La France a raison de douter du CETA entre le Canada et l’UE

La France a raison de douter du CETA entre le Canada et l’UE
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Gabriel Attal et Justin Trudeau auront beaucoup à se dire lors de la visite du Premier ministre français au Canada du 10 au 12 avril. Si leur rencontre leur permettra d’aborder de nombreux sujets, le rejet du CETA L’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne – présenté par le Sénat français le 21 mars – occupera sûrement une place de choix dans leurs conversations. Ces deux grands défenseurs de l’accord se demanderont sans doute comment le sauver.

Il faut s’inquiéter de ce vote du Sénat français, mais pas pour les raisons évoquées par Trudeau et Attal. L’AECG n’a jamais été ce qu’on attendait de lui, que ce soit du point de vue du gouvernement Harper, qui l’a négocié, ou de celui du gouvernement libéral, qui a jugé nécessaire de le qualifier de « progressiste » sans apporter de changements substantiels au texte. . L’opposition multipartite au CETA en France – des Verts, des communistes, des socialistes et de la droite – est le signe que la démocratie fonctionne bien. Le revers qui en résulte constitue également une occasion bienvenue de réexaminer attentivement l’accord.

Depuis l’entrée en vigueur de l’AECG il y a près de sept ans, le commerce bilatéral de biens et de services entre le Canada et l’UE a augmenté modérément, avec un avantage significatif pour les exportations européennes reflété dans l’excédent commercial croissant de l’Europe. Une grande partie de l’augmentation des exportations canadiennes concerne des produits tels que le pétrole et les minéraux bruts, qui n’étaient pas assujettis à des droits de douane avant l’adoption de l’accord. Un récent rapport de l’Institut Veblen démontre également les effets négatifs du CETA sur l’environnement, puisqu’il augmente, entre autres, les échanges commerciaux dans des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre.

Les importateurs de produits alimentaires canadiens ont rapidement rempli les quotas élargis de l’AECG pour les fromages européens en franchise de droits, empiétant directement sur le marché des producteurs et transformateurs laitiers canadiens. Les subventions fédérales et provinciales accordées aux producteurs laitiers locaux pour compenser ces pertes ont contrebalancé les modestes gains commerciaux que d’autres secteurs ont pu tirer de l’accord.

D’un autre côté, les groupes influents du secteur de la viande et de l’alimentation au Canada, avec le soutien du gouvernement, tentent d’utiliser un système de comités inclus dans l’AECG pour faire pression sur l’UE afin qu’elle autorise les produits carnés canadiens à entrer sur le marché européen sans respecter les règles européennes plus strictes en matière de santé et de bien-être animal. Les règles environnementales du CETA sont faibles et inapplicables, surtout comparées à celles adoptées dans les accords plus récents. La Commission européenne, pour sa part, continue de résister aux demandes des syndicats en faveur d’une application plus stricte des dispositions du traité en matière de travail.

De plus, le Canada et la Commission européenne modifient discrètement les règles d’investissement de l’AECG et étendent le système des tribunaux des investissements afin d’accroître le recours à l’arbitrage international, plutôt qu’aux tribunaux nationaux, pour résoudre les différends entre les investisseurs et l’État. Cette activité est hautement suspecte compte tenu de l’opposition internationale généralisée à ce type d’arbitrage, notamment en Europe.

En Allemagne, entre autres, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le CETA en septembre 2016. La même année, dans un vibrant plaidoyer, l’État belge de Wallonie soulignait à quel point l’accord avait été imposé sans véritable débat démocratique. . Une large coalition d’organisations européennes s’oppose fermement à la mise en place du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (appelé système judiciaire de l’investissement) du CETA. La colère des agriculteurs français a montré combien il était difficile d’imposer des contraintes pour protéger l’environnement dans un contexte de libre-échange.

La décision du Sénat français de ne pas ratifier le CETA n’a pas été prise à la légère. Le vote à une nette majorité (211 voix contre 44) est le résultat d’un véritable débat démocratique sur les problèmes liés à l’accord, et bien plus encore. Les sénateurs ont pris en compte une importante mobilisation citoyenne qui a eu lieu depuis des années dans différents pays européens. Le CETA devra désormais faire l’objet d’un second vote à l’Assemblée nationale française dont le résultat devra être respecté par M. Macron et transmis à la Commission européenne. Si l’accord est à nouveau rejeté, il est possible que l’AECG soit suspendu.

Les gouvernements de Justin Trudeau et d’Emmanuel Macron semblent prêts à ignorer toute cette grogne. Ce serait une erreur politique. Il s’agirait alors d’un nouvel exercice de refonte d’un accord commercial résolument peu progressiste et datant d’une époque révolue. Trudeau et Attal devraient plutôt se demander ce qu’ils peuvent gagner en défendant un accord impopulaire, dont les modestes gains dans quelques secteurs ne suffisent pas à compenser les dégâts causés ailleurs.

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