L’heure de la retraite est venue pour l’horloger du Parlement

(Québec) Après 43 années de service comme maître horloger du Parlement, l’heure de la retraite est arrivée pour André Viger. Au cours des prochaines semaines, il transmettra à ses successeurs ses connaissances approfondies sur les 23 horloges mécaniques, vieilles de plus d’un siècle, de l’Assemblée nationale, qui marquent minutieusement le temps qui s’écoule pour chaque gouvernement successif au Québec.


Publié à 1h56

Mis à jour à 5h00

Nous avons d’abord été prévenus : pour l’entretien, le rendez-vous était fixé à midi pile dans le hall, et l’homme serait à l’heure. Ce fut le cas. Durant toute sa carrière à s’occuper des horloges parlementaires, M. Viger n’a jamais manqué une semaine de travail. Il effectuait bien sûr quelques sorties de pêche et de chasse chaque année, mais il veillait à ne pas partir plus d’une semaine, histoire de pouvoir faire sa tournée.

«Dès que je sais qu’il y a un remplaçant, j’en suis soulagé. Mais j’ai dit à mon patron que je pouvais revenir s’il y avait quelque chose”, explique le passionné de 81 ans, pour qui la “retraite” est avant tout un “réaménagement du travail”.

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PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

André Viger vérifie le mécanisme de l’horloge de la tour du Parlement.

Sur le parquet qui sépare les tribunes du Salon bleu et du Salon rouge, M. Viger se glisse derrière une porte qui l’emmène là où il monte chaque mardi, vers la tour de l’horloge du Parlement. A mi-chemin du sommet se trouve le vieux mécanisme, vieux de 143 ans, qu’il huile soigneusement pour que les pièces ne se cassent pas.

Chaque fois qu’il traverse le Parlement, M. Viger le fait en marchant à son rythme, mais surtout, sans jamais prendre l’ascenseur. Au total, il gravit plus de 700 marches chaque semaine, « peut-être même plus ! », s’exclame-t-il.

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André Viger gravit plus de 700 marches chaque semaine.

N’empêchez jamais un vieil homme de faire ce dont il est capable, sinon il rouillerait trop vite.

André Viger

L’horloge, fabriquée aux États-Unis, est en excellent état, poursuit-il.

« Son énergie est d’un poids de 300 livres pour faire fonctionner les aiguilles et de 800 livres pour faire fonctionner la cloche. Le câble monte quatre étages plus haut et je viens le remonter une fois par semaine. C’est cette gravité qui pousse sur les roues, qui poussent sur mon balancier », explique-t-il justement.

La genèse d’une passion

Même s’il est sans aucun doute passionné par son métier, M. Viger n’était pas prédestiné à devenir maître horloger. Dans sa jeunesse, après avoir pris une année sabbatique à la fin de ses 11e Année après année, il travaille dans des restaurants, comme au Château Frontenac et au Palais Montcalm, puis comme barman chez Gérard ou chez Lafayette, dans la basse-ville.

« J’ai adoré, mais à un moment donné, je me suis dit qu’il fallait que je pense à mon avenir », se souvient-il.

Il voit alors une annonce pour suivre des cours à l’école d’horlogerie de Montréal. Ayant économisé beaucoup d’argent, il se dit qu’il doit saisir l’occasion et faire le saut vers la grande ville pour apprendre un métier qu’il n’a jamais quitté.

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André Viger devant la mécanique de l’horloge de la tour du Parlement

Depuis ses débuts dans une bijouterie, où son patron lui a rapidement fait confiance et l’a encouragé à suivre ses cours de maîtrise en horlogerie, M. Viger n’a jamais cessé de manipuler le temps et tout ce qui le mesure.

Un jour, il y a 43 ans, la bijouterie où il travaillait avec un patron européen, qui connaissait de vieilles mécaniques, reçut un appel de l’Assemblée nationale. Une horloge du bureau du président ne fonctionnait plus et les maîtres horlogers de la ville n’avaient pas les pièces nécessaires pour la réparer. On a alors demandé à M. Viger d’aller au Parlement et de trouver une solution au problème, ce qu’il a fait.

«Je leur ai dit qu’ils gagneraient à ce qu’un horloger vienne une fois par semaine pour les huiler et les maintenir propres», raconte-t-il. Sans le savoir, il venait de négocier un contrat qui le suivrait pour le reste de sa vie professionnelle.

Retour à l’atelier

Au cours des prochaines semaines, André Viger rencontrera les trois hommes qui lui succéderont pour entretenir les horloges. Il veut leur montrer sa routine, mais il ne s’inquiète pas pour eux.

« Le plus dur, c’est de ne pas s’égarer. Il m’a fallu trois semaines pour pouvoir faire mon travail sans me perdre », raconte-t-il.

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André Viger lors de sa tournée dans la tour du Parlement

Les vieilles horloges du Parlement, aussi anciennes soient-elles, sont très fiables, ajoute-t-il. «C’est beaucoup plus facile à réparer que les neuves», affirme celui qui ne porte certainement pas de montre électronique au poignet.

Chez lui, dans son atelier, André Viger poursuivra son travail pour les clients qui lui font confiance. Il prend également soin des objets de collection qu’il a amassés tout au long de sa vie. « Si j’avais acheté tout ce que je voulais, je n’aurais même pas d’argent pour ma pension, c’est aussi simple que ça », dit-il.

Mais pour savoir quelle heure il est, M. Viger passera encore régulièrement devant la tour du Parlement, pour regarder les aiguilles de l’horloge qu’il chouchoute depuis près d’un demi-siècle.

 
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