Une plaignante obligée de payer pour la défense de son agresseur

Une plaignante obligée de payer pour la défense de son agresseur
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Le procès de Christian Lachance, 52 ans, s’est tenu une semaine plus tôt en mars, au palais de justice de Québec. Une autre semaine du mois d’avril sera consacrée à la présentation de sa défense.

Le plaignant et plusieurs témoins ont déjà été entendus, donnant leur version des faits de cette soirée ivre. Lachance se serait rendu dans une chambre d’amis, où dormait sa collègue après avoir trop bu, pour avoir de longues relations sexuelles avec elle, sans consentement, en août 2021.

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Christian Lachance et son avocat, Me Charles Levasseur
(Jocelyn Riendeau/Archives Le Soleil)

La Fraternité des policiers de Québec a mis sur pied un fonds d’aide et d’assistance juridique pour ses membres accusés d’infractions criminelles. À partir de leur paie, les membres paient donc un montant supplémentaire, en plus des cotisations syndicales habituelles.

L’enveloppe sert notamment à couvrir la quasi-totalité des frais de défense de Christian Lachance. La plaignante n’est pas exonérée de ce paiement, elle verse donc également une somme pour soutenir son agresseur présumé.

Dans un précédent article publié l’année dernière, Le soleil avait signalé que ce fonds d’aide juridique crée un malaise chez certains membres de la Fraternité de Québec.

Ces membres veulent aider des collègues accusés à tort, mais trouvent « absurde » de payer la défense d’un policier accusé de crimes sexuels en dehors de son travail.

En marge du procès de Lachance, d’autres policiers tiennent le même discours. Certains nous ont fait part de leur malaise face à certains éléments de ce fonds spécial. Tous les gendarmes qui nous ont parlé ont tenu à rester anonymes, par crainte de représailles ou de jugement.

Dans notre précédent article sur le sujet, la Fraternité a préféré ne pas commenter. Cette fois, face à cette nouvelle vague de questions sur l’existence de ce fonds, le groupe syndical a fourni des explications aux Soleil.

Rappelons que tous les policiers sont accompagnés en cas de fautes survenant dans l’exercice de leurs fonctions. La Ville de Québec couvre même les frais juridiques. Ce fonds spécial concerne uniquement les infractions commises par les policiers en dehors de leur travail.

Un soutien serré

Le soleil a pu constater la supervision dont Lachance a bénéficié lors de son procès. Chaque jour durant cette première semaine d’audiences, l’accusé était accompagné d’un représentant syndical. Il est resté avec Lachance pendant toutes les pauses et a même assisté à des rencontres confidentielles avec son avocat.

Le jour de son témoignage, la victime était accompagnée de son conjoint ou de collègues et amis. Elle n’était pas accompagnée d’un syndicaliste.

La présidente de la Fraternité des policiers du Québec, Martine Fortier, assure toutefois qu’un soutien a été offert à toutes les parties concernées, celles-ci ont le choix de refuser ou non l’aide proposée.

Le rôle du représentant syndical, explique Mme Fortier, est d’être parfaitement au courant du dossier. Quel que soit le verdict, le policier accusé sera alors cité pour déontologie et/ou devant la commission de discipline.

Le résultat de l’un n’entraîne pas le résultat de l’autre. Après le procès criminel, le représentant syndical doit être en mesure de soutenir adéquatement le membre dans d’autres démarches.

C’est pourquoi la représentante syndicale de Lachance s’implique autant dans le dossier.

Naissance du fonds d’aide

Ce fonds d’aide spécial est né il y a quelques années après la modification de la loi sur la police. «Cette loi prévoit que tout policier reconnu coupable d’un acte criminel sera automatiquement démis de ses fonctions», souligne Martine Fortier.

Il existe cependant des « circonstances particulières » pour chaque cas, selon le contexte dans lequel l’infraction a été commise. Si le policier parvient à prouver ces circonstances particulières, il pourrait éviter la mise en accusation. La Ville de Québec a toutefois décidé de congédier les derniers policiers qui ont été reconnus coupables d’infractions criminelles, circonstances particulières ou non, souligne Mme Fortier.

Par exemple, même si le policier obtient finalement une absolution inconditionnelle (qui efface son casier judiciaire), il perd quand même son emploi.

« Il perd son emploi, perd la possibilité de travailler à nouveau comme policier et doit se réorienter avec un diplôme de techniques policières qui n’est pas vraiment utile dans d’autres domaines d’emploi. Sans parler de la médiatisation.

“[…] La majorité des citoyens, pour une accusation similaire, pourront conserver un minimum d’anonymat devant le tribunal. Les conséquences seront bien plus graves pour les forces de l’ordre», souligne le président de la Fraternité.

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La présidente de la Fraternité des policiers du Québec, Martine Fortier (Édouard Plante-Fréchette/Archives La Presse)

Le syndicat a donc choisi d’accompagner ses adhérents en chambre criminelle, quelle que soit l’accusation portée, afin qu’ils soient bien défendus, afin d’éviter qu’un policier ne soit accusé à tort ou en raison de circonstances particulières.

Aucune exception?

Certains policiers avec qui nous avons parlé ont évoqué l’idée d’abandonner les dossiers où l’infraction commise est de nature sexuelle. La Confrérie ne souhaite pas entrer dans ce domaine.

« Si on ouvre une porte en commençant à trier, à poser des critères, on n’achèvera pas. Les décisions seront prises de manière nuancée. C’est ce que nous voulons également éviter. La règle s’applique à tout le monde et tout le monde sera traité de la même manière.

Dans le cas d’une infraction sexuelle, la notion au cœur d’un procès est souvent celle du consentement.

«Si la réglementation prévoyait que ces dossiers ne sont plus couverts, cela voudrait dire que les membres pourraient s’exposer à de fausses accusations», souligne Mme Fortier.

Il fait référence, entre autres, au dépôt de plainte par un ex-conjoint, dans une volonté de vengeance.

“Si on faisait la part des choses, il deviendrait difficile de respecter l’essence des objectifs du fonds, c’est-à-dire permettre au policier de bénéficier de la présomption d’innocence.”

Martine Fortier assure que la Fraternité n’ira jamais à l’encontre d’un avis juridique. Si un avocat de la défense suggère de plaider coupable en raison des preuves déposées, le syndicat suivra cette recommandation.

Deux députés s’y opposent

Dans le cas de Lachance, le plaignant est également membre de la Fraternité.

« Avoir deux membres qui s’opposent dans une affaire judiciaire est la pire situation qu’on puisse vivre », affirme Mme Fortier.

« Nous avons le devoir d’accorder le bénéfice du doute aux deux parties et d’éviter de nous positionner. Le fait qu’un représentant de l’exécutif accompagne le policier mis en cause ne signifie pas qu’il prend parti contre l’autre membre », insiste le président des Frères.

Le cas de Maxime Lehoux

L’assistance — et le paiement des frais de justice — ne s’arrêtent pas à la condamnation du policier. La Fraternité offrira ses services jusqu’à la radiation du membre.

Maxime Lehoux, un ancien policier de Québec, a également été accusé d’agression sexuelle sur une collègue. Il a été reconnu coupable lors d’un premier procès, puis dans un second après avoir fait appel de sa cause.

Même s’il n’est plus à l’emploi de la Ville de Québec et même s’il est reconnu coupable, la Fraternité paie quand même la quasi-totalité des frais juridiques, jusqu’à ce que sa sentence soit prononcée.

« Tant qu’il n’y a pas de licenciement prononcé par une commission de discipline, la relation de travail est maintenue et les cotisations doivent être versées. Et tant que les cotisations sont payées, le policier bénéficie du fonds», souligne Mme Fortier.

« Nous avons un devoir de représentation envers tous nos membres, quel que soit leur statut. Notre objectif n’est pas de défendre l’indéfendable, […] nous devons veiller à ce que les droits de nos membres soient respectés.

— Martine Fortier

Le licenciement est la sanction la plus sévère prononcée par le Tribunal administratif de déontologie policière. Cela se produit notamment après un verdict de culpabilité en matière pénale.

Autre part ?

Selon Martine Fortier, la police québécoise ne serait pas la seule force policière municipale à adopter une telle mesure pour protéger ses membres devant le tribunal criminel.

Le soleil a approché la Fédération des policiers municipaux du Québec (FPMQ), qui représente 32 corps de police municipaux, pour une entrevue afin de discuter de l’existence de fonds d’aide et d’assistance juridiques. Son président et porte-parole François Lemay a catégoriquement refusé notre demande d’entrevue, sans explication.

Le Service de police du Québec n’a pas souhaité commenter le sujet.

 
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