Bassirou Diomaye Faye, élu dès le premier tour dimanche 24 mars, devrait prendre ses fonctions le 3 avril. Avec un programme disruptif pour tenter de relever d’immenses défis comme l’alimentation, la dette et l’emploi.
La souveraineté alimentaire est en tête du programme économique du nouveau président élu du Sénégal. Une priorité qu’approuve Meissa Babou, enseignante-chercheuse à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. ” Il faut rompre avec le modèle actuel de notre économie, qui est un modèle d’importation, avec ce que cela nous coûte en devises. Parce que nous importons tout ce que nous mangeons, des oignons au riz en passant par les pommes de terre. »
Huit pôles agro-industriels régionaux
Dans cette même perspective, ajoute-t-il, « il faut immédiatement penser à rompre les contrats de pêche léonine « . L’économiste salue le projet de Bassirou Diomaye Faye de décaler la zone de pêche de 20 km, au profit des pêcheurs sénégalais.
La région de Dakar concentre encore 80 % des investissements publics, déplore Chérif Sy, ancien professeur à l’École nationale d’économie appliquée. Ce dernier voit donc d’un bon œil le projet de décentralisation économique de la nouvelle équipe. Huit pôles agro-industriels régionaux devraient être créés, précise Cheikh Fatma Diop, auteur de l’ex-programme Pastef, pour permettre l’implantation d’entreprises, notamment de PME et PMI, « exploiter les ressources autour de l’arachide au centre, autour des fruits et légumes au sud, autour des produits de la pêche sur le littoral « . Il s’agit aussi de « permettre aux jeunes d’accéder au maximum d’opportunités grâce à l’industrialisation, et parvenir à une valorisation totale du secteur primaire « .
Renégocier la dette et les contrats de pêche et de gaz
Pour retrouver le confort budgétaire, l’équipe du nouveau président envisage de renégocier la dette sénégalaise, » sur le modèle de la Zambie ou du Ghana « . Et de récupérer des ressources fiscales en supprimant les exonérations et en élargissant la très petite assiette fiscale.
Elle ne s’abstiendra pas non plus de revoir les contrats signés, y compris dans le gaz. ” Par définition, tout contrat signé dans des conditions non optimales pourrait être réviséindique l’inspirateur du programme, Cheikh Fatma Diop. Ce sont des pratiques internationales connues. »
Rectification sur la devise future
En revanche, Bassirou Diomaye Faye a publiquement rectifié le tir en annonçant, aux côtés d’Ousmane Sonko, qu’il soutiendrait la future monnaie ouest-africaine en remplacement du franc CFA, avant d’envisager la création d’une monnaie sénégalaise. ” Ce sont des corrections rassurantesjuge l’économiste Chérif Sy. Ils précisent aujourd’hui qu’ils lutteront pour l’émergence de la monnaie de la CEDEAO… Si le Sénégal sortait de la zone monétaire, ce serait sa disparition immédiate, avec des effets désastreux sur les pays voisins. »
Il est possible d’orienter l’économie vers la satisfaction de besoins internes essentiels – infrastructures, alimentation, éducation –, juge l’économiste, sans provoquer « maladroitement » la fuite des capitaux ou celle des investisseurs extérieurs.
Ecoutez aussiElection présidentielle au Sénégal : décryptage de la victoire de Bassirou Diomaye Faye