Pour son deuxième roman, Maud Ventura a choisi d’aborder le thème de la célébrité sur le même ton. « C’est peut-être le dernier grand tabou pour ceux qui le sont. Aucune actrice ou chanteuse, acteur ou chanteur, ne vous dira qu’elle a voulu faire ce métier pour devenir célèbre.
Au centre de CélèbreCléo, qui a presque toujours su qu’elle voulait le devenir. Plus de cinq cents pages d’un monologue intérieur, “on est dans la tête de celui qui avoue cette envie, indicible en interview”. Si on devait caractériser Cléo, on dirait qu’elle est insupportable. « Je préfère qu’un lecteur trouve mon personnage insupportable plutôt que fade. Je n’écris pas pour plaire au lecteur mais pour le faire réagir. Je dirais qu’elle est irréductible. Pour le meilleur et pour le pire. »
Dans la joie et le plaisir
Contrairement à la majorité des écrivains qui font des recherches avant d’écrire, Maud Ventura s’est plongée directement dans sa fiction : « Je crée mon personnage, je veux qu’il se tienne sur ses deux jambes. Ensuite, pour aller plus loin et être crédible, j’ai besoin d’accumuler de la matière. Elle a regardé de nombreux documentaires (notamment sur Billie Eilish et Taylor Swift), écouté des podcasts américains, “une mine d’informations”. Comme cela ne lui suffisait pas, elle rencontra des chanteurs célèbres qui acceptèrent de répondre à ses questions. Des francophones ? “Oui”. Basé en France ? “Je n’en dirai pas plus”. «J’avais besoin d’obtenir la validation d’un chanteur (Angèle, perhaps?, Editor’s note) qui me dit : ‘ce que tu décris, c’est exactement ça’.»
On imagine que, pour développer ce personnage dont la personnalité devient de plus en plus scandaleuse, Maud Ventura a dû prendre beaucoup de plaisir. Elle confirme. « J’écris avec joie et plaisir. C’est ma boussole. En écrivant les premières pages de mon roman, je jubilais, je riais. Comme si je tombais amoureux de mon sujet.
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Normale de formation en philosophie et diplômée en gestion de la Haute Ecole de Commerce, Maud Ventura, en couple avec un ingénieur, avoue avoir une vie assez structurée. “Pour préserver mon intimité, j’arrête de travailler vers 18h-19h et je me force à ne pas écrire le week-end.” Elle a donc dû être infidèle à son personnage : «Il m’a manqué. Dimanche soir, j’avais des papillons dans le ventre. Je me suis couché avec le sourire aux lèvres en me disant que le lendemain, j’allais le retrouver.
A deux endroits du livre, on peut lire : « avec la célébrité, ce n’est pas moi qui change, c’est le regard des autres ». « Ce qui est fascinant dans la célébrité, c’est qu’elle est à la fois tout et rien. Lorsque cela se produit, cela perturbe tous les aspects de l’existence. Cela change le rapport à l’argent, aux proches, à ce que la personne vit, à ce qu’elle fait de ses journées. Cela affecte tout, le rapport au corps, l’apparence Et en même temps, ce n’est rien Si elle est toute seule dans un désert. île. au début du roman, la célébrité n’existe pas.
Sur cette île déserte, le mot d’ordre est déconnexion. L’héroïne a beau glisser machinalement sa main dans sa poche, elle n’y trouvera rien. À ce propos, quel rapport Maud Ventura entretient-elle avec les réseaux sociaux ? « C’est un outil de communication avec mes lecteurs qui me dépasse complètement. Je peux y passer plusieurs heures. Il y a des dizaines de messages par jour. Je réponds à chacun parce que cela me fait plaisir, mais la question se pose aussi de savoir jusqu’où je peux le faire.
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La drôle de vie des célébrités
Maud Ventura précise que le choix de son sujet est une exagération en soi. « J’ai choisi l’hyper célébrité. Je n’ai pas pris un chanteur français qui devient célèbre, mais j’ai opté pour la super popstar américaine, numéro un des charts. Taylor Swift ? “Oui.” Comment voit-elle son soutien à Kamala Harris ? “J’imagine une table de 15 consultants, avec ses 15 avocats, ses 15 spécialistes de la communication médiatique, où chaque mot qui sera dit ou écrit sera pesé. Elle ne peut pas se permettre de simplement publier sur les réseaux sociaux quelque chose qui dit : « Je soutiens Kamala Harris ». Rien n’est fait par-dessus la jambe, c’est fascinant.
Les écrivains deviennent-ils célèbres ? S’ils réussissent, sont-ils célèbres ? “En littérature, la célébrité n’entre pas en jeu, estime Maud Ventura. Personne ne sait qui je suis. Quand je rencontre mes lecteurs, ils ne me parlent que de mon livre. Un luxe incroyable, estime-t-elle, de n’aborder que son travail, dont elle n’avait pas conscience avant ce livre. « Actrice célèbre, on va vouloir savoir si elle est toujours en couple avec Bidule Truc ou quel est son rituel beauté matinal. Aucun journaliste ne m’a jamais demandé quelle était ma crème de jour, si j’étais plutôt yoga ou pilates. Pour appuyer ce degré d’anonymat, Maud Ventura prend en exemple une anecdote qu’elle raconte souvent en interview. « Un jour, alors que j’étais dans le train Brest-Paris, une femme s’est assise à côté de moi. Elle a sorti Mon mari de son sac et a commencé à le lire. J’étais tellement heureux! Je me demandais comment j’allais réagir. Je l’ai interrompue pour lui dire qu’elle lisait mon livre. Je lui ai signé, nous avons pris une photo et c’était tout.
Maud Ventura a failli donner le titre à son roman Une drôle de vie. « La renommée signifie de très grandes joies et de très grandes peines. Mais régi par d’autres règles du jeu. Comme si des célébrités vivaient sur Mars, que ce n’étaient plus les mêmes lois physiques qui s’appliquaient à elles.»
⇒ Célèbre | Romain | Maud Ventura | L’Iconoclaste, 540 pp., 21,90€
Mon mari, mon mari, Mio Marito, mon mari…
Outre son succès sur le marché francophone, Mon mari bénéficie également d’une bonne audience internationale. Il a déjà été traduit en 17 langues – dont le thaï, le coréen, le persan et l’hébreu. Cette notoriété s’inscrit dans un contexte particulier. Le roman sera publié en 2021 en France, mais les éditeurs disposent du texte un an plus tôt. Nous sommes au milieu d’une pandémie. L’équipe Iconoclaste a un coup de coeur avec ce livre : « On a commencé à le pitcher avec une vidéo parce que les salons littéraires avaient été annulés suite au Covid »dit Sophie Langlais, agente littéraire. Trois cent à quatre cents personnes l’ont reçu. « Généralement, on commence par des petits cercles (scouts, scouts), des gens qui lisent tous les livres en français et les recommandent aux éditeurs étrangers »précise notre interlocuteur.
Les pays qui réagissent généralement le plus rapidement pour obtenir des droits de traduction sont les voisins de la France : Italie, Allemagne, Espagne. Mais pour Mon mariles Américains ont réagi rapidement, constate Sophie Langlais. Il a été imprimé à 35 000 exemplaires, ce qui est beaucoup, dit-elle en fournissant une explication : Oprah Winfrey a adoré le livre. Elle en a parlé dans son club de lecture. “C’est un peu le Saint Graal pour les Etats-Unis. Elle ne le fait pas forcément pour les traductions.précise l’agent.
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Chaque marché a ses propres codes et formats
Le titre Mon mari a été presque littéralement traduit dans toutes les langues. Célèbreen revanche, connaîtra des adaptations. « En anglais, ce sera Rends-moi célèbre et non Célèbre tout simplement. Nous avons beaucoup hésité. Nous pensions aux paroles des chansons de Taylor Swift. Nous avons également eu une longue discussion avec l’auteur. C’est une grande pro.continues Sophie Langlais.
Nous avons pu le constater lorsque nous avons fait remarquer à Maud Ventura une caractéristique de son style (un éclat de mots dans la même phrase : “Je suis une machine de guerre, un avion de combat, une frappe atomique, un sous-marin nucléaire, un char d’assaut, un hélicoptère”). Elle nous informe, à ce propos, qu’elle est en train de réviser le texte anglais de Célèbre avec la traductrice américaine Gretchen Schmidt. “Je change parfois l’ordre des mots pour passer du plus petit au plus grand”note le romancier qui maîtrise la langue de Shakespeare.
Quant aux couvertures, si Mon mari en a connu de nombreux, le marché anglo-saxon (Australie, Etats-Unis, Grande-Bretagne) Célèbre se concentrera sur un seul. «Pour faciliter le message sur les réseaux sociaux»précise Sophie Langlais, même si chaque marché a ses codes graphiques et ses formats.
Maud Ventura soutient-elle la sortie du livre à l’étranger ? « Quand mon emploi du temps le permet, oui. Comme l’Italie. Mais il vient de sortir en Allemagne cette semaine. Je ne pouvais pas y aller. On parle de mon départ aux États-Unis, l’été prochain, pour Célèbre, mais cela reste un point d’interrogation. Si c’est bien quand je décide d’en écrire un troisième, ma priorité sera toujours d’avancer dans mon travail en français.
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