« Ce que l’État nous propose pour nous protéger est encore plus dangereux que le loup lui-même »

« Ce que l’État nous propose pour nous protéger est encore plus dangereux que le loup lui-même »
Descriptive text here

Quatorze kilomètres. C’est la longueur de la clôture électrique que Bruno Miser devrait installer pour entourer l’ensemble des 115 hectares où paissent ses moutons. ” Le travail d’une vie ! ironise Yohann Sommé, éleveur de moutons à Sévigny-la-Forêt. Si chaque année on arrive déjà à faire 500 mètres, c’est bien. » Au sein du petit groupe d’éleveurs de moutons rassemblés dans la basse-cour de la Miser à Blanchefosse-et-Bay, l’examen des mesures proposées par l’État pour protéger les élevages de loups provoque autant de rires moqueurs que d’accès de colère. Dans un endroit à quelques kilomètres de là, deux moutons ont été retrouvés égorgés par un loup le 30 décembre 2023.

Une attaque qui s’ajoute aux six autres prédations officiellement attribuées aux loups dans le département ces deux dernières années. Coïncidence avec le calendrier, la préfecture travaillait alors sur l’arrêté publié le 5 février qui augmente le nombre de communes éligibles aux mesures d’aides pour se protéger contre les loups. Au total, 37 communes classées zone 2, toutes limitrophes des lieux de prédation, où l’État préconise principalement l’installation de parcs électrifiés et l’achat de chiens (dressage, stérilisation, soins, entretien) pris en charge (plus ou moins intégralement selon le dispositif). ).

Dans les Ardennes, l’élevage est extensif. L’installation de clôtures bouleverserait tout un équilibre selon les professionnels

Inefficace, clament à l’unisson les membres de la fédération des éleveurs de moutons ardennais. ” Une clôture de 1,45 m de haut est la plus haute qui existe, ce n’est rien pour le loup. rétorque Gladys Desprez, qui vit dans la peur de voir les rousses ardennaises qu’elle broute sur les remparts de Rocroi » déchiré » mais aussi ses ânes et son cheval. Des chiens de berger ? Yohann Sommé a un patou. ” Et c’est malheureux à dire, mais je le regrette. J’ai d’énormes problèmes avec les voisins. On l’entend à 400 m autour des prés. »

Mais c’est l’installation de clôtures électrifiées qui concentre leurs critiques. Impossible de clôturer toutes les parcelles, cette solution serait même préjudiciable à leurs méthodes agricoles. ” Ici, les animaux sont dehors. Nous utilisons un élevage extensif adapté à nos paysages et à nos animaux sélectionnés pour cela. Nous pratiquons le pâturage mixte, avec des bovins, ce qui nous permet d’améliorer la qualité de nos herbes et d’éviter tout traitement. Nous disposons également de marqueurs, d’espèces identifiées, dont la présence est contrôlée. Tout est connecté. Mettre des clôtures, c’est réduire la surface, ça déséquilibre tout. Ce que nous propose l’État, c’est la mort de l’élevage dans les Ardennes. »

Le cheptel ardennais divisé par deux en 15 ans

Et Yohann Sommé d’ajouter : « Nous sommes également en pâturage tournant, ce qui permet de réduire la pression parasitaire. Le mouton est une race très sensible à une mortalité importante car il a été sélectionné pour sa productivité et non pour sa résistance. Garer nos animaux ici n’est pas possible. En montagne, c’est un autre type d’élevage. Ils les regroupent et installent l’enclos le soir. En fait, c’est la mort de l’élevage ovin dans les Ardennes. Il s’agit cependant d’un élevage local, écologique et de qualité. Ce que l’État nous propose pour nous protéger du loup est encore plus dangereux que le loup lui-même. » La préfecture n’a pas répondu sur ces points précis. ” Des filets de protection électrifiés sont mis à disposition, elle dit. Jusqu’à présent, aucune demande d’utilisation de cet équipement n’a été formulée. »

Comme sa fédération nationale, la branche ardennaise réclame le droit au tir défensif et la déclassification du loup. ” On estime qu’il y a 1 200 individus en France, mais le seuil de viabilité de l’espèce est de 500 individus. », abondent-ils. Même assouplies, les Ardennes ne remplissent pas les conditions cumulatives autorisant une chasse exceptionnelle au loup, précise la préfecture.

A plusieurs reprises, ces éleveurs expriment leur crainte de voir leurs animaux attaqués voire de se retrouver nez à nez avec l’animal. ” Les gars de l’OFB (l’Office français de la biodiversité, NDLR)ils portent une arme à feu ! », glisse Mmoi Desprez. ” Les gens ne s’en rendent pas compte. Il existe un fantasme du loup entretenu par les écologistes… Mais ont-ils déjà vu des moutons, voire des chevaux, abattus ? Et le stress des animaux ? demande M. Miser. Même le bétail vous connaissez, quand le troupeau est dispersé avec l’intrusion d’un loup et qu’ils franchissent la fameuse clôture pour s’échapper et se retrouvent sur la route… Des accidents, vous verrez. Et là, nous discuterons. »

Si les Ardennes comptent 490 propriétaires de moutons, il n’y a en réalité que 160 éleveurs professionnels. Une goutte d’eau dans l’océan parmi les 2 600 fermes ardennaises. Se sentant isolés, ils tentent de se mobiliser. En début d’année, ils ont commencé à diffuser sur les réseaux sociaux tous les potentiels signalements et observations de loups sur le territoire avant… de s’arrêter net dans leur élan. ” Nous avons eu des commentaires tellement accusateurs sous les posts », déplore M. Miser.

Du côté des autorités, même si trois intercommunalités ont voté des motions appuyant leurs revendications, des contacts ont été pris avec des élus mais sans déboucher sur des prises de position publiques majeures. ” Sujet sensible, » acquiesce un élu du Département. Même s’il y a eu la crise des agriculteurs et que les élections européennes commencent, l’opinion reste divisée avec une volonté croissante de préserver l’environnement et la faune. » Un autre ajoute : « Et nous venons tout juste de sortir du raid sur la forêt primaire, alors recommençons. Il ne faut pas paraître trop antiécologique. »

C’est auprès de l’Etat que les éleveurs tentent de se faire entendre. ” Le préfet a déjà annulé nos rendez-vous à deux reprises. ” Encore ” la cellule demontre de loup» (a été réactivé) en 2024 afin de mobiliser les outils et moyens prévus par le plan national loup », nous a indiqué la préfecture qui n’a pas donné suite. ” Le loup est en mouvement, personne ne se rend compte de ce qui va se passer. Et il sera trop tard pour tout le monde et pour nous », prédit M. Miser. En 2008, l’élevage ovin comptait 40 000 têtes contre 25 000 aujourd’hui.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV L’Algérie boycotte le Championnat d’Afrique de gymnastique au Maroc
NEXT Dejaegere, Chaïbi, Rouault… Que sont devenus les héros qui ont quitté le club ? – .