Quelle place pour le Religion dans l’exercice du pouvoir à travers la laïcité locale, gage de fraternité, de cohésion sociale et fondement de la République et de la démocratie ? Par le Pr. Denis NDOUR

Quelle place pour le Religion dans l’exercice du pouvoir à travers la laïcité locale, gage de fraternité, de cohésion sociale et fondement de la République et de la démocratie ? Par le Pr. Denis NDOUR
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L’annonce du Président de la République en Conseil des Ministres de la création d’un Directoire
des affaires religieuses, hébergé par la présidence, a fait couler beaucoup d’encre, non pas parce que
la direction n’est pas la bienvenue mais parce que cette dernière est chargée de prendre
en charge de l’intégration des diplômés en arabe.
Logiquement, cette responsabilité devrait relever du ministère de l’Enseignement supérieur et
formation et le ministère du Travail.
Cependant, la question fondamentale est la suivante : pourquoi spécifiquement les diplômés en arabe et
non, les autres diplômés ? Une telle décision pourrait créer de la confusion ou des soupçons quant à la
respect de la laïcité.
Pour rappel, le Président de la République non seulement s’est toujours aligné sur les principes
des Assises Nationales mais toujours à la veille de la présidentielle du 24 mars 2024
également engagé en faveur de l’application des principes du Pacte de bonne gouvernance démocratique
qui a réaffirmé les valeurs culturelles et démocratiques qui nous lient depuis toujours : une
République laïque et démocratique • Un État unitaire décentralisé • La souveraineté du
personnes • une Pluralité, ciment de l’unité nationale et fondement de toute prise de décision
publique.
En effet, la réflexion sur les rapports entre État de droit et laïcité permet de déterminer la primauté
du droit et de la neutralité de l’État à l’égard de l’expression et de la pratique de la religion, en faisant
respecter la croyance et la non-croyance par rapport aux religions révélées.
Arrêtons de faire l’amalgame consistant à associer voire confondre la laïcité de la France avec celle
du Sénégal qui possède une particularité unique au monde. Dans ce contexte, nous avons le libre
expression de chaque option spirituelle dans l’espace public qui est contraire aux reproches
des déclarations infondées adressées à la laïcité soit par méconnaissance de l’histoire, soit par simple mauvaise foi.
En effet au Sénégal le temporel et le spirituel cohabitent au quotidien sans conflit à travers le
cohabitation entre autorités coutumières, traditionnelles, politiques et religieuses. Nous savons
tout cela depuis très longtemps, les relations entre l’État et les autorités religieuses sont marquées par
une collaboration élégante, parfois teintée de méfiance, de prudence, comme s’il s’agissait
pouvoir qui s’exerce de concert avec respect et discrétion.

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Ainsi la tolérance étatique, pour ne pas dire le privilège, explique alors le respect réciproque, et
dans une large mesure l’exception de la stabilité politique du Sénégal car les chefs religieux sont
régulateurs sociaux.
Bref, au Sénégal, la laïcité se réalise ainsi dans un cadre d’équilibre religieux-étatique, garantissant
un apaisement relativement social et politique. C’est pourquoi nous ne devons jamais accepter
pyromanes pour des raisons fanatiques ou inavouées, divertissez-nous dans un débat
visant à éliminer la laïcité de notre charte fondamentale.
Pourquoi avoir peur de la laïcité si elle constitue un des piliers de notre cohésion
social, il serait absurde et dangereux de vouloir le remettre en question à ce stade où notre
La nation est glorifiée dans le monde entier pour son exception.
Par ailleurs, ceux qui tentent de semer la confusion oublient l’origine étymologique du mot laïcité.
qui vient du mot grec « laos ». Ceci désigne l’unité d’une population considérée comme
indivisible. Le laïc est l’homme du peuple, qu’aucune prérogative ne distingue ni n’élève au-dessus.
au-dessus des autres. L’unité du « Laos » est donc à la fois un principe de liberté mais aussi un
principe d’égalité. L’égalité repose sur la liberté de conscience, reconnue comme première et
de même portée pour tous. C’est pourquoi aucune conviction spirituelle ne devrait bénéficier
reconnaissance, ni d’avantages matériels ou symboliques qui seraient Source de
discrimination. Au sein de la ville, les gens doivent vivre ensemble. pouvoir public,
quelque chose de commun à tous, comme l’exprime le terme latin « res publica », sera donc neutre à l’égard du
plan confessionnel : « neutre » signifie « ni l’un ni l’autre ». Cette neutralité est à la fois garantie
d’impartialité et de condition pour que chacun puisse se reconnaître dans cette république, cette ville
dont tous les membres se retrouvent sur le même pied d’égalité.
Il faut reconnaître que beaucoup de réflexions, juridiques, politiques, sociologiques et
anthropologiques, ont été menées pour démontrer l’influence voire l’injonction des religions
dans l’exercice des pouvoirs politiques. Cependant, notre pays se démarque à la fois des pays
historiquement chrétien où la lutte laïque s’inscrivait dans un élan démocratique, et d’autres
Pays musulmans, où la laïcité était favorisée par des régimes autoritaires.
Contrairement à l’histoire de la laïcité en Europe, incarnée par l’institution ecclésiale, la religion
imposé ses vues et ses règles avant de se voir successivement exclu de l’art, de la science,
la politique, le droit et la culture d’aujourd’hui.
La laïcité au Sénégal est plurielle. Il n’existe pas de modèle unique de laïcité. En fait, le
la laïcité n’est qu’un modèle de sécularisation politique qui se distingue par la séparation des
institutions religieuses et politiques d’une société. Il existe donc plusieurs modes de séparation des
ces institutions qui dépendent nécessairement de l’histoire de leurs relations. Si on discute souvent
sur la laïcité, c’est notamment parce que la laïcité – doctrine excluant la religion de l’espace
public – en fait une valeur qui conduit à polariser le débat public.

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L’État se veut moderne, dans une perspective de reconversion des mentalités et des impératifs
économique, mais les individus et les familles sont toujours tirés par la gravité
traditionnel, culturel et religieux.
Nous savons que la famille constitue la structure de base de la société. Cela fait partie des deux
la tradition et le passé, car elle porte les marques d’évolutions antérieures ; mais
défini par rapport au futur car il rassemble de facto différentes générations.
En s’appuyant sur les valeurs familiales, le président Bassirou Diomaye Faye ne devrait pas
faire moins que ses prédécesseurs en matière de laïcité, gage de notre stabilité.
Pour rappel, dès le 7 juin 1963, le président Senghor déclinait sa conception de la laïcité qu’il
veut et promeut pour le pays en disant ceci : « La laïcité, pour nous, n’est ni l’athéisme ni l’athéisme.
propagande antireligieuse. J’en prends pour preuve que les articles de la constitution qui
assurer l’autonomie des communautés religieuses. Notre loi fondamentale va plus loin et fait
de ces communautés les auxiliaires de l’État dans son œuvre d’éducation et de culture. »
Le président Abdou Diouf en : « La laïcité ne peut pas être antireligieuse : elle ne le serait pas »
pas une vraie laïcité, ce serait comme, malheureusement, dans certains pays, instituer
l’athéisme comme religion d’État. »
« Je suis allé à Touba en tant que disciple mouride, et non en ma qualité de chef de l’Etat. ” (..) ” NOTRE
la relation est empreinte de sincérité. Je ne suis pas un politicien qui cherche le pouvoir. Si je
demande ses prières, c’est pour mes autres responsabilités au niveau international. ” dit le
Le chef de l’Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, de ses relations avec le Khalife général de
mourides, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké.
Il y a une sorte d’interférence mutuelle entre les deux sphères (politique et religieuse) qui fait que
qu’au Sénégal, malgré la consécration constitutionnelle de la laïcité, les pratiques donnent
une tournure inédite à ce principe républicain. De plus, la sécularisation n’est pas une perte
d’influence de la religion dans une société mais la perte des preuves de la religion. En d’autres termes, il
il n’y a rien d’évident à ce que le code de la famille sénégalais soit relativement conforme aux
Valeurs musulmanes, chrétiennes ou tiedo.
Nous sommes ici dans la perspective de la « neutralité laïque », définie comme « le cadre juridique qui
cherche à permettre la coexistence la plus pacifique et la plus harmonieuse de toutes les identités
possible “.
Aujourd’hui, si l’enseignement religieux devait être instauré dans les écoles, toutes les religions
devraient y trouver leur compte. Alors autant les daaras ont besoin d’être soutenus
financièrement par l’État ainsi que les juvénats et séminaires catholiques doivent également être
soutenu financièrement par l’État.

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C’est pourquoi avant la mise en œuvre de cette décision relative de la direction de l’entreprise
religieux, le Président de la République doit impérativement nous édifier sur la vision,
la mission, et le cahier des charges de cette direction pour rassurer tous les Sénégalais
Musulmans, chrétiens ou adeptes des religions traditionnelles en organisant une grande
consultation entre tous les acteurs religieux pour commenter positivement la question.

Pr Denis NDOUR
Consultant en droits de l’homme.

 
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