quand la drogue afflige les petites villes et villages

quand la drogue afflige les petites villes et villages
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Il y a eu le meurtre de Nicolas Des Courtils, dans la nuit du 1er octobre. Une sorte de guet-apens, une réunion organisée et préméditée, où la victime (voir notre édition de lundi) a été frappée puis mortellement blessée à coups d’arme blanche. Pas exactement « une règle » à Marseille mais très vite, les enquêteurs ont compris que le meurtre avait été commis sur fond de trafic de drogue. Preuve en est, c’est dans ce même environnement que les gendarmes ont « mis sur écoute », quelques mois plus tard, mi-février 2024, puis fin mars.

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Au total, entre l’affaire des homicides et l’affaire des stupéfiants qui ont irrigué tout le secteur chalaisais de cannabis mais aussi de drogues dures, ce sont plus d’une quinzaine de personnes, en majorité des jeunes, dont des mineurs, qui ont été placées en garde à vue puis mises en examen. Presque une génération de jeunes Chalaisiens. « Le nombre de personnes directement ou indirectement impliquées dans les stupéfiants à Chalais est ahurissant », analyse Véronique Chabrier, avocate charentaise aguerrie à ce type d’affaires. “C’est extrêmement inquiétant.”

« Petites mains disponibles »

En février, après une enquête approfondie, les gendarmes saisissent un kilo d’héroïne et parviennent à arrêter le gros bonnet de ce trafic. Grégory Raquin, un carnet d’adresses enrichi au cours de sa carrière de délinquant, de fournisseurs majeurs en France, et d’armes, pour se défendre et asseoir son autorité sur les affaires chalaisaises. « C’est plus facile, pour quelqu’un qui a un peu de caractère, de s’installer dans un village comme Chalais qu’à Angoulême ou Soyaux », confie un enquêteur. «Quelqu’un qui fait un peu peur, qui parle un peu, peut régner en maître. » Notamment en étant « calibré ». Ce fut le cas de Grégory Raquin. “Le calibre définit le contexte.” Avec en toile de fond, toujours, la peur de se faire « carotter » par les concurrents. C’est-à-dire se faire voler les biens.

A la campagne, rares sont ceux qui s’enrichissent

Et plus bas? Nous trouvons des revendeurs, chacun avec une dizaine de clients chacun. C’est là, à l’étage des lieutenants, voire des sous-lieutenants, que se dresse le croquis du dealer de campagne local. Sans évoquer ce dossier, Aude de Vallée, la vice-procureure, parle de « personnes qui ont elles-mêmes une consommation et qui ne sont pas incluses. » « Des jeunes inactifs », ajoute Véronique Chabrier. « Des petites mains facilement accessibles », raconte un enquêteur. « L’industrie pharmaceutique génère tellement d’argent que la tentation est grande… », poursuit Véronique Chabrier. Aude de Vallée nuance : « à la campagne, il y en a très peu qui s’enrichissent… » L’argent facile, c’est vrai. Mais la revente sert en réalité à financer la consommation personnelle. « Et désormais, ils ont accès aux trafiquants en quelques clics seulement. Via Telegram, ils peuvent trouver du « travail » dans les stupéfiants », explique Véronique Chabrier. Pour effectuer des livraisons, à Bordeaux par exemple. Ou partez en « voyage » en Espagne et rapportez quelques produits.

Le plus fréquent est de voir des petits commerçants et consommateurs s’approvisionner à Soyaux et Angoulême puis les revendre dans les villages.

En réalité, il n’y a pas d’autre économie que celle des stupéfiants…

Dans le cadre de travaux de recherche, Clément Reversé et Sarah Perrin, deux jeunes sociologues, ont travaillé sur cette thématique, notamment en région charentaise. « Parmi les jeunes que j’ai rencontrés, être trafiquant de drogue n’est pas un métier en soi. Cela vous permet de financer votre propre consommation. C’est ce qu’on appelle l’effet discount. Nous achetons en gros pour nous-mêmes et revendons une autre pièce. Elles devront peut-être aussi faire office de nounou pour gagner un peu d’argent”, explique Clément Reversé. “Des petits indépendants dans le deal”, résume sa collègue Sarah Perrin.

Un cambriolage sur deux est lié à la drogue

Et si de telles entreprises émergent à Chalais et dans plusieurs villages charentais de même taille, c’est parce qu’en bout de chaîne, la demande est forte. Et une consommation toujours croissante. «Je n’arrive pas à l’expliquer», concède Philippe Batel, addictologue à Camille-Claudel. «Mais je le vois. » Le terreau de tout cela est la « paupérisation » de ces centres-villes charentais, comme l’indique le commandant Leveugle, de la compagnie d’Angoulême.

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Chalais, mais aussi Ruffec, Mansle… Des centres-villes pleins de logements vacants. Entreprises fermées. Où sont arrivées des populations précaires. Avoir des problèmes de mobilité.

Véronique Chabrier dresse ce terrible constat. « En réalité, il n’y a pas d’autre économie que celle des stupéfiants… Avant, à Chalais, il y avait l’agriculture, un peu de viticulture. Mais dans les années 2000, il y a eu des primes d’arrachage et les viticulteurs ont cessé leur activité. » Les villes se vidèrent. La pauvreté s’est répandue. Et avec elle, l’héroïne, la cocaïne.

L’oisiveté, l’oisiveté, l’absence d’emplois et de services publics. Et voici des groupes de jeunes qui se rassemblent, « des désocialisés, dans des maisons squattées », illustre Philippe Batel. Consommer, revendre, livrer. Tout cela entraîne bien sûr un fameux « sentiment d’insécurité » et de délinquance. « Un cambriolage sur deux est lié à la drogue », estime un gendarme charentais proche de ces affaires.

« C’est le quotidien d’un toxicomane sérieux, lorsqu’il n’a plus d’argent pour gérer l’affaire de son addiction. Il faut qu’il trouve un moyen de voler quelque chose… En milieu rural, il y a clairement la question de l’isolement qui entre en jeu. Lorsqu’on est en hauteur au cœur de la ville, cela peut créer un malaise social. Mais quand on est à Benaise au bord de la rivière ou à proximité d’un rang de vignes, on a la vie devant soi, au point même de l’avoir derrière soi », conclut Philippe Batel.

 
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