La politique de la Banque Nationale de Belgique : Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais…

AVIS : ÉTRANGE PRATIQUE DE LA BANQUE NATIONALE

La politique de la Banque Nationale de Belgique : Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais…

Publié le Jeudi 28 mars 2024 à 21h04 | Temps de lecture estimé : 5 min.

Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale (BNB), photographié lors d’une conférence de presse de la banque des banques. BELGA

Le lecteur intéressé par la publication du rapport annuel 2023 de la Banque Nationale aura certainement eu son attention attirée sur les éléments suivants. Prenons le temps de lire les comptes annuels, établis au 31/12/2023 selon un plan propre à la Banque Nationale, qu’elle vient de publier sur son site Internet. Notons d’emblée que le total du bilan de notre Banque a baissé de 15,5%, soit 52,6 milliards d’euros, passant de 339 milliards à 286,4 milliards. Cet affaiblissement considérable des actifs, actifs détenus par la Banque, est dû principalement à la baisse des octrois de crédits à long terme (-40 milliards) et à la baisse de son portefeuille-titres (-8,3 milliards). Au 31/12/2023, la Banque détient un portefeuille de titres de 238,1 milliards, dont 17 milliards pour compte propre et 221,1 milliards à des fins de politique monétaire.

Il n’est pas habituel de lire une perte de 3,4 milliards à l’actif du bilan. Comme si cette perte considérable était un atout ! De nombreuses entreprises en difficulté souhaiteraient « bénéficier » de tels actifs.

Si l’on compte cette perte comme une réduction des fonds propres, cela porte la baisse des actifs de BNB à 55 milliards par rapport à 2022.

Pourquoi la perte de 3,4 milliards en 2023 n’est-elle pas incluse dans la réduction des fonds propres de la Banque ? Encore une chose étrange.

La perte pour 2022 s’élève à 580 millions et figurait également à l’actif du bilan de la BNB au 31/12/2022. Mais dans les comptes 2023, cette perte de 2022 est clairement enregistrée en diminution des fonds propres de la Banque (et non en 2022).

Des fonds propres accrocheurs

Les fonds propres de la Banque pour 2023 s’élèvent à 6,837 millions, soit une diminution de 580 millions par prélèvement sur la réserve disponible en 2023. Mais pour quelles raisons la Banque ne diminue-t-elle pas ses fonds propres à partir de la perte réalisée en 2023 de 3,370 millions, comme n’importe quelle entreprise ?

Les fonds propres de la Banque nationale au 31/12/2023 ne s’élèveraient pas à 6,8 milliards, mais à 3,4 milliards, soit 50% de moins.

De cette façon, les fonds propres de la Banque Nationale au 31/12/2023 ne seraient pas de 6,8 milliards, mais de 3,4 milliards, soit 50% de moins. Les fonds propres de la Banque pourraient rapidement passer au rouge.

Et la Banque signale qu’elle estime le niveau minimum des réserves à 7,5 milliards, mais qu’à moyen terme elle souhaiterait un niveau de 13,6 milliards. Fin 2023, il manque déjà 4 milliards de réserves à la Banque par rapport au niveau minimum estimé.

Réduction du portefeuille

En conséquence directe, la Banque devra réduire la taille de son portefeuille de titres statutaires (calculé à partir de la somme du capital, des réserves et des comptes d’amortissement) de 6,4 milliards à 3 milliards. Ce portefeuille statutaire fait partie du portefeuille de titres que possède la Banque, qui s’élève à 17 milliards. On voit donc l’impact de 20% provoqué par cette perte en 2023.

Par ailleurs, la BNB note que si elle avait vendu la totalité de son portefeuille de titres (17 milliards), elle aurait dû prendre des mesures une perte supplémentaire de 513 millions (voir page 178 du Rapport Société), soit 3,02% de la valeur de son propre portefeuille. Il n’a donc enregistré aucune réduction de valeur au 31/12/2023, alors même que le droit comptable le recommande !

Curieusement aussi, le lecteur ne peut identifier aucune dépréciation enregistrée sur le portefeuille de titres détenus à des fins de politique monétaire qui atteint 221 milliards. Imaginons le même impact de 3,02% sur ce portefeuille, cela générerait une réduction supplémentaire en valeur de 6,7 milliards !

D’où viennent les pertes du BNB ?

Mais d’où viennent ces pertes si elles ne proviennent pas de réductions de valeur ? La charge astronomique des intérêts payés aux banques et organismes financiers qui déposent leur argent à la Banque Nationale pendant 24 heures au taux de 4% sur les 4 derniers mois de 2023. La Banque a ainsi versé 8,2 milliards à ces organismes (qui ont déposé 250 milliards , ce qui donne un taux moyen de 3,3% – page 233 du rapport de l’entreprise) en 2023. Elle n’a collecté que 4,9 milliards de produits financiers (dont 1,8 milliard, soit 0,8 % d’intérêts sur le portefeuille de titres moyen de 227 milliards, 1,1 milliard de produits sur les créances nettes de la BCE – page 232 du rapport de la société).

Les établissements de crédit belges déposaient ainsi leurs liquidités excédentaires dans des facilités de dépôt à la Banque Nationale, et étaient rémunérés à 3,3% tandis que les titulaires de comptes d’épargne pleuraient pour recevoir un peu plus de ‘1%. De là à déduire que la Banque Nationale a favorisé les établissements de crédit belges au détriment des épargnants, il n’y a qu’un pas que le manque de transparence des comptes nous empêche de franchir.

Augmentation des frais de personnel

Au vu des pertes enregistrées, on ne manquera pas d’être surpris par l’augmentation du Dépenses personnelles qui passe de 320 millions fin 2022 à 451 millions à fin 2023soit en hausse de 131 millions, soit + 41% sur une seule année. La note 31 du rapport sur les comptes indique queune dotation non récurrente de 108,9 millions au fonds de financement du régime de retraite à prestations définies dont bénéficie une partie du personnel a été enregistré, afin de couvrir l’impact de la forte hausse de l’inflation en 2022 « . (page 237 du rapport d’entreprise). Le résultat est si bon que la Banque n’hésite pas à empirer les choses en drainant 109 millions d’euros pour financer les obligations liées aux retraites à prestations définies.

Compte tenu des pertes réalisées, on ne manquera pas d’être surpris par la hausse des dépenses de personnel qui passent de 320 millions fin 2022 à 451 millions fin 2023.

Au vu du bilan social qui indique un effectif moyen de 1 665 salariés à temps plein et 332 salariés à temps partiel, les frais de personnel représentent un coût de personnel moyen de 232 000 euros par personne, faut-il le noter !

Quelles conclusions ?

Quelles conclusions tirer de ce rapport d’entreprise de la Banque Nationale publié le 27/03/2024 ?

  • La Banque applique ses propres règles et n’applique pas les règles comptables applicables à toutes les autres sociétés belges.
  • Les fonds propres de la Banque ont chuté de 50% en 2023 sans avoir enregistré la moindre baisse de valeur sur son portefeuille. Elle informe le lecteur que ses réserves minimales doivent être de 7,5 milliards et qu’il ne lui en reste déjà que 3,4 milliards, soit moins de la moitié.
  • Le rapport de la Banque détaille, sur 6 pages, les risques auxquels la Banque peut être confrontée. Cela ne l’empêche pas d’afficher une perte abyssale de 3,4 milliards, un montant astronomique, et de verser plus de 100 millions à sa caisse de retraite. Aurait-elle autorisé une telle dépense à une entreprise pour laquelle la Banque assure la surveillance prudentielle ?

« Faites ce que je dis mais pas ce que je fais », telle est clairement la nouvelle devise de la soi-disant Banque Nationale !

Patrick Henri
Ancien directeur financier d’un grand groupe

Très intéressant également à traiter :

En Belgique, l’affaire Euroclear a attiré l’attention dans le contexte des sanctions financières prises contre la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, à la suite desquelles Euroclear s’est retrouvée avec le gel des avoirs russes. Elle a commencé à placer les fonds provenant de ces actifs (collectés lors de l’encaissement des coupons ou des remboursements à l’échéance des titres) dans la facilité de dépôt de la Banque. La Banque rémunère ces réserves au taux de la facilité de dépôt mais, in fine, elle n’assume qu’une faible partie de cette rémunération car cette dernière est partagée au niveau de l’Eurosystème. Plus précisément, chaque banque centrale supporte une part des charges globales de l’Eurosystème proportionnelle à sa part dans la clé de répartition du capital (soit 3,61% dans le cas de la Banque nationale). (page 85 du rapport).

En réalité, les intérêts produits par les avoirs russes gelés sont déposés à la BNB et sont rémunérés au taux de 3,3% en 2023 par les Banques Centrales.

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