Ces méthodes extrêmes contre le trafic de drogue auxquelles nous avons échappé (pour l’instant)

Ces méthodes extrêmes contre le trafic de drogue auxquelles nous avons échappé (pour l’instant)
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« La drogue, c’est de la merde. » Depuis son arrivée place Beauvau, Richard Nix… Gérald Darmanin, désolé, n’a jamais caché son aversion pour les stupéfiants. Et depuis quelques semaines, la haute police française a décidé de passer à la vitesse supérieure en lançant ses opérations « Carré du filet XXL ». Des dizaines de milliers de policiers et gendarmes sont mobilisés pour « démanteler l’ensemble des points de deal », jusqu’aux « têtes de réseaux ». Avec un bilan très mitigé : 2,5 kg de cannabis et d’héroïne saisis dans le Nord, 22 kg de stupéfiants saisis à Marseille, 496 arrestations dans tout le pays…

Le ministre de l’Intérieur, qui a renoncé à écouter les parlementaires qui travaillaient sur le sujet, a récemment eu une nouvelle idée pour s’en prendre aux consommateurs. “Je vais demander au Parlement, et je demande aux Français de comprendre, qu’on puisse faire tester sur la voie publique les personnes qui consomment des drogues.” Objectif : obliger les consommateurs « à changer de comportement » car, estime-t-il, « ce sont eux qui créent ce trafic de drogue ».

La répression ne parvenant pas à éradiquer le trafic de drogue, Gérald Darmanin prône davantage de répression. Et s’il intensifiait encore son jeu, comme le font d’autres dirigeants à l’étranger… ou dans la fiction. Avec quels résultats ? Des Philippines à Mega-City One, petit tour d’horizon des méthodes auxquelles la France a échappé (pour le moment).

Tolérance zéro au Japon

Le 2 février, Gérald Darmanin s’est entretenu avec l’ambassadeur du Japon en France, Makita Shimokawa. « Nous avons discuté ensemble de la coopération policière internationale, des problématiques spécifiques à la région Indo-Pacifique ainsi que des Jeux de Paris 2024 », a ensuite tweeté le ministre de l’Intérieur. Son hôte lui a-t-il donné, à cette occasion, quelques astuces pour chasser les fumeurs de pétards ? Car au pays du soleil levant, on ne plaisante pas avec le cannabis. C’est la tolérance zéro. La possession de ce produit, “même en très petite quantité, peut entraîner une lourde peine : plusieurs mois de détention pour quelques grammes de cannabis, plusieurs années pour des quantités plus importantes”, prévient le Quai d’Orsay sur son site.

La rigueur du Japon en matière de cannabis remonte à la période d’occupation américaine du pays après la Seconde Guerre mondiale. En juillet 1948, la Cannabis Control Act, interdisant la possession ou la culture du chanvre, fut adoptée. Depuis, les sanctions ont encore été renforcées, les consommateurs ou détenteurs de ce produit risquant désormais jusqu’à sept ans d’emprisonnement. « Le condamné est transféré dans une prison et soumis pendant toute la durée de sa peine à des règles disciplinaires très strictes selon les standards occidentaux », prévient le ministère français des Affaires étrangères. Personne n’est épargné, pas même les célébrités. L’ancienne actrice Saya Takagi a été condamnée en 2017 à trois ans de prison, dont un an, après avoir été arrêtée en possession de 55 grammes d’herbe à son domicile.

Est-ce que ça marche ?

Oui et non. On ne va pas se mentir, la perspective de jouer Carlos Ghosn dans une prison japonaise a de quoi dissuader la plupart des consommateurs de ganja. Seuls 1,4% des Japonais déclarent avoir déjà essayé le cannabis, selon le ministère japonais de la Santé, contre plus de 40% des Français et environ 50% des Américains. Pourtant, les arrestations liées au cannabis sont en augmentation depuis près de dix ans. Un record a même été atteint en 2023 : 6.482 personnes ont été soupçonnées par la police d’avoir possédé ou cultivé du cannabis, rapporte la NHK. La télévision nationale précise qu’il s’agit du chiffre le plus élevé depuis que les autorités ont commencé à compiler des données en 1958. Les autorités japonaises constatent une augmentation de la consommation de cannabis dans tout le pays, notamment chez les jeunes.

La guerre impitoyable des Philippines

Éradiquer le trafic de drogue en tuant des dizaines de milliers de trafiquants et d’utilisateurs. L’ancien président philippin Rodrigo Duterte, élu en 2016, en a fait une promesse de campagne. « Hitler a massacré trois millions de Juifs. Eh bien, il y a trois millions de toxicomanes ici. Je serais heureux de les massacrer», a-t-il déclaré sans filtre quatre mois après son arrivée au pouvoir, lors d’une conférence de presse. À plusieurs reprises, cet avocat populiste a même publiquement incité les citoyens à s’en prendre aux trafiquants ou aux toxicomanes. « Faites-le vous-même si vous trouvez une arme, vous avez mon soutien », « oubliez les lois sur les droits de l’homme ! » » Ce père de quatre enfants a même assuré qu’il n’hésiterait pas à tuer ses fils et sa fille s’il apprenait qu’ils se droguaient.

Dans les jours qui ont suivi son élection, des milliers de personnes ont été abattues par la police. En 2018, Rodrigo Duterte a également admis avoir eu recours aux exécutions extrajudiciaires dans sa lutte contre la drogue. Selon les données officielles, au moins 6 181 personnes ont été tuées au cours de plus de 200 000 opérations antidrogue menées. Un chiffre largement sous-estimé selon la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête en 2021 pour crimes contre l’humanité. Les procureurs de la CPI estiment le nombre de morts entre 12 000 et 30 000. Et comme le souligne l’ONG Human Right Watch, « les exécutions par la police dans le cadre de la guerre contre la drogue n’ont pas cessé depuis l’arrivée au pouvoir du (nouveau) président Ferdinand Marcos Jr. ».

Est-ce que ça marche ?

Selon les statistiques officielles, en 2015, les Philippines comptaient 1,8 million de consommateurs de drogue. Quatre ans plus tard, ils n’étaient plus que 1,67 million. Et en 2021, 1 225 683, soit environ 500 000 de moins depuis le début de cette guerre. Une goutte qui a le goût du sang.

Juge Dredd (serrures)

En France, fumer un joint peut coûter cher. Au moins 200 euros. Depuis 2020, les forces de l’ordre qui contrôlent une personne en possession d’une petite quantité de cannabis peuvent la sanctionner en lui infligeant une amende forfaitaire pénale (AFD). Particularité du système : il n’y a pas de procès, mais l’infraction est inscrite au casier judiciaire. La procédure a été vivement critiquée, notamment par le Défenseur des droits. Dans une décision publiée en mai 2023, elle a estimé que « le forfait des infractions prive l’usager de l’accès à la justice ». Claire Hédon rappelle que « l’AFD déroge à plusieurs principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale », comme « le droit d’accès au juge », « les droits de la défense » ou encore « le principe d’individualisation des peines ».

Mais Gérald Darmanin pourrait aller plus loin et donner davantage de pouvoirs à la police. Pour cela, il pourrait s’inspirer de la bande dessinée et (surtout) du film Juge Dredd. Dans ce chef-d’œuvre du cinéma des années 1990, le personnage incarné par Sylvester Stallone est à la fois policier, juge et bourreau. Concentrant tous les pouvoirs, il est chargé, avec ses collègues juges, de remettre de l’ordre dans Mega-City One, une ville de 65 millions d’habitants en proie à la criminalité. Dans ce monde post-apocalyptique futuriste, les délinquants sont jugés sur place et, souvent, condamnés à mort et exécutés immédiatement.

Pouvait-on alors voir, un jour, un policier lourdement armé arriver sur une moto volante à un point de deal et dire aux clients qui attendaient : « Je suis la loi et je vais vous arrêter, jeter vos pétards et me préparer à être jugé » ? Pour le moment, le Conseil constitutionnel veille toujours au respect du principe de séparation des trois pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire. Et le Conseil de l’Europe ne serait probablement pas d’accord.

Est-ce que ça marche ?

Vu la tourmente qui règne à Mega-City One, on peut dire non. D’ailleurs, dans le film, les juges qui composent le Haut Conseil – l’organe qui gouverne la ville – sont quasiment unanimes. « La violence dans notre ville augmente au rythme trimestriel de 15 % », s’alarme l’un d’eux. Marseille, à côté, c’est Neuilly-sur-Seine.

« Cette ville est un cloaque d’anarchie. Pour rétablir l’ordre, il faut le battre avec un gourdin. L’emprisonnement n’a plus d’effet dissuasif. Élargissons le champ de la peine capitale à tous les délits considérés comme mineurs », suggère l’un de ses collègues. Refus catégorique du juge suprême.

 
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