Un groupe de citoyens grogne depuis l’embauche de Nathalie Paquet comme directrice générale et greffière-trésorière du village de l’Île d’Orléans, au printemps 2023.
Dès son entrée en fonction, les habitants ont exprimé des doutes sur le processus ayant conduit au recrutement de l’édile, après avoir observé une série de « conflits » qui ont éclaté juste après son arrivée.
Certains d’entre eux, contactés par Le soleil, expriment que leur méfiance trouve son origine dans plusieurs actions entreprises depuis le recrutement du directeur général. Ils citent entre autres la démission « en bloc » des bénévoles des bibliothèques municipales en octobre pour illustrer la fracture.
Maurice Boivin, citoyen de Sainte-Pétronille, souligne cet événement qui a mené à la fermeture de la bibliothèque comme le déclencheur de la « tension ».
« La guerre est finie. Il y a beaucoup de choses qu’on n’avait pas vues ici depuis un certain temps », rapporte-t-il.
La saga commence ainsi.
Des élus arrêtés
Le 13 novembre dernier, les citoyens ont pris la plume pour s’adresser au conseil municipal. Du maire, Jean Côté, et des conseillers municipaux, un petit groupe demande de prolonger la période probatoire du nouveau directeur général le temps de procéder à des « vérifications complémentaires ».
«Les récents événements sans précédent dans notre municipalité nous amènent à nous interroger sur l’embauche de Mme Nathalie Paquet à titre de directrice générale», ont-ils écrit.
Evoquant son passé professionnel et citant les erreurs commises dans son ancien emploi qui ont conduit à son licenciement, les signataires soutiennent que « tous les constats ne sont pas rassurants quant à l’avenir des relations de la commune avec ses citoyens ».
Cette missive est toutefois restée sans réponse, explique une autre citoyenne, Natalie Dufour, à Soleil.
Congédié de Val-des-Lacs
Convaincus que leurs craintes sont fondées, les citoyens concernés ont entre-temps brandi leurs armes contre l’employé embauché à un poste clé à la tête de leur commune.
Dans une réponse obtenue en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, comprenant Le soleil En ont obtenu copie, ils ont appris que Nathalie Paquet avait été congédiée de son poste de directrice générale et greffière-trésorière à la municipalité de Val-des-Lacs, en avril 2022. Une lettre, signée par Paul Kushner, maire de cette municipalité des Laurentides , le confirme.
Dans cette communication datée du 30 mars 2022, le maire de Val-des-Lacs s’adresse à Nathalie Paquet pour l’informer qu’à la lumière de « fautes graves » révélées par une enquête, elle sera bientôt démis de ses fonctions.
« L’enquête a permis de recueillir de nombreuses preuves relatives à de nombreuses fautes graves qui, même prises isolément, auraient pu justifier une rupture du lien de confiance », conseille-t-il le principal intéressé.
À une « liste récapitulative » en grande partie expurgée de ces écarts « qui concernent principalement des fautes » […] À cela s’ajoute votre négligence grossière pour avoir omis de prendre les mesures nécessaires à titre de directeur général pour récupérer auprès de la Municipalité des taxes impayées au montant de 459 000 $ », ajoute-t-il.
Le maire Paul Kushner justifie qu’une série d’actes commis par Nathalie Paquet ont eu « pour conséquence de réduire considérablement le fonds de roulement de la Municipalité et d’affecter les marges de manœuvre financières ».
Front de 97 citoyens
Le jugeant « très préoccupant [et] perturbant » l’information divulguée par l’accès à l’information, les citoyens de Sainte-Pétronille jugent alors « incompréhensible » la nomination de leur nouveau directeur général.
Le 11 décembre, 97 d’entre eux ont soutenu une pétition pour réclamer une enquête sur l’embauche de la fonctionnaire, remettant toujours en cause les contrôles effectués en amont sur son parcours professionnel.
«Le contenu de la lettre de Val-des-Lacs et les reproches qui y apparaissent rendent incompréhensible l’embauche de cette personne par la municipalité de Sainte-Pétronille.»
— Extrait de la pétition signée par 97 citoyens
« Dans ce contexte, nous vous demandons d’enquêter puis d’informer vos citoyens […] des actions qui seront menées dans le but précis de prévenir d’éventuels dommages sur notre commune », signe le groupe.
10% de la population menacée de poursuites
Après des conseils municipaux houleux, où la grogne était forte, Sainte-Pétronille prend de grandes mesures pour réagir.
Pour défendre son employé, la municipalité a adressé le 20 décembre une mise en demeure à l’ensemble des 97 signataires de la pétition. Ces citoyens représentent près de 10 % de la population de Sainte-Pétronille.
Signée par le cabinet d’avocats Therrien, Couture, Jolicoeur, la correspondance juridique les accuse de « communication illégale de renseignements personnels, [l’] atteinte à la vie privée et à la réputation.
La missive, consultée par Le soleilleur ordonne de « cesser immédiatement toute démarche visant à obtenir des précisions et des informations personnelles et confidentielles concernant Mme Nathalie Paquet et son embauche ».
Les avocats de la municipalité reprochent aux citoyens d’avoir insinué dans leurs lettres « que Mme Paquet n’avait pas les qualités requises pour optimiser les ressources humaines de Sainte-Pétronille, n’avait pas l’engagement au service des citoyens et l’écoute nécessaire à l’exercice de ses fonctions, en plus être responsable d’événements inquiétants et malheureux.
Or, défendent-ils, « un exercice rigoureux de sélection […] avait précédé l’embauche du directeur général.
La municipalité voit dans cette « insistance » de certains citoyens « à discréditer le directeur général » des « représailles » liées aux décisions prises dans le dossier de la bibliothèque municipale « dans l’intérêt d’une saine gestion des finances publiques ».
“Ces mesures de représailles, prises sans relâche et de manière disproportionnée, semblent désormais s’être transformées en une vendetta personnelle contre un employé diligent et compétent.”
— Me Guillaume Renauld du cabinet d’avocats Therrien, Couture, Jolicoeur
Les citoyens sont ainsi avertis que « toute diffusion d’informations et de documents concernant Mme Nathalie Paquet, obtenus et communiqués sans droit par la Municipalité de Val-des-Lacs », ainsi que « toute intervention publique portant atteinte à la vie privée et à la réputation de Mme Nathalie Paquet», pourrait être retenue contre eux en justice s’ils ne s’y conforment pas.
Le soleil a tenté lundi d’obtenir les commentaires du maire et du directeur général, sans succès. Une demande adressée au cabinet d’avocats représentant la commune est également restée sans réponse mardi.