Tous deux étaient invités de l’émission économique hebdomadaire » Semences écologiques » sur Sudfm, sur la question de l’avenir du secteur de la construction au Sénégal qui est durement touché et depuis mai dernier par les répercussions des mesures d’arrêt de tous les chantiers dans la zone côtière et sur une dizaine de chantiers à Dakar, entraînant plus de 10 000 emplois perdus et sans qu’aucune mesure de soutien ne soit mise en place.
« À notre connaissance, il n’existe en réalité aucune mesure de soutien qui a été prise et pire, nous n’avons été ni consultés ni associés à ces décisions, même si nous pouvons comprendre leur bien-fondé et leur justification », explique le président du Spebtps. Mais c’est ajouter que « nous ne pouvons pas priver les acteurs économiques de leurs moyens de subsistance du jour au lendemain et mettre en péril autant d’emplois. J’ai moi-même dû mettre du personnel au chômage technique et quand on parle de 10 000, je dirais plutôt environ 20 000 emplois concernés par ces mesures. », a poursuivi M. Ndir.
Pour eux, dans cette situation, les patrons parviennent à réaffecter sur d’autres sites et d’autres fonctions, mais « le mal est là ! »
Dans le même esprit, le président du SNBTP estime que « C’est une mesure qui perturbe le secteur professionnel, d’autant qu’on s’attendait, après six mois d’arrêt de ces projets, à ce qu’il y ait des mesures de soutien. Une consultation aurait permis, par exemple, de discerner et de préserver des programmes où il n’y avait rien à redire. »
La société sénégalaise d’apnée
Au-delà de la question spécifique, la préoccupation devrait être celle de la question de la rationalité économique dans un contexte où les jeunes prennent la mer, ou le désert, où les entreprises ferment… « Déjà, nous avons subi de plein fouet les effets de la crise. la pandémie de Covid et nos activités étaient complètement à l’arrêt », explique M. Ndiaye. ” Ensuite, il y a eu les événements politiques de 2021 qui ont entraîné d’énormes perturbations, notamment au niveau de l’activité ; si l’on ajoute tous les autres bouleversements politiques qui se sont succédé, on n’imagine pas l’impact négatif sur l’entreprise, notamment dans le secteur de la construction. »
L’éternel problème des marchés publics est également revenu dans le débat et selon le président du SNBTP, « De 2019 à 2021, les marchés individuels enregistrés s’élèvent à 9 700 milliards de francs CFA que les entreprises étrangères ont contractés au détriment de notre portefeuille. » Dans cette dynamique, poursuit M. Ndiaye, « avec les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal, beaucoup d’argent a été injecté mais cela n’a eu aucun impact sur notre économie et nos entreprises, malgré des taux de croissance qui ont évolué positivement. »
Le message est le même, souligne M. Ndiaye : « Il faut réajuster nos politiques publiques et rompre avec le caractère extraverti de notre économie qui tue nos entreprises, notamment les petites entreprises qui sont en suspens ! Et quelqu’un m’a demandé comment survivre ?»
C’est le président Ndir qui donne la réponse : « Nous survivons d’abord en investissant moins dans les outils de production, nous n’avons pas renouvelé nos équipements ; nous n’avons pas récompensé ni même augmenté les salaires ; nous-mêmes, les patrons, recevons des revenus beaucoup plus modestes ; Bref, on s’est serré la ceinture ! »
-Et d’ajouter : « Nous nous sommes affamés et c’est ce dont nous ne voulons plus, d’autant plus que nous nous sommes retrouvés dans la position de mendiants, et je pèse bien mes mots sans citer de pays parce que je ne veux vexer personne, car voici à quoi nous avons été invités. approcher les entreprises étrangères, qui nous méprisaient, pour solliciter respectueusement notre petite part de contenu local. »
De son côté, M. Ndir estime que « Cela ne peut pas continuer car celui qui paie commande et c’est le peuple sénégalais qui commande, qui remboursera et qui doit donc exiger que les infrastructures soient construites par des entreprises sénégalaises pour que les profits restent au Sénégal. » Il faudrait, ajoute M. Ndiaye, « que les grands projets structurants profitent à notre économie, à nos entreprises, à nos ménages. »
Co-traitance, fini la sous-traitance
Dans l’état actuel des choses, les patrons du BTP estiment que le principe de la sous-traitance doit être revu. Dans ce régime de sous-traitance, « Vous donnez tous les pouvoirs contractuels à un titulaire qui écrase les entreprises locales, d’abord les prix bas, les conditions d’exécution et de paiements, c’est à dire que les maîtres d’ouvrage en général ont mis l’entreprise sénégalaise dans une situation précaire qu’il faut corriger. », souligne le président du SNBTP.
Cette correction pourrait se faire par la co-traitance plutôt que par la sous-traitance. Une option plutôt risquée car, dans cette forme de partenariat, chaque partie est tenue pour responsable des éventuels échecs de l’autre. Mais pour le président du SPEBTPS, la phrase est claire : « Personnellement, d’un point de vue philosophique et idéologique, je rejette fermement toute forme de regroupement solidaire avec des entreprises non sénégalaises. Pour moi, la commande publique doit revenir aux entreprises de construction sénégalaises, d’autant plus qu’elles ont toutes les qualités et qualifications pour réaliser tous types de travaux publics au Sénégal et même ailleurs. »
Sauf que les entreprises de construction sénégalaises sont souvent critiquées pour un problème de qualité dans leurs travaux. ” Il n’y a pas de problème de qualité, il y a juste un problème de moyens et d’encadrement », assure M. Ndir qui informe que « Ce sont ces mêmes entreprises sénégalaises qui réalisent des infrastructures dans d’autres pays, vont au Mali, en Sierra Leone, en Gambie pour ne citer que ces pays, la plupart des infrastructures sont réalisées par des entreprises sénégalaises. En termes de perspectives, les patrons du BTP ont « j’espère que les choses vont changer » car, selon M. Abdel Kader Ndiaye, « On ne peut pas construire une souveraineté économique sans un patriotisme économique et une préférence nationale, qui d’ailleurs n’est pas un slogan puisque tous les grands pays qui se sont développés l’ont fait sur cette base. ».
Sombé FAYE