comment se positionne le groupe Sipa-Ouest-France

Après « confiance » en 2022, puis « indépendance » en 2023, journée annuelle de réflexion de l’Association ASPDH, association à but non lucratif loi 1901 propriétaire du groupe de presse Sipa, auquel appartient Ouest-France, Le Courrier de l’Ouest, Presse Océan et Le Maine Libre, ont abordé cette semaine la question de la démocratie.

Lire aussi : Groupe Ouest-France : le défi de l’indépendance

David Guiraud, président de l’ASPDH, rappelle l’urgence de cette question, en cette année 2024 où les habitants de plus de 70 pays sont appelés aux urnes. « Nous voyons chaque jour à quel point la démocratie humaniste que nous défendons est malmenée, attaquée de toutes parts, souvent de manière cynique et clandestine. »

Parmi les raisons qui provoquent “affaiblissement” de cette démocratie, David Guiraud cite « une mondialisation rapide, des inégalités croissantes, une incertitude croissante et l’absence d’un grand récit, la radicalisation et le communautarisme, la polarisation et l’épuisement politique »…

Il mentionne également « un tsunami antidémocratique de réseaux sociaux et d’intelligence artificielle, exploités par les plus grands Etats… Après avoir industrialisé la distribution, ce sont les contenus qui sont aujourd’hui industrialisés, ouvrant les vannes à un déluge d’informations déracinées, générant une lassitude généralisée des cerveaux piratés par des algorithmes… »

Que peut faire un groupe comme Sipa Ouest-France face à un tel déluge ? « Plus il y aura de technologie et d’IA, plus il faudra miser sur l’intelligence collective. Moins nous saurons qui parle, plus des médias comme le nôtre, ancrés dans l’histoire, les territoires et les valeurs fortes et constantes, auront un rôle à jouer pour que la démocratie humaniste qui nous rassemble puisse encore inspirer le plus grand nombre. »

« La violence contre nous a explosé avec le Covid »

De gauche à droite : Marie Mangane (rédactrice chez Publihebdos), Laetitia Greffié (rédactrice en chef chez Ouest-France), Dominique Quinio (vice-présidente de l’ASPDH), Stéphanie Séjourné (directrice de la rédaction des Journaux de Loire) et Marion Pignot (rédacteur en chef adjoint de 20 minutes) | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE
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De gauche à droite : Marie Mangane (rédactrice chez Publihebdos), Laetitia Greffié (rédactrice en chef chez Ouest-France), Dominique Quinio (vice-présidente de l’ASPDH), Stéphanie Séjourné (directrice de la rédaction des Journaux de Loire) et Marion Pignot (rédacteur en chef adjoint de 20 minutes) | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE

Parmi les constats des journalistes présents à cette journée de réflexion, des relations quotidiennes qui se compliquent avec le public : « Depuis trois ou quatre ans, le lien entre journalistes et lecteurs est devenu plus complexe » note Marie Mangane, journaliste et rédactrice chez Publihebdos. « La violence contre nous a augmenté avec les Gilets jaunes, puis elle a explosé avec le Covid »avec une forte baisse de la confiance dans les institutions. « Surtout les médias. La presse locale était aux premières loges ! »

Le constat est partagé par Laetitia Greffié, rédactrice en chef de Ouest de la France : « Notre premier baromètre, ce sont les lettres des lecteurs. Dans les 300 lettres que nous recevons chaque mois, nous voyons des positions de plus en plus radicales, une société de plus en plus fragmentée et des repères qui se perdent. » Les médias sont souvent accusés d’en être responsables. « Les gens sont de plus en plus ancrés dans leurs certitudes. Ils ont une incapacité croissante à débattre. La capacité de vivre ensemble se perd. »

« Nous ne sommes pas des reporters de guerre ! » »

Près de 180 salariés du groupe Sipa ont participé à cette journée de réflexion. | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE
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Près de 180 salariés du groupe Sipa ont participé à cette journée de réflexion. | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE

Et la violence devient monnaie courante… Stéphanie Séjourné, directrice de la rédaction des Journaux de l’Ouest (Maine libre ; le Courrier de l’Ouest, Presse Océan), cite un exemple récent, significatif et très inquiétant : « Chaque année, au 1er janvier, nous publions la photo du premier bébé de l’année avec ses parents dans nos colonnes et sur notre site. En 2024, pour la première fois, nous avons dû bloquer des commentaires sur le site tellement ils étaient violents et racistes ! »

Résultat, inimaginable » il y a seulement quelques années : « Il faut désormais former nos journalistes pour assurer leur propre sécurité… Mais nous ne sommes pas des reporters de guerre ! » poursuit Stéphanie Séjourné.

Rédacteur en chef adjoint de 20 minutes, Marion Pignot détaille une étude réalisée par son journal auprès d’un panel de 18-30 ans sur les médias et la démocratie. Premier chiffre impressionnant : « 94 % d’entre eux se sentent fatigués par l’actualité, 93 % se sentent impuissants et 86 % se sentent en colère ! » Quant aux réseaux sociaux, une majorité (56%) les trouvent utiles et 28% les jugent dangereux. « A 20 Minutes, il a fallu fermer des comptes, supprimer des commentaires… La méfiance envers les médias et les journalistes n’a jamais été aussi forte ! »

« Se reconnecter : une nécessité absolue »

Un journaliste interviewé à Rennes le 11 avril. | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE
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Un journaliste interviewé à Rennes le 11 avril. | MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE

Alors, que pouvons-nous faire demain pour améliorer ces relations ? Premier objectif, extrêmement urgent : se reconnecter. Comme le maire parmi les élus, « les médias locaux ont encore du crédit. La valeur du mot connecter n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui », se souvient Marie Mangane. Camille Allain, de 20 Minutes Rennes, insiste aussi sur « la nécessité absolue de se reconnecter face à la méfiance « .

Cela passe notamment par plus de transparence sur le métier de journaliste : ” Qui sommes nous ? Comment travaillons-nous ? Descendons de notre piédestal, rencontrons des gens. Nous n’expliquons pas assez notre métier. estime Benoit Guérin, directeur départemental de Ouest de la France dans le Morbihan.

Jean-François Baron, rédacteur en chef adjoint de Maine libreapprouvé : « Développons l’usine de l’information : il faut dire comment on travaille. Mélanie Niger, journaliste à l’hebdomadaire gratuit C’est à Cherbourgle dit autrement : « Je suis mère. J’ai les mêmes problèmes de poux à l’école ou de pouvoir d’achat que les lecteurs. »

Mais que faire lorsque des informations anxiogènes vous bloquent jusqu’à la nausée ? Virginie Enée, responsable de la rédaction Oouest-France de Rennes, cite en exemple les sujets liés au climat : « Nous ne pouvons pas simplement vivre dans l’anxiété. Il faut apporter des solutions que chacun puisse adopter, montrer aux gens qu’ils ont les moyens d’agir. »

«Résister aux micro-polémiques»

Dernier point évoqué : la gentillesse. « La société souffre, créons des espaces où l’hystérie collective n’a pas sa place ! » dit Stéphanie Séjourné. “Quand on prend le temps de parler aux gens, de leur expliquer, d’argumenter, ça aide à les calmer” poursuit Fabienne Supiot, responsable éditoriale de Cholet au Courrier de l’Ouest.

Créer du lien, jouer sur la transparence et la bienveillance… Des enjeux majeurs. Président de l’ASPDH, David Guiraud conclut cette journée de réflexion en ajoutant d’autres défis à relever : « Arrêtons de banaliser la violence en paroles, en actes et en faits ; arrêter les généralisations comme les jeunes, les émeutiers ou les fêtards ; ayons le courage de résister aux micro-polémiques qui occupent les audiences ; travaillons avec humilité et respect, convenons de dire que nous nous sommes trompés. Des objectifs vitaux à l’heure où l’intelligence artificielle, les fake news et la violence envahissent le monde de l’information.

David Guiraud rappelle la raison d’être du groupe Sipa Ouest-France : « Éclairer, informer, connecter les citoyens pour faire progresser le bien commun dans le respect et la dignité de chacun »…Un formidable défi à l’heure où tant de dangers politiques, économiques et technologiques menacent le monde des médias.

L’ASPDH, Association de Soutien aux Principes de la Démocratie Humaniste, est une association loi 1901 à but non lucratif, propriétaire de l’ensemble des journaux et filiales du groupe Sipa Ouest-France. une structure capitalistique unique en France.
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