La goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les directeurs d’école

«On ajoute des choses à nos tâches mais on n’enlève jamais rien», s’exclame d’emblée Jocelyn Bourdon, directeur de l’école Rapides-Deschênes, à Gatineau.

Près d’une direction scolaire sur cinq dans la région dit réfléchir à son avenir et envisager de tout abandonner, selon la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE), qui précise qu’à la mi-mars, il y avait six postes de direction non pourvus. et à peine huit personnes dans les banques de secours au sein des quatre centres de services scolaires de l’Outaouais.

M. Bourdon n’est guère surpris par ces chiffres dans le contexte actuel.

« Tout le monde trouve la charge de travail extrêmement lourde. Voulons-nous que je liste tout ce que nous faisons dans une journée (rires) ? La simple pénurie de main-d’œuvre est une tâche supplémentaire en soi. Non seulement il faut embaucher des personnes non qualifiées, mais il faut s’assurer que ces personnes aient la moindre capacité à transmettre un message pédagogique, explique-t-il. Nous pouvons aider quelqu’un qui n’a pas de compétences en gestion de classe, mais quelqu’un qui n’est pas capable de s’exprimer ou qui ne dégage aucune autorité, nous ne pourrons pas l’accueillir. De plus en plus, on se pose la question : est-ce que je mettrais mon enfant dans cette classe ?

Une fois la nouvelle convention collective signée, les enseignants recevront 109 000 $ par année au sommet de l’échelle salariale, soit plus que la rémunération maximale prévue pour un directeur adjoint d’une école primaire de moins de 300 élèves (105 000 $). et presque autant que l’administration d’une école de cette taille (112 000 $), soulignons-nous. Les termes d’une nouvelle convention pour les directeurs d’école, qui sera rétroactive, sont toujours attendus.

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la majorité de ses collègues, Jocelyn Bourdon a fait carrière comme enseignant avant de gravir les échelons et d’occuper un poste de directeur d’école. (Étienne Ranger/Archives Le Droit)

« Quand on part de 35 ou 40 heures par semaine de travail et qu’on passe à 55 heures, c’est-à-dire dix heures par jour plus trois, quatre, cinq heures le dimanche, ça fait beaucoup d’heures. Et quand on considère le salaire, sur 260 jours contre 200 pour les enseignants, ce n’est pas bien payé à l’heure. Et nous sommes dans une région où nous nous comparons beaucoup, par exemple avec la fonction publique fédérale», soutient M. Bourdon.

Ce dernier affirme se faire un devoir d’être sur le terrain pour interagir avec les étudiants et les personnels même si « 90 ou 95 % du temps est consacré aux réunions ».

Si le nouveau master qualifiant va certainement donner un coup de pouce selon lui, il n’en reste pas moins que pour l’instant la proportion de personnels non qualifiés dans les écoles constitue un lourd fardeau, insiste-t-il, appelant à plus de « vision à long terme ». Selon lui, si nous parvenons à résoudre les problèmes de pénurie de main-d’œuvre, la tâche de la direction sera déjà « moins complexe ».

« Quelle autre profession connaissons-nous où l’on peut placer quelqu’un qui n’est pas qualifié pour le poste ? Est-ce qu’on voit ça chez un dentiste, un plombier ? Allez-vous faire changer vos freins par quelqu’un qui n’est pas mécanicien, qui a regardé une vidéo YouTube et quelques feuilles de papier avant de vous faire ça ? Même dans les métiers, le travail n’est pas fait par quelqu’un qui n’est pas qualifié. Mais quand il s’agit d’élever des enfants, n’est-ce pas un problème ? Pourquoi?” il demande.

Attraction et rétention : un défi colossal

Compte tenu de la diversité des tâches désormais assumées par le management, l’attraction et la rétention s’avèrent un défi colossal, estime-t-il, notamment lorsqu’il s’agit de personnes en début de carrière ou qui ont de jeunes familles.

« Il y en a un qui m’a écrit et m’a dit : ‘Je n’avais aucune idée de ce que c’était avant de commencer et maintenant j’ai de gros doutes. J’arrive à la maison et je suis épuisé, mon humeur n’est plus la même, cela a un impact sur ma vie de famille. C’est parce que je ne peux pas m’y rendre pendant ma journée de travail », dit-il. Le problème est que nous n’avons personne à qui déléguer (des tâches). L’expression toutes autres tâches connexes est large : j’ai déjà débouché des toilettes, lavé un enfant, j’ai parfois des tâches physiques à accomplir, surveillé la cour, etc.

Plusieurs collègues gestionnaires de M. Bourdon ont témoigné lorsqu’ils ont appris qu’il rencontrait La droite.

« Je ne fais que commencer, mais jusqu’à présent, la charge de travail est énorme. […] Honnêtement, je me demande déjà si je vais continuer, si ça vaut le coup, même si j’aime le challenge. C’est difficile d’avoir un équilibre dans la vie, peut-être que j’y arriverai avec le temps, mais en regardant mes collègues, le fardeau reste énorme », écrit l’un d’eux.

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Nancy Lamothe, présidente de l’Association des directeurs d’établissements scolaires de l’Outaouais Québec (ADEOQ), déplore le manque de reconnaissance du gouvernement envers les directions d’école, alors que les paramètres salariaux et les conditions de travail des gestionnaires ne sont toujours pas réglés. (Patrick Woodbury/Archives Le Droit)

Nancy Lamothe, présidente de l’Association des directeurs d’établissements scolaires de l’Outaouais Québec (ADEOQ), affirme qu’il y a un risque fort de bientôt « se heurter à un mur » si le gouvernement n’agit pas concrètement.

« Il va falloir prendre du recul pour la direction des écoles, nous sommes toujours en retard dans les négociations du personnel enseignant. […] Je réfléchis moi-même à l’opportunité d’avancer ma retraite anticipée et j’ai des collègues autour de moi qui l’ont fait (avec des pénalités). L’accusation est devenue très complexe, explique le principal concerné. L’écart (salaire) est un problème très important. Je connais une directrice à la retraite qui vient de rentrer comme orthopédagogue et elle m’a dit : Nancy, je gagne presque le même salaire (qu’avant) mais sans responsabilisation, pas d’employés à gérer, moins de pression.

Découragement

Plusieurs des membres qu’elle représente sont « humiliés et inquiets » du manque de reconnaissance du Québec, poursuit-elle, alors qu’« un long chemin » a été fait pour les enseignants, par exemple.

« On reçoit des appels de la direction pour nous dire à quel point ils sont découragés, ils nous disent : quand pourrons-nous régler (nos) conditions, pensez à nous ? Lors du dernier règlement, ils ont supprimé les jours de reconnaissance, raconte Mme Lamothe. S’il y a un événement majeur dans une école, comme un tir actif, s’il est plus de 23 heures et que le personnel travaille toujours, tous ces pauvres gens sont payés en heures supplémentaires, mais pas nous. Nous devons être disponibles 24 heures sur 24. »

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Les directeurs d’école se disent essoufflés par la lourdeur de leur tâche, qui atteint des sommets. (Simon Séguin-Bertrand/Archives Le Droit)

Elle met encore une fois dans le mille le caractère « unique » dans lequel se trouve le secteur de l’éducation avec les grilles salariales au sein d’une équipe-école.

« Nous gérons entre 80 et 110 salariés. Mais quel gestionnaire, qu’il soit provincial ou fédéral, gère tout ce que nous gérons, des ressources matérielles au transport en passant par les finances, les ressources humaines et les parents, avec le salaire que nous avons ? J’aimerais que quelqu’un en trouve pour moi. […] Certains partent tôt parce qu’ils ne veulent pas finir épuisés, mais plutôt sur une bonne note », explique Mme Lamothe.

« Complètement différent d’il y a 25 ans »

La difficulté de recruter des gestionnaires agace les centres de services scolaires, selon elle, qui, sans les blâmer, précise que le recours aux retraités est de plus en plus courant comme bouée de sauvetage, ne serait-ce que temporaire.

« C’est un métier merveilleux mais complètement différent d’il y a 25 ans. Les ressources financières et la gestion du manque de personnel sont devenues exponentielles, ce n’est pas une tâche facile. Il faut être partout, plaide le réalisateur. J’aimerais que les écoles retrouvent leurs couleurs, leurs standards, leur rôle et qu’on arrête de pelleter dans nos classes.»

— Nancy Lamothe, présidente, Association des directeurs d’établissements d’enseignement de l’Outaouais Québec (ADEOQ)

Comme tâches connexes qui font de l’école un « fourre-tout », ce dernier cite en exemple la gestion d’une campagne de vaccination dans les écoles – par exemple contre la rougeole récemment – ​​ou la location d’écoles pour la tenue des élections municipales.

Mme Lamothe affirme que les membres de l’ADEOQ souhaitent que la part du gâteau accordée par le gouvernement à la direction non seulement grandisse, mais contribue à creuser l’écart salarial avec les autres membres du personnel. Des « bras » supplémentaires sont également nécessaires compte tenu de la lourdeur de la tâche, a-t-elle déclaré.

« Il est difficile de trouver des remplaçants. Et on dit qu’une direction est responsable du bien-être de son personnel, mais à un moment donné, entre bonheur et bien-être, la frontière est mince. Quand on est responsable de tout cela, cela a de graves conséquences. Aidez-vous et le ciel vous aidera, dit Nancy Lamothe. Bien sûr, nous voulons que les professeurs et les étudiants se portent bien, mais il y a une limite à ce que nous sommes capables de donner, sinon nous nous oublions, et quand nous nous oublions, nous nous épuisons. .»

 
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