« TotalEnergies respecte pleinement les sanctions européennes », soutient Stéphane Séjourné

« TotalEnergies respecte pleinement les sanctions européennes », soutient Stéphane Séjourné
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Un ministre en cache souvent un autre. Fraîchement nommé au gouvernement de Gabriel Attal au Quai d’Orsay, l’ancien patron de Renaissance, a également passé son oral devant la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies, afin d’expliquer la politique étrangère de la France en matière d’investissements étrangers. Résultat, des réponses qui n’ont pas toujours convaincu les sénateurs, face à un ministre, qui, pour une fois, a tenu une position très diplomatique, soucieux de ne vexer personne, rappelant que l’entreprise agissait « dans le strict cadre légal ». Une affirmation que les ONG interrogées il y a deux jours déploraient les « défauts » mêmes de ces mesures juridiques, et ne les contestent pas.

« Total est peut-être soumis à une réglementation plus dure et contraignante qu’un certain nombre d’entreprises, qui n’ont pas de devoir de vigilance », défend le ministre, qui assure qu’« il vaut mieux que ce soit une entreprise française qui ait plus de réglementation et plus de contraintes que les autres entreprises qui participent à ces marchés », faisant référence à certains projets d’extraction d’énergies fossiles très controversés en Afrique. Il écarte cependant les arguments d’une éventuelle responsabilité française dans ces projets : « On ne peut pas forcer les pays à développer leur propre mix énergétique dans le cadre des accords internationaux qui ont été passés », explique-t-il, estimant que « ce n’est pas à lui de le Quai d’Orsay pour empêcher un certain nombre d’engagements commerciaux sur lesquels les entreprises se déterminent.» « Notre objectif est d’apporter une lecture et une expertise géopolitiques à toutes les entreprises françaises souhaitant investir dans un pays »… une expertise non revendiquée aujourd’hui par TotalEnergies.

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« Soutenir notre commerce extérieur et la stratégie export de nos entreprises »

Dans la lignée de son collègue de la Transition écologique, Christophe Béchu, interviewé quelques minutes plus tôt, le ministre rappelle que « le soutien de nos intérêts économiques est au cœur de la politique étrangère de la France », et ce « en pleine cohérence avec l’agenda ambitieux en matière de politique étrangère ». questions liées au climat, à l’environnement et aux droits de l’homme. Une stratégie qui, selon le ministre, passe par « soutenir notre commerce extérieur et la stratégie d’exportation de nos entreprises ». « Nous aidons nos entreprises à comprendre le contexte politique, économique et social local », explique-t-il, rappelant les obligations des entreprises en termes de « devoir de vigilance » et d’« obligations de transparence ».

“La France doit continuer à avoir de l’influence dans le monde et cela dépendra de la capacité de nos entreprises à s’implanter sur les marchés étrangers et à s’implanter dans le tissu économique”, insiste le locataire du Quai d’Orsay, pour qui ces actions représentent une « nécessité » et un « devoir », tout en s’inscrivant dans un « cadre bien précis ». Un cadre « qui ne comporte pas de soutien financier aux projets d’exportation », répète-t-il, précisant : « L’État français ne finance pas les activités du groupe à l’étranger en matière d’exploration, de production, de transport ou encore de stockage d’énergies fossiles, et l’État n’est pas il n’est pas non plus actionnaire du groupe et ne participe donc pas à ses organes de gouvernance», se défend-il, souhaitant prouver l’incapacité de son ministère à avoir, de quelque manière que ce soit, une quelconque influence sur le processus de décision du groupe.

Cette manifestation n’a guère convaincu les sénateurs, en premier lieu Pierre Barros, élu communiste du Val-d’Oise : « Quand on écoute tous les ministres, Total doit être un partenaire, un atout et une entreprise française qui doit accompagner la « France ». politique dans les objectifs du GIEC, et qui par conséquent, contribue peu à l’effort également au niveau national», tempête-t-il, dénonçant le «dumping international» du groupe. De son côté, le ministre des Affaires étrangères explique, tout comme Christophe Béchu, que « Total se diversifie dans les renouvelables ».

Pensez-vous (…) supposez-vous être dans la continuité de cette politique qui met l’appareil diplomatique français au service de Total, pour qu’il développe de nouveaux projets, notamment pétroliers et gaziers dont on sait pertinemment qu’ils sont une faute climatique ?

Les actions du groupe dans certains Etats au cœur des discussions

Un argument loin de convaincre le rapporteur écologiste de la commission d’enquête, Yannick Jadot, qui a interrogé à plusieurs reprises le ministre sur les ambiguïtés stratégiques de la diplomatie française : « Est-ce qu’à l’image d’un de vos prédécesseurs, Jean-Yves Le Drian ? (NDLR : qui a également été interviewé il y a quelques semaines par le Sénat), vous assumez être dans la continuité de cette politique qui met l’appareil diplomatique français au service de Total, pour qu’il développe de nouveaux projets, notamment pétroliers et gaziers. , dont on sait très bien qu’il s’agit d’un défaut climatique ? », tonne l’ancien candidat à la présidentielle, appelant à mettre fin à la « malédiction pétrolière ». L’élu de Paris se déclare « choqué » par l’inauguration de gisements de gaz en Azerbaïdjan, alors que ce dernier « organise un nettoyage ethnique » [des Arméniens] au Haut-Karabagh.

Exprimant son inquiétude quant aux activités du groupe au Mozambique, alors que les services français font état de « quelque 1 500 personnes tuées ou portées disparues suite à des attaques jihadistes » dans le pays, Yannick Jadot continue en s’indignant du méga projet pétrolier de la société en Ouganda, décrivant « un projet qui déplace des dizaines de milliers de personnes, dans des contextes extrêmement répressifs avec un risque environnemental majeur ». « Total étant la France en Ouganda, que faisons-nous pour que la France ne soit pas associée à un projet extrêmement dangereux pour le climat, l’environnement et les populations locales ? », se demande-t-il.

Une inquiétude partagée par son collègue socialiste Jean-Claude Tissot : « Votre gouvernement, dès que la Russie a envahi l’Ukraine, a-t-il formellement demandé à Total Energies de se retirer de Russie ? “, il demande. Sans répondre directement à la question, Stéphane Séjourné affirme que la France a « poussé à tout un ensemble de sanctions », minimisant ses importations de gaz. Reconnaissant néanmoins qu’« il existe encore un certain nombre d’exportations de GNL (NDLR : Gaz naturel liquéfié) », ainsi qu’une « infime partie » en termes de gaz (15 % du gaz utilisé en France vient de Russie, « soit 4% du mix énergétique”), le ministre réitère sa volonté que “la France soit totalement autonome dans les hydrocarbures russes” d’ici 2027, évoquant d’éventuelles collusions entre TotalEnergies et le régime du Kremlin : “Total respecte pleinement les sanctions européennes”, affirme-t-il.

Concernant les critiques de Yannick Jadot, Stéphane Séjourné se montre plus offensif, estimant qu’il appartient aux « pays de décider ce qu’ils font de leurs propres ressources dans le cadre des engagements internationaux qu’ils ont pris ». « Pas de clémence » non plus à l’égard de l’Azerbaïdjan, le ministre insistant sur le fait que « la France n’importe pas de gaz de ce pays ». Quant au très controversé projet tanzanien-ougandais, il déploie un argument similaire à celui qu’il utilisait quelques minutes plus tôt à l’égard de la Russie : « La France n’est pas partie [prenante] du projet mené par Total en Ouganda et en Tanzanie », dit-il.

Pour 2024, les négociations climatiques s’annoncent difficiles

« Éviter tous risques de conflit d’intérêts »

Pour une fois, ces propos ont suscité au moins le scepticisme de Yannick Jadot, qui dénonce des « portes tournantes » entre fonctionnaires ayant longtemps travaillé au sein des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, avant de rejoindre TotalEnergies. Chiffres à l’appui, Stéphane Séjourné nie tout conflit d’intérêts, précisant que « huit diplomates ont effectué des mobilités ces vingt dernières années », en direction du groupe français. « Fin 2023, nous avions 434 agents en mobilités externes du ministère, dont huit au sein d’ONG, soit autant qu’à Total », assure-t-il, rappelant que ces mobilités sont « sous le contrôle de la HATVP (NDLR : Haute autorité pour la transparence de la vie publique). « Dans ce cas, pouvez-vous vous engager à faire en sorte que le gouvernement ne donne plus de badges lors de la COP aux lobbies des énergies fossiles et notamment à Total ? », interpelle Yannick Jadot. « Il vaut mieux avoir, dans le cadre des discussions, ceux qui participeront à la solution et doivent transformer le modèle, que de ne pas les avoir », tempère le patron du Quai d’Orsay, assurant néanmoins qu’« il faut être très cohérent et très vigilant pour éviter tout risque de conflit d’intérêt dans le cadre des discussions et négociations.

Défendant la position française, il note que la France est « le seul pays à plaider à la COP28 en faveur d’un calendrier précis pour les énergies fossiles à l’horizon 2050 », tout en étant « pleinement conscient que de tels engagements peuvent aussi heurter la stratégie de développement et de croissance de certains pays ». . A ce propos, il concède que « pour 2024, les négociations climatiques s’annoncent difficiles », tout en rappelant les engagements présidentiels de « six milliards d’euros par an en faveur des pays les plus vulnérables ».

La commission d’enquête reprendra ses travaux en plein essor lundi 29 avril avec l’audition de…. Patrick Pouyané, PDG du groupe.

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