avec un faux profil d’enfant, l’association Team Moore piège un enfant criminel en Aveyron

avec un faux profil d’enfant, l’association Team Moore piège un enfant criminel en Aveyron
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L’homme a été jugé et reconnu coupable. Pour la première fois depuis sa création en 2019, l’association Team Moore a repéré et piégé un agresseur d’enfants basé dans l’Aveyron. Captures d’écran à l’appui de conversations sur les réseaux sociaux, un signalement a été transmis au parquet de Rodez, qui s’est montré très réactif. Entretien avec Neila Moore, présidente de l’association.

Récemment, vous avez dénoncé à la justice un prédateur opérant dans l’Aveyron, ce qui a conduit à sa condamnation. Dites-nous…

Absolument, c’était la première fois que nous faisions un reportage sur le secteur de Rodez. Et la justice a été très réactive. Le prédateur a pris contact avec notre faux compte sur les réseaux sociaux le 17 février 2024. Il disait habiter à Rodez, sa proie, un enfant de 12 ans, était basée à Toulouse.

Et c’est arrivé très vite, l’homme n’a pas caché son identité et a rapidement offert un câlin à l’enfant. Dans l’ordre, il lui a demandé des photos de son pénis et de son corps nu. Il lui dit qu’il veut lui envoyer des images nues de lui, il dit qu’il se masturbe en pensant à elle […] La discussion tourne autour de la proposition d’un rapport sexuel. Il envoie une photo pornographique en prétendant qu’il s’agit de sa petite amie de 12 ans.

Il n’a fallu que quelques jours pour faire le rapport. Nous avons joint 12 captures d’écran au fichier, alors que nous en avons parfois des centaines qui résument des discussions qui s’étalent sur des semaines et des mois. Le signalement a été fait le 21 mars. Le 3 avril, la police nous a annoncé que le prédateur avait été reconnu coupable.

Qu’est-ce que l’équipe Moore et depuis combien de temps existe-t-elle ?

Le collectif est né à la Réunion. Une native de Toulouse, qui y vivait depuis 17 ans, connaissait une mère dont la fille avait été abordée par des prédateurs sur internet. Il crée alors un faux profil virtuel, et très vite il est contacté par des dizaines de prédateurs. J’ai fait la même chose, avec le même constat. C’est ainsi que tout a commencé en avril 2019.

Comment traquer les pédophiles en respectant la loi ?

Nous nous inspirons des chasseurs de pédophiles qui agissent au Royaume-Uni, mais en nous adaptant à la législation française. Premièrement, lors de la création d’un faux profil d’enfant, les vraies photos ne sont pas utilisées. Sinon, c’est une usurpation d’identité. Vous ne faites pas de demande d’ami, c’est le prédateur qui doit en faire la demande. Nous répétons constamment notre âge, entre 12 et 15 ans, pour que le prédateur ne puisse pas ensuite dire devant le tribunal : « Ah, mais je ne savais pas qu’elle était si jeune ». Et enfin, nous ne divulguons jamais l’identité de la personne impliquée ni les discussions sur internet.

Malheureusement, les gens voulaient nous imiter mais ne respectaient pas ces cadres légaux. Certains ont été poursuivis pour incitation à la violence en partageant en ligne des captures d’écran de conversations qu’ils ont eues avec des prédateurs ou en révélant leur identité.

Comment procédez-vous ? Utilisez-vous les réseaux sociaux ou le dark web ?

Non, nous ne travaillons pas sur le dark web. Déjà, parce que je ne sais pas comment y arriver. Mais surtout parce que les prédateurs se cachent là où se trouvent les enfants. Donc surtout sur les réseaux sociaux. C’est ici que nous enquêtons, sur la seule base d’informations publiques qui peuvent nous faire basculer, sur les profils de prédateurs potentiels.

Le collectif compte aujourd’hui 53 membres, devenu également une association en janvier 2024. Nous nous organisons comme une entreprise avec des personnes que nous avons formées. Nous avons les intercepteurs, qui « jouent » les enfants virtuels. Il y a les enquêteurs qui identifient les profils, ceux qui assurent la sécurité informatique, et ceux qui s’occupent de la partie administrative du signalement.

Un an de prison avec sursis

Le prévenu dans cette affaire jugée à Rodez et initiée par l’Equipe Moore, est un homme de 55 ans, résidant dans l’Aveyron. Il a été condamné à un an de prison avec sursis, assorti de deux ans de probation. Il a reçu une obligation de soins, une obligation de travail et une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs.

Son téléphone portable, utilisé lors de l’infraction, a été détruit.

Certaines autorités prennent-elles vos rapports plus au sérieux que d’autres ?

Avec le parquet Rodez, c’était une première pour nous. Dans d’autres départements, nous avons souscrit un abonnement… Par exemple, à Charleville-Mézières dans les Ardennes, pas mal aussi en Haute-Saône, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Nord…

Les premières années, on ne nous prenait pas au sérieux. Maintenant, les choses se passent globalement très bien, la grande majorité de nos rapports sont examinés. Quand ce n’est pas le cas, évidemment, il y a beaucoup de frustration. Je me dis toujours qu’un enfant va être violé, mais j’ai fini par accepter que c’était la responsabilité de la justice dès l’envoi du rapport.

Nous en avons eu un exemple à Nîmes. Un prédateur se faisant passer pour un mineur est quelque chose que nous voyons souvent. Il n’y a pas eu de crime flagrant, nous avons donc organisé une réunion en prévenant la police. C’était en mai 2021, l’homme a été placé en garde à vue. Mais deux ans plus tard, on apprenait qu’il avait été condamné à 17 ans de prison. La peine m’a paru très lourde, en s’enquérant on a appris que l’homme était un violeur… Et qu’il avait commis le fait avant, mais aussi après, sa garde à vue de 2021.

Nous avons eu plus de réunions au début, pour montrer que les prédateurs ne s’arrêtent pas aux conversations virtuelles. De plus, la sanction encourue est plus lourde lorsqu’il y a rendez-vous.

Au fil du temps, votre action a clairement gagné en crédibilité…

L’année dernière, nous avons été reçus par le ministère du Numérique qui a promis de nous consulter sur le projet de loi « réserve citoyenne ». Cela a commencé lorsque nous avons rencontré la députée Maud Petit (Modem) en 2021. Oui, la justice nous écoute de plus en plus, mais avec ce projet de loi, nous pourrions acquérir un véritable statut de signaleur. Cela faciliterait grandement nos signalements et accélérerait l’intervention du système judiciaire qui ne dispose aujourd’hui pas de suffisamment de ressources pour lutter contre la pédocriminalité en ligne.

Nous avons fait une demande au ministère de l’Éducation nationale pour faire de la prévention dans les écoles. Avoir un téléphone est très pratique quand on est jeune, mais les étudiants et les parents doivent être informés de certains risques.

Qu’est-ce que le projet de loi « Réserve citoyenne numérique » ?

Le projet de loi « Réserve citoyenne numérique » est soutenu par l’actuel ministre du Numérique Jean-Noël Barrot. Elle « rassemblera des associations et des acteurs engagés pour apaiser l’espace numérique », déclarait-il au journal Le Monde en septembre 2023, notamment après les émeutes de l’été qui ont éclaté après la mort de Nahel. , un adolescent tué à Nanterre par un policier.

« Ces acteurs pourraient devenir […] ce que nous appelons des « signaleurs de confiance », c’est-à-dire un interlocuteur des Français dans leurs signalements aux plateformes, les notifications de ces signaleurs de confiance étant traitées avec un niveau de priorité plus élevé ».

« L’avenir, c’est la formation des cyber-enquêteurs »

« La piste a été exploitée très rapidement », confirme le procureur de la République de Rodez, Nicolas Rigot-Muller. Même si la justice reste « très prudente » sur les signalements citoyens pour ne pas se laisser berner « par des profils malveillants qui se cachent parfois dans les associations ».

« Nous vérifions tout et toutes les dénonciations sont prises au sérieux. Bien entendu, lorsque nous disposons de preuves sérieuses, la machine se met à fonctionner encore plus vite.» Si le procureur salue l’issue de ce rapport de l’association La Team Moore, il ne cache pas qu’il préférerait « se passer le plus possible du concours des associations ». “L’avenir, c’est la formation de plus en plus de cyber-enquêteurs, ce serait plus simple.” En Aveyron, des équipes formées existent déjà à Rodez et Villefranche-de-Rouergue.

 
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