elle, après avoir déniché pour le journaliste un sachet de thé noir dans sa réserve personnelle, c’est-à-dire un sachet Ziploc rangé dans le tiroir de son bureau.

Petits fours et vins mousseux

La simplicité des bureaux de la Délégation générale du Québec à New York offre un certain contraste avec la splendeur du grand hall rétro chic de l’édifice qui les abrite. Mais les barrières de sécurité qui nécessitent une carte magnétique pour accéder aux étages nous ramènent vite à la modernité.

De là-haut, on aperçoit d’en haut la place où se dresse en hiver le célèbre sapin de Noël géant surplombant une patinoire. Douze mois par année, nous y entendons toutes les langues parlées, dont le français québécois lors de notre visite.

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Sur le plan commercial, la Délégation du Québec à New York est la représentation étrangère la plus importante du Québec. (Olivier Bossé/Le Soleil)

Un peu plus loin, les deux clochers d’architecture néogothique de la cathédrale Saint-Patrick contrastent avec les tours de bureaux qui l’entourent.

« On ne se contente pas de manger des petits fours et de boire du vin mousseux ! »

— Martine Hébert, se moque de la déléguée générale du Québec à New York

Le diplomate dynamique se rend compte que le rôle des délégations étrangères est inconnu des citoyens.

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La vue depuis le 26ème étage du Rockefeller Center et ses environs. (Olivier Bossé/Le Soleil)

Elle rappelle que l’État de New York, l’un des huit États du Mid-Atlantic que couvre sa délégation, constitue le plus gros client du Québec dans le monde en termes d’exportations.

Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis à l’automne prochain ne changera rien à cet état de fait. D’autant que seuls deux de « ses » huit gouverneurs sont réélus. Mais plusieurs membres de la Chambre des représentants vont changer cet automne.

« Quand les élus changent, cela nous oblige à reconstruire des liens et des relations avec ces personnes. En diplomatie, nous travaillons pas mal avec tous les élus. Nous le faisons ici depuis 84 ans [à New York] et nous continuerons à le faire. Pour nous, ça change ce qu’on va mettre en valeur, mettre en valeur», explique Mme Hébert.

Le diplomate en éclaireur

L’économiste professionnelle a débuté sa carrière en tant que déléguée il y a cinq ans à Chicago. Pendant que M. Trump était à la Maison Blanche.

« Nous savons que M. Trump est moins enclin à investir dans la lutte contre le changement climatique que M. Biden. « Cela peut avoir un impact sur certains projets d’investissement », commente celle qui évite les éternels embouteillages new-yorkais à dos d’un éclaireur électrique.

En ce qui concerne M. Trump, elle marche clairement sur des œufs. Mais sous l’insistance du journaliste, elle ouvre son jeu. Un peu.

« Je vais vous le dire diplomatiquement… Je ne vous cacherai pas que M. Biden offre plus de prévisibilité que M. Trump. Nous savons que la prévisibilité est importante pour les entreprises. M. Trump a déjà annoncé qu’il pourrait imposer des droits de douane de 10 % sur tout, etc. dit-elle, assise dans son bureau situé à huit pâtés de maisons de la Trump Tower.

>>>centre Rockefeller>>>

centre Rockefeller (Olivier Bossé/Le Soleil)

« C’est pourquoi il est important d’être présent et de continuer à promouvoir notre partenariat [Québec-ÉU], pour expliquer aux élus ce que signifie l’intégration de nos économies. Qu’est-ce que cela signifie concrètement si vous mettez en place une mesure protectionniste.»

« Votre usine de luminaires ne pourra peut-être pas changer sa chaîne de production demain matin, car les pièces des luminaires provenaient du Québec. Nos économies sont hautement intégrées. Mais les élus n’en sont pas toujours informés», fait valoir le délégué général du Québec à New York.

« Les désirs protectionnistes n’ont aucune couleur aux États-Unis. C’est l’apanage de presque tous les partis.»

— Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York

« Et pas seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau des Länder », souligne-t-elle. Parce que c’est politiquement sexy de dire que nous allons maintenir les emplois. En faisant cela, les politiciens agissent de bonne foi. Mais ils ne connaissent pas toujours les effets collatéraux.»

Un appel à 18h

Mme Hébert est arrivée tardivement à la diplomatie. Pourtant, cet objectif de carrière lui était devenu clair… il y a 40 ans. « J’avais 18 ans, confie-t-elle.

Cette fille de pharmacien a grandi derrière le comptoir de l’entreprise familiale de Varennes, sur la Rive-Sud de Montréal. « Tombée dans la marmite entrepreneuriale depuis l’enfance », dira-t-elle.

>>>La déléguée Martine Hébert en conversation avec la gouverneure de l'État de New York, Kathy Hochul, en février.>>>

La déléguée Martine Hébert en conversation avec la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, en février. (Délégation générale du Québec à New York)

«J’étais dans un cours d’économie au cégep» Édouard-Montpetit, à Longueuil.

« Le professeur nous a parlé du Fonds monétaire international, de l’ONU [Organisation des Nations unies], de la Banque mondiale, ces questions. Et je me suis dit : j’aimerais être diplomate un jour ! se souvient celui qui a immédiatement « mis ça dans une boîte dans ma tête », sans savoir comment y arriver.

Viennent ensuite des études en économie, puis 30 ans de relations publiques et gouvernementales « dans toutes sortes de capacités et de différentes manières ». Dont une décennie à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

C’est à cette époque qu’elle apprend à mieux connaître François Legault. Qui deviendra premier ministre du Québec et, dans sa volonté d’imposer un virage économique à nos délégations étrangères, la nommera d’abord à Chicago, en 2019, avant de la promouvoir à New York, en 2021.

Martine Hébert avait, près de 25 ans plus tôt, travaillé comme conseillère auprès des ministres péquistes, lorsque M. Legault faisait son entrée en politique.

Elle a fait partie des cabinets de Rita Dionne-Marsolais et d’André Boisclair, qui ont tous deux occupé, à d’autres moments, le poste de déléguée générale du Québec à New York.

Notre empreinte partout

«Notre statut diplomatique nous permet d’ouvrir des portes que nous ne pourrions ouvrir si nous n’étions qu’un bureau commercial», affirme Mme Hébert.

Elle cite en exemple sa rencontre avec le maire de Philadelphie, qui a donné lieu à une collaboration économique concrète entre des entreprises québécoises et l’autorité régionale des transports du sud-est de la Pennsylvanie.

L’empreinte québécoise à New York est partout, tant sur le plan économique que culturel.

Des bus Novabus circulent dans les rues de New York, des voitures de métro ont été fabriquées à La Pocatière, les premières bornes de recharge pour véhicules électriques installées dans la Grosse Pomme l’ont été par l’entreprise québécoise Flo.

Sans oublier que l’antenne qui surmonte le plus grand bâtiment en Amérique du Nord, le One World Trade Center, est fabriquée au Québec.

Et il y a ce fameux contrat signé entre Hydro-Québec et l’État de New York, où 1,2 million de foyers de la ville de New York seront bientôt éclairés, chauffés et climatisés grâce à l’électricité transportée depuis Québec. Cela représentera un cinquième de l’électricité de la ville de New York.

«Un levier incroyable pour positionner le Québec dans tous les autres secteurs d’activité», affirme Mme Hébert, qui a participé la semaine dernière au sommet Bloomberg New Energy Finance, en compagnie de représentants d’Evlo, Energir, GHGSat, Marmen, Boralex, Technostrobe et Alstom.

Pas seulement le Cirque du Soleil

Sur la scène artistique, la trompettiste Rachel Therrien joue ce lundi à la Maison Française de New York. L’écrivain Jocelyn Sioui sera sur place mardi. Le Théâtre Motus de Longueuil vient de donner cinq représentations en trois jours au Lincoln Center ce week-end.

>>>L’œuvre d’art publique La grosse Pomme a été inauguré en octobre 2021, dans le quartier Hudson Yards de Manhattan. Il a été conçu et fabriqué par le Québécois Félix Marzell, du Studio LeMonde. (Délégation générale du Québec à New York)>>>

Le Québécois Yannick Nézet-Séguin est le troisième chef d’orchestre de l’histoire du Metropolitan Opera de New York. André Forcier, Robert Morin et leurs films ont été projetés en avril à l’Anthology Film Archives, la cinémathèque de New York. Une œuvre d’art public située tout près du Yankee Stadium, Home Runest fabriqué par des Québécois.

« Et les Américains sont fascinés par nos garderies. J’ai même fait des présentations sur notre régime québécois d’assurance parentale jusqu’au Kentucky !

— Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York

Eh bien, la diplomate doit revenir sur ses multiples rendez-vous et sa planification stratégique pour l’exercice qui commence. L’année dernière, la délégation a participé à 900 « réunions diplomatiques de haut niveau », en plus de la gamme d’activités organisées.

 
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