Près de la Manche, de plus en plus de tombes de migrants et une lutte inlassable contre l’oubli

Près de la Manche, de plus en plus de tombes de migrants et une lutte inlassable contre l’oubli
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Yasser, 20 ans, Abubaker, 26 ans, Rola, 7 ans : derrière ces noms sur les tombes, le souvenir d’un visage juvénile et d’une mort violente. A Calais, Mariam Guerey tente de redonner sa part d’humanité à chaque migrant mort en quête de l’Angleterre, mais la liste ne cesse de s’allonger.

Cette salariée du Secours catholique fait partie du « groupe de la mort », un groupe interassociatif constitué en 2017 pour faire respecter au mieux les volontés des exilés décédés, servir d’interface avec leurs familles mais aussi tenter de restaurer une identité. à certains d’éviter les enterrements sous

Une initiative prise face à « l’absence de mobilisation » des autorités, selon les associations.

Yasser, tué par un camion en 2021. « On a sa photo au centre de jour (du Secours catholique). Il était jeune!” Abubaker, renversé par un train en 2022. « Il n’arrêtait pas de prendre des photos. Il avait un frère en Angleterre qui n’a pas pu venir (à ses funérailles) parce qu’il n’avait pas encore de papiers, mais qui est venu l’année dernière.»

Tombes au cimetière de Calais, le 19 décembre 2023 dans le Pas-de-Calais / Denis CHARLET / AFP

Behzad, dont le corps a été rejeté par la mer en 2020. « Il est parti seul, sans rien, à la rame ». Mariam Guerey a réussi à découvrir son identité en parcourant les camps, grâce à la pochette en plastique qu’il portait.

« Il était chiite. La famille nous a dit de mettre un tissu noir sur la tombe et de mettre un gâteau spécial dessus », se souvient-elle.

Les associations dénombrent 404 exilés morts dans cette zone frontalière depuis 1999, sans compter les disparus.

Au cimetière de Calais Nord, la plupart des tombes des migrants sont de simples tas de terre portant des panneaux de bois portant un nom, une année de décès et parfois une année de naissance sur une plaque métallique.

Au fil des années, certains s’aplatissent au point de se fondre presque dans le sol, et les noms s’effacent.

En 2022, le Secours catholique a lancé un appel aux dons pour consolider les tombes, mais seules quelques tombes ont pu bénéficier d’une bordure en ciment.

Les cimetières constituent « le seul lieu de mémoire de la présence des exilés » à Calais, déplore Thibault, un autre membre du groupe de la mort.

Une tombe au cimetière de Calais, le 19 décembre 2023 dans le Pas-de-Calais / Denis CHARLET / AFP

Entourée de galets blancs et décorée de fleurs, la tombe de Salim se démarque des autres.

Son ami Amjad, ancien migrant installé désormais à Calais, le soutient. “C’est important et peu de gens ici y travaillent”, explique le Libyen de 36 ans.

Amjad se rend également aux funérailles lorsque son travail de soudeur le lui permet et commémore la mort de son ami par un repas annuel.

Deux prières

Les exilés, dont beaucoup sont soudanais ou originaires du Moyen-Orient, occupent une grande partie de la place musulmane du cimetière nord, qui est presque pleine.

« La création d’un autre espace confessionnel au sein des cimetières de Calais est à l’étude », indique la mairie.

Tombes au cimetière de Calais, le 19 décembre 2023 dans le Pas-de-Calais / Denis CHARLET / AFP

Sur une autre place musulmane, dans un cimetière de Grande-Synthe, près de Dunkerque, une petite pancarte en peluche a été déposée sur une tombe couverte de tulipes : celle de Rola, une petite fille irakienne de 7 ans, décédée dans un naufrage le 3 Mars.

A Calais, les exilés d’une autre confession ou ceux qui ne sont pas identifiés sont enterrés sur “la place des indigents”, où les tombes sont conservées pendant “cinq ans minimum”, explique la mairie.

Lorsque la religion du défunt est inconnue, « on récite deux prières devant la tombe, une musulmane et une chrétienne », rapporte Mariam Guerey.

Certaines familles parviennent à financer le coûteux rapatriement de la dépouille, comme celui d’un Éthiopien décédé en novembre dernier, mais beaucoup d’autres ne verront jamais la tombe de leur enfant.

Rapatrier un corps en Syrie coûte entre 6 000 et 8 000 euros, explique Mariam Guerey.

Lorsque la famille décide de faire des obsèques en France, le groupe de décès participe au financement des obsèques, avec la communauté concernée.

Si l’inhumation musulmane a généralement lieu très peu de temps après le décès, les délais nécessaires à l’identification officielle de certains corps sont douloureux pour les familles.

L’identification qui auparavant « reposait sur des témoignages, avec des rapprochements de papiers » nécessite « de plus en plus (…) des preuves primaires, comme des tests ADN », allongeant les délais, regrette Thibault.

Sur les cinq morts lors d’un naufrage mi-janvier, trois n’avaient pas encore été enterrés fin mars.

 
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