La discrimination par accent, un point aveugle dans les actions contre le racisme

La discrimination par accent, un point aveugle dans les actions contre le racisme
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La Semaine d’action contre le racisme et pour l’égalité des chances (SACR), qui se déroule jusqu’au 31 mars, a pour objectif principal de prévenir et combattre les exclusions fondées notamment sur la couleur et l’origine de la peau. ethnique ou nationale. Le SACR vise également à mettre en lumière certaines problématiques afin de sensibiliser les gouvernements et les institutions afin de trouver des solutions. Mais un problème lié à ces problèmes passe souvent inaperçu : la discrimination par accent.

Notre accent provient de notre milieu socio-économique, de notre environnement linguistique et culturel et de notre éducation. C’est pourquoi les gens ont tendance à nous attribuer toutes sortes de caractéristiques uniquement en fonction de la façon dont nous nous exprimons. Communément, on dira que la personne qui a un accent différent du nôtre a un accent, comme s’il y avait soi-disant une prononciation sans accent et une autre avec accent. Mais ne vous y trompez pas : nous avons tous un accent.

L’accent est parfois stigmatisé dans la société et peut souffrir de représentations biaisées. Si certains ont des préjugés négatifs, d’autres trouvent cela charmant. Le son de l’italien est souvent considéré comme romantique. En revanche, dans l’imaginaire collectif, les langues russe et allemande peuvent être perçues comme menaçantes, notamment pour des raisons socio-politiques ou historiques.

Des représentations biaisées existent également au sein d’une même langue. C’est le cas du français : le français de France est souvent considéré comme le modèle « standard », et toutes les autres variétés comme des dérivés. Souvenons-nous du tollé qui a suivi l’adaptation française du podcast canadien Seul, une histoire d’amourpour lequel CBC Podcasts a préféré les services d’un studio parisien plutôt que l’expertise locale, notamment parce que l’accent québécois aurait moins de potentiel international.

Lorsqu’on rencontre d’autres groupes distincts, il est possible de prendre un autre accent, par mimétisme, par choix ou par exposition prolongée. Peut-être avez-vous remarqué que vous « retrouvez votre accent » lorsque vous revenez dans votre ville natale ? La pression sociale peut également faire changer les accents au fil du temps. De nombreuses personnes changent naturellement d’accent en fonction de l’image qu’elles souhaitent projeter, pour tenter de compenser l’insécurité linguistique qu’elles ressentent. Parfois, les gens ont tellement honte de leur accent qu’ils veulent l’éliminer.

La propension à vouloir changer d’accent, notamment pour des raisons professionnelles, s’explique certainement par le fait, étayé par de nombreuses études scientifiques, que les accents étrangers peuvent donner lieu à des jugements défavorables. Des études révèlent que les experts qui parlent avec un accent étranger sont jugés moins crédibles. En général, les gens ont un préjugé favorable envers les personnes ayant des antécédents linguistiques et culturels similaires aux leurs. Si une personne parle avec un accent étranger, son interlocuteur aura tendance à juger ses propos avec moins d’assurance que s’il s’agissait d’une personne de son propre groupe de référence.

D’autres études révèlent également que l’accent de notre interlocuteur peut influencer notre réponse empathique à son égard. Ces phénomènes font référence à l’accentisme, une forme de discrimination basée sur l’accent. Nous connaissons bien la notion de minorité visible, mais moins celle de minorité audible. Notre cerveau est sensible à la différence. Les accents ne font pas exception, ils sont porteurs de préjugés inconscients.

Les personnes qui utilisent les services de modification d’accent le font souvent pour gravir les échelons de leur carrière ou améliorer leur compétitivité lors des entretiens d’embauche. Les employeurs recherchent un candidat qui possède un « français parfait », mais confondent la grammaire et la qualité du français en termes d’accent et créent ainsi une barrière à l’emploi pour les accents « non standards ».

Les entreprises qui exploitent des centres d’appels utilisent l’intelligence artificielle pour transformer en temps réel l’accent de leurs employés afin qu’il s’adapte à celui de la personne à l’autre bout du fil. Ce n’est pas de la science-fiction. C’est le cas de Sanas AI, une entreprise californienne dont la technologie permet de modifier le son d’un haut-parleur afin de masquer les accents des salariés. Même si l’objectif est de réduire les discriminations et de faire en sorte que l’interlocuteur ait envie d’engager la conversation avec le salarié, il n’en reste pas moins que c’est la diversité qui disparaît. Cela aboutit à une déshumanisation.

Les médias ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration d’une « norme » pour les accents. Certains accents sont moins présents, voire absents. Avez-vous déjà entendu une publicité à la télévision ou à la radio en français parlée avec un accent espagnol ou haïtien ? Lorsqu’on entend un accent autre que celui auquel on est habitué, c’est souvent dans un contexte stéréotypé.

Des œuvres cinématographiques comme Panthère noire, à travers lesquels l’accent africain n’est plus caricatural, redonnent de l’espoir. J’ai la profonde conviction que si nous entendions une plus grande variété de voix et d’accents dans l’espace public, nos oreilles s’y habitueraient et nos préjugés diminueraient. La diversité que nous voyons dans nos milieux scolaires ne se reflète pas pleinement sur scène, à la télévision, au cinéma ou à la radio. À quand une normalisation de l’usage des divers accents dans les médias et une représentation plus juste des minorités audibles ?

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