après neuf mois sans liaison maritime avec Dakar, la Casamance reprend son souffle – Libération – .

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Pour annoncer son départ imminent, le ferry Aline Sitoé Diatta fait retentir sa corne de brume, sans lésiner sur le volume, comme s’il voulait prévenir toute la population dakaroise qu’il reprenait du service, après neuf mois d’interruption forcée. A la veille de Korité – la fête musulmane qui marque la fin du jeûne du Ramadan – plus de 200 passagers ont embarqué à bord, au départ du port de Dakar en direction de Ziguinchor, en Casamance. , pour une quinzaine d’heures de traversée. A l’arrière du bateau, les passagers rompent le jeûne avec des dattes, des madeleines, du café, du jus de gingembre et des sandwichs, tandis qu’une poignée d’autres voyageurs, chrétiens ou athées, descendent des canettes de bière, le tout au rythme de la joyeuse musique ouest-africaine. Au loin, le ciel, rendu voilé par le grain de sable de l’harmattan, est à la fois rouge et violet, tirant vers le noir.

L’air malicieux, sous un béret porté avec élégance, Dominique Sina profite de la reprise. « Ce bateau est indispensable pour la Casamance. Il permet de transporter toutes sortes de marchandises : des fruits comme des mangues, des oranges ou du madd, mais aussi des noix de cajou, du miel, de l’huile de palme ou encore du poisson séché. Nous parlons de milliers de tonnes. Sa décision a été très préjudiciable à l’économie de la région. explique ce colonel de police à la retraite, alors que les immeubles du centre-ville de Dakar se rétrécissent au loin. L’homme est entouré d’une quinzaine de membres de sa famille. Ils se rendent sur leur île natale, Niomoune, pour des funérailles. Chacun a payé 5 000 francs CFA (environ 7,50 euros) pour une chaise individuelle. “C’est la moitié du prix de la route terrestre, qui est en construction depuis des années.” Et dix fois moins cher que l’avion.

« Des humiliations sans fin »

En juin 2023, les autorités ont suspendu la liaison assurée par les trois bateaux de la compagnie Cosama, le cordon ombilical entre Ziguinchor et Dakar. Des mesures prises au lendemain des émeutes qui ont fait plus d’une vingtaine de morts dans le pays, dont cinq à Ziguinchor, après la condamnation dans une affaire de mœurs de l’opposant politique Ousmane Sonko, maire de la ville. Aucun communiqué n’a jamais expliqué cette décision. Les conséquences ont été graves pour l’économie de la Casamance, une région enclavée sur le territoire gambien, qui ne dispose ni de chemins de fer, ni d’autoroutes, ni d’industries. Les gens se souviennent encore des caisses de mangues qui pourrissaient au port. « Les autorités évoquent un problème de sécurité, mais beaucoup pensent qu’il s’agit d’une manière de punir les habitants de la région pour leur soutien à Ousmane Sonko. » estime Dominique Sina. En Casamance, le mot « embargo » a été rapidement abandonné.

Sur le pont du bateau, Issa Diégane Seck s’est enveloppé dans une couverture délavée pour se protéger du froid nocturne. Par réflexe, il baisse la voix avant d’aborder des sujets sensibles : « Le régime Macky Sall, c’était des humiliations sans fin. La veille de la Tabaski (la fête du mouton), en juin dernier, j’ai passé 24 heures en prison pour le simple motif d’avoir prononcé le nom d’Ousmane Sonko dans la rue. Ma femme ne le sait pas, mon père non plus. Mais depuis que Diomaye a été élu, tout le monde s’est détendu.» Originaire de Fatick, à l’ouest du pays, ce passager rejoint sa famille dans le sud pour fêter la fin du Ramadan.

À sa droite, son voisin, Patrice Diédhiou, ne tourne pas autour du pot pour décrire les temps sombres qu’a traversé le pays sous le quinquennat du précédent président : « Les gens étaient terrifiés. Quant au bateau, il a été arrêté pour des raisons purement politiques. Mais avant de nous couper l’herbe sous le pied, Macky Sall a grandement contribué au développement de la régionnous donnant le pont de Gambie, les routes et les bateaux. Ce vieil homme, casquette du PSG vissée sur la tête, se rend aux funérailles de sa tante, non loin de Ziguinchor. Il passera le reste de la nuit dans une cabine de huit places.

Ces deux passagers n’auraient pas prononcé en public ce discours à consonance politique quelques semaines plus tôt. Au Sénégal, le climat s’est considérablement apaisé depuis l’élection de Bassirou Diomaye Faye au premier tour de la présidentielle, le 24 mars, sur fond d’éclaircissement. Ce dernier a nommé son mentor, Ousmane Sonko, au poste de Premier ministre. Ce nouveau tandem au pouvoir suscite un immense espoir dans le pays, et particulièrement en Casamance, une région verte au potentiel agricole immense.

Déstigmatiser la Casamance

La réouverture du ferry Aline Sitoé Diatta est une étape majeure vers “réconciliation nationale” souhaité par le nouveau président. Construit en Allemagne et mis en service en 2008, le navire a la lourde tâche de succéder au Joola, le ferry assurant la liaison Ziguinchor-Dakar, qui a coulé une nuit de septembre 2002, à 40 km des côtes gambiennes, faisant 1 863 morts et disparus – dont bien que la capacité du navire soit en principe limitée à 536 passagers.

Après avoir longé les côtes atlantiques dans une nuit d’encre, le ferry se faufile entre les rives du fleuve Casamance, le long des mangroves, sous l’escorte d’un groupe de dauphins, puis d’un bateau militaire. Arrivés à Ziguinchor, des chariots de manutention déchargent du ferry une cinquantaine de tonnes de fret. “Hivernage [la saison des pluies, de juillet à septembre, ndlr] est devant nous, ce sera bientôt la saison des mangues et des noix de cajou. Il faut désormais mettre en place une politique agricole, s’industrialiser et donner accès à la terre aux jeunes. estime François-Xavier Biagui, un entrepreneur agricole en tongs, qui se dit plein d’espoir pour le développement de la région. Au-delà du transport de marchandises diverses, la reprise des dessertes maritimes devrait également redynamiser le tourisme dans la région.

Pour Serigne Souhaibou Kébé, qui a pris le ferry pour superviser les travaux de la maison qu’il est en train de construire à Ziguinchor, le Premier ministre Ousmane Sonko aura participé à la déstigmatisation de la Casamance, une région minée par quatre décennies de conflit armé séparatiste de faible intensité : « Il y a dix ans, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, les étudiants casamançais n’osaient pas donner leur nom de famille, de peur d’être traités de ‘rebelles’. Aujourd’hui, nous pouvons enfin parler avec fierté de nos origines.

 
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