Sigrid de Montrond donne une nouvelle vie aux anciens lustres de Murano

De Paris à Venise, le designer redonne la noblesse aux luminaires abandonnés par les verriers. Rencontre intime dans sa galerie, L’Atelier Visconti, à Saint-Germain-des-Prés.

Et il y avait de la lumière ! Faut-il être aveugle pour laisser abandonnées des pièces anciennes de Murano ? Il s’agit le plus souvent de superbes lustres cassés ou démontés qui ont été stockés dans les entrepôts des verriers de la célèbre île proche de Venise.

« La poussière est témoin de leur repos depuis plus de trente ans. J’ai eu envie de récupérer ces pièces endormies pour leur donner une nouvelle vie », explique la créatrice Sigrid de Montrond… qui, comme dans un conte de fées, se transforme en Belle au Bois Dormant.

Mais pourquoi ce Parisien, tour à tour costumier, puis décorateur, est-il « tombé amoureux » de ces antiquités qui n’intéressaient personne ?

C’est une longue histoire… Sigrid de Montrond découvre la cité des Doges en 1988, lors du Carnaval de Venise, à l’époque où elle crée costumes et tenues de soirée. C’était un coup de foudre !

A tel point que Venise devient son deuxième lieu de vie aux côtés de Paris. En 2003, la décoratrice acquiert le Palazzo Bragadin, avec son mari architecte, Xavier de Montrond. Ils forment un duo saisissant pour restaurer et magnifier ce palais du XVe siècle, tout proche de la basilique San Giovanni e Paolo.

« Vénitien d’adoption, je ne pouvais pas manquer Murano, l’île aux merveilles qui fait partie de l’art du verre vénitien. Grâce à l’artiste italienne Maria Grazia Rosin, que j’admire pour son travail du verre, j’ai été présentée à un verrier qui m’a fait découvrir son stock de splendides pièces anciennes il y a deux ans. »

Après une vie de splendeur dans les palais de Venise, les somptueux lustres furent oubliés, déclassés, relégués sur l’île de Murano. Il a fallu à Sigrid son inventivité, son audace et ses bons réseaux pour dénicher et sélectionner des pièces anciennes. Celles-ci proviennent de luminaires dont les plus anciens datent du XVIIIe siècle.

Avec le verre, pas de place à l’erreur

” J’ai découvert des pigments de couleur qui n’existent plus aujourd’hui car les maîtres verriers qui l’ont créé sont morts. Il y a la subtilité des formes, le savoir-faire, le sable de Fontainebleau utilisé alors qui en font des pièces d’exception », note l’artiste avec une pointe de nostalgie.

Moments tristes. De nombreuses boutiques vendant des objets étiquetés « verre de Murano » ont été envahies par contrefaçons de Chine ou d’Europe de l’Est ! Il faut avoir un oeil (et posez des questions sur l’origine, l’artiste, sa signature, etc.) pour acheter du Murano véritablement travaillé par les verriers italiens d’aujourd’hui.

Sigrid évolue dans le monde d’antan. Elle a ses entrées dans les ateliers des maîtres verriers de l’île de Murano dont elle ne révélera pas les noms. Le secret de l’artiste. Infatigable, tôt le matin jusque tard le soir, elle réassemble des pièces singulières pour créer des objets de curiosité.

Comme un costumier qui conçoit et ajuste une robe de bal, l’artiste joue sur les proportions, les formes et les couleurs du futur luminaire.

« Avec le verre, je n’ai pas pas de place à l’erreur. Une pièce casse rapidement. Mes mouvements doivent être précis. Je respecte chaque pièce que j’ai entre les mains. Chacun d’eux a une telle majesté !

La créatrice passe sa journée à une bulle de verre et de solitude …loin de l’activité trépidante de la Place Saint-Marc. Pour son plus grand bonheur !

Lampes, bougeoirs et bougeoirs aux accents baroques

Et il y avait de la lumière ! Imposants bougeoirs, à la fois nobles et délicats, exposés à l’Atelier Visconti ©Corine Moriou

Sigrid aime les objets d’art qui ont une fonction et qui, en même temps, peuvent décorer un meuble.. De sa passion sont nés lampes, chandeliers, chandeliers à la fois délicate, noble et puissante. CA offre quelques bijoux rares. Mais aussi embrasses de rideaux en vieux verre de Murano. Jamais vu !

L’heure est au vintage, qui consomme moins de CO2 puisque l’on recycle ce qui existe déjà : vêtements, voitures, téléphones, objets… Du coup, Sigrid de Montrond, qui récupération haut de gamme, apparaît comme une artiste « tendance », en phase avec les goûts de son époque. Cela n’a pas échappé à ses clients.

C’est dedans sa propre galerie à Saint-Germain-des-Prés, Atelier Viscontidu nom éponyme de la rue, qui Sigrid expose ses œuvres aux accents baroques jusqu’à fin mai 2024.

Déjà, des lampes et bougeoirs, dont certaines pièces sont monumentalessont allé dans des maisons prestigieuses de grands collectionneursparmi les gens qui aiment la musique classique, parmi stars des médias… Ces objets semblent heureux d’avoir retrouvé leurs lettres de noblesse dans de nouveaux écrins dignes de les recevoir.

” J’ai commandes pour meubler de grandes maisonschâteaux, appartements parisiens, banques…», nous raconte l’artiste-décorateur.

Sigrid de Montrond porte une de ses créations, un collier en verre de Murano très original. RD

Sigrid n’a-t-elle pas créé un pont entre Paris et Veniseses deux villes préférées ?

A l’occasion de la 60ème Biennale de Venise, « forêt » du « médecin français » Vincent Lajarigeest exposé au Palais de Sigrid et Xavier de Montrond.

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« Je mène une double vie entre Paris et Venise. J’aime y encourager les échanges artistiques. Je dois faire vivre ce Palais de 500 mètres carrés en organisant des expositions et des événements, notamment lors de la Biennale et de la Mostra de Venise. J’invite des artistes vénitiens à exposer à la galerie parisienne et j’invite des artistes français à présenter leurs créations au Palazzo Bragadin. Tout le monde est ravi ! »

Ouverture le 20 avril pour les « happy hours » qui seront à Venise.

Atelier Visconti

« Sigrid à Venise »

Collection Luce di Murano

Jusqu’au 31 mai 2024

4, rue Visconti

75006 Paris

Tél : + 33 (0)6 11 16 98 89

Palais Bragadin

Exposition « Forêt » de Vincent Lajarige

du 16 avril au 10 septembre 2024

6480 Calle del Cafétier

Château de Venise

Tél : + 33 (0)6 11 16 98 89

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Photo à la une : Sigrid de Montrond avec ses lampes en verre de Murano dans sa galerie, L’Atelier Visconti, Paris 6e © Corine Moriou

 
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