Un élu fribourgeois de l’UDC lutte contre la viande synthétique

Un élu fribourgeois de l’UDC lutte contre la viande synthétique
Un élu fribourgeois de l’UDC lutte contre la viande synthétique

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Une motion de Pierre-André Page veut interdire la production de viande en laboratoire à partir de cellules souches.

La start-up néerlandaise Mosa Meat, avec laquelle travaille l’entreprise suisse Bell, produit du steak tartare à partir de viande synthétique. © Mosa Meat

La start-up néerlandaise Mosa Meat, avec laquelle travaille l’entreprise suisse Bell, produit du steak tartare à partir de viande synthétique. © Mosa Meat

Publié le 18/09/2024

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Êtes-vous tenté de manger de la viande synthétique produite en laboratoire ? Vous n’aurez peut-être pas à vous poser cette question si Pierre-André Page obtient gain de cause, en principe, ce jeudi au Conseil national. Par voie de motion, l’élu UDC veut interdire la production de viande artificielle produite à partir de cellules souches en Suisse.

« En qualifiant cela de viande, nous induisons le consommateur en erreur », explique l’agriculteur fribourgeois. « Et nous ne savons pas quelles pourraient être les conséquences pour la santé de la consommation de tels produits. Nous n’avons pas le recul nécessaire. »

Selon lui, la crise de la vache folle des années 1990 devrait servir d’avertissement et nous inciter à ne pas nous lancer dans des expériences de type Frankenstein. À l’époque, l’utilisation de farines animales dans l’alimentation des vaches avait conduit à l’apparition de l’encéphalite spongiforme bovine (ESB).

Sur un animal vivant

De quoi parle-t-on exactement ? Cela n’a rien à voir avec les substituts de viande à base de pois jaunes ou de soja, par exemple. Il s’agit de viande cultivée à partir de cellules souches. Les cellules musculaires sont prélevées sur un animal vivant. Elles sont ensuite cultivées dans un bioréacteur où les cellules sont multipliées à l’aide d’une solution nutritive.

Ce n’est plus de la science-fiction. Après Singapour et les Etats-Unis, le Royaume-Uni vient d’autoriser cet été une entreprise à produire et commercialiser de la viande de poulet produite en laboratoire à partir de cellules souches et réservée à l’alimentation pour animaux de compagnie.

Foie gras de culture

En Suisse, deux demandes d’autorisation ont déjà été déposées, annonce Sarah Camenisch, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. La dernière en date a été déposée au début de l’été par la start-up française Gourmey, qui vise à produire du foie gras synthétique.

C’est une nouvelle particulièrement intéressante, sachant qu’une initiative populaire a été déposée à la fin de l’année dernière pour interdire l’importation de foie gras en Suisse, au nom du bien-être animal. C’est sous ce même nom que l’entreprise française fait la promotion de son produit, qui permettrait de profiter de ce délice sans avoir à gaver des oies ou des canards.

L’argument climatique

Le bien-être animal et l’impact climatique de la production de viande sont également deux motivations qui poussent Migros à s’intéresser au développement de tels produits. Le géant de l’orange a investi dans une entreprise israélienne, Aleph Farms, à l’origine de l’autre demande d’autorisation déposée en Suisse, pour produire de la viande de bœuf de laboratoire. Il met également en place un Culture Hub à Kemptthal (ZH), les entreprises Givaudan et Bühler.

« Pour nous, le concept de viande sans abattage peut représenter une avancée majeure pour répondre aux principaux défis de la production de viande actuelle », déclare Tristan Cerf, porte-parole de Migros. « En fin de compte, ce sont nos clients qui décideront si la viande cultivée est une réussite ou non. » Selon une enquête réalisée l’an dernier par l’Institut Gottlieb Duttweiler, ce n’est pas une certitude. Deux tiers des Suisses interrogés estiment qu’il est peu probable qu’ils goûtent de la viande de laboratoire.

D’autres devront attendre avant de les trouver dans les rayons des magasins. « Le processus d’approbation devrait durer deux ans », explique Sarah Camenisch. « Le critère le plus important est la sécurité », précise la porte-parole de l’OSAV. « Ces aliments ne doivent pas mettre en danger la santé des consommateurs. » La viande synthétique fait partie des nouveaux types d’aliments (Novel Food), aux côtés notamment des produits à base d’insectes, qui sont soumis à une autorisation obligatoire.

« Nous jouons avec la vie des gens en leur proposant des produits qui ne sont pas suffisamment contrôlés sanitairement »
Pierre-Andre Page

Pour Pierre-André Page, ce n’est pas suffisant : « On joue avec la vie des gens en leur proposant des produits qui ne sont pas suffisamment contrôlés sanitairement. » Le conseiller national doute aussi des arguments environnementaux avancés : « Il faut beaucoup d’énergie pour produire de tels aliments par rapport aux bovins qui paissent tranquillement dans nos champs. »

Interdiction en Italie

De son côté, la Fédération romande des consommateurs (FRC) ne soutient pas une interdiction pure et simple, mais réclame l’application de critères très stricts en cas de demande d’autorisation de mise sur le marché ainsi qu’une transparence complète sur l’étiquetage. « Je n’ai absolument aucune envie de manger de la viande synthétique », confie sa secrétaire générale Sophie Michaud Gigon. « Mais les informations reçues de l’administration fédérale ne justifient pas que le parlement légifère différemment sur ce sujet », ajoute l’élue verte vaudoise.

Pierre-André Page pourra s’appuyer sur l’exemple italien pour inciter ses collègues parlementaires à soutenir sa motion. L’an dernier, l’Italie a interdit la viande cultivée en laboratoire à partir de cellules souches.

Mais il ne lui sera pas facile de réunir une majorité. En mai dernier, le Conseil national avait rejeté une initiative parlementaire de son collègue de parti Jacques Nicolet, pourtant moins restrictive. Le Vaudois réclamait des règles plus strictes sur l’approbation et l’étiquetage des aliments synthétiques.

 
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