Par
Margaux Desdet
Publié le
17 décembre 2024 à 20h30
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Le 14 août 2017, la vie du Famille Jacob commute en une fraction de seconde. Sur la terrasse de la pizzeria Cesena à Sept-Sorts (Seine-et-Marne)Betty, Sacha et leurs trois enfants sont violemment percutés par une voiture qui roule à grande vitesse et se dirige droit vers eux. Leur fille Angela, âgée de 13 ans, est décédée sur le coup. Son frère Dimitri et leur père, Sacha, sont grièvement blessés. La mère, Betty, n’en sortira pas non plus indemne. Quant au traumatisme, il est indescriptible. Tant pour cette famille que pour la douzaine d’autres victimes présentes. Cet acte de violence gratuite a rapidement été qualifié d’attaque délibérée, mais les questions sont restées sans réponse…
Cet événement tragique est le point de départ du premier roman de Justin Morin, Nous ne sommes plus des gens normauxpublié par La Manufacture de livres en août 2024, soit sept ans après les faits.
Ancien journaliste à Europe 1, Justin Morin rencontre la famille Jakov en 2021, lors du procès aux assises de Melun de l’assassin, un homme qui, après s’être précipité sur la terrasse, aurait justifié son acte par un sentiment de persécution. Il y rencontre également la sœur du coupable. Le journaliste, profondément marqué par ce qu’il voit et entend au tribunaldécide d’aller plus loin, d’écrire et de raconter l’histoire de cette famille dévastée. C’est d’ailleurs à leurs côtés qu’il écrira le début de son œuvre. Cependant, à la fin du procès, il n’a pas pu mettre un terme à son histoire. Alors le romancier prend le relais pour tenter de comprendre et réinventer une histoire de famille. Il passe ensuite dans le fiction en recréant le personnage de Lisa, la sœur du coupable. Et texte hybride entre documentaire et fiction
La douleur d’une famille
Dans le livre, Justin Morin plonge le lecteur, dans la première partie du récit, à travers les voyage de la famille Jakov après la tragédie. L’auteur se concentre sur la douleur de ces parents, qui doivent non seulement faire face aux blessures physiques et psychologiques de leur fils Dimitri, mais aussi à la perte insurmontable de leur fille. UN histoire extrêmement douloureuse. A travers des scènes d’une grande émotion, le livre rend hommage à la résilience de cette famille, unie malgré tout par l’amour et la solidarité.
Le journaliste et romancier, dont l’implication a été « totale », ne s’arrête pas aux faits, mais s’intéresse à la psychologie des personnages. Nous entrons dans les pensées et les émotions de Betty et Sachaleur quotidien de victimes, leurs interrogations interminables sur ce qui aurait pu être différent. Le processus de deuil, la culpabilité, les « et si » qui hantent les parents sont abordés avec une grande sensibilité.
Selon Justin Morin, c’estun texte « profondément collectif »selon ses propres mots, car « Betty et Sacha le peuplent ».
Betty et Sacha peuplent le texte.
En effet, les parents d’Angela étaient avec lui tout au long de l’écriture du livre. Une collaboration qu’ils ont acceptée pour continuer à la faire exister. « J’ai un lien très particulier avec eux. Il y a eu des hauts et des bas lors de la rédaction de ce texte. Je suis fier du chemin que nous avons parcouru ensemble. Chaque fois que je parle de ce livre, je pense à eux avant tout. Ce livre est sorti, ce n’est pas une joie pour eux que ce texte existe, mais ils l’acceptent car une relation de confiance est née entre eux et moi. J’ai voulu être à la hauteur de cela et de ce que nous avons couvert”, a expliqué l’auteur dans un entretien réalisé par la librairie Mollat, première librairie indépendante de France créée en 1896 à Bordeaux.
La deuxième partie du livre se concentre sur le procès de l’assassin, David Patterson. Le procès, qui a lieu en 2021, soit quatre ans après les faits, est marqué par une confrontation entre la souffrance des victimes et l’indifférence de l’agresseur, qui peine à exprimer ses remords. C’est à cette époque que Justin Morin rencontre les Jakov, et c’est à ce moment qu’il décide de commencer à écrire cette œuvre pour prendre plus de - avec les victimes, touchées par « la force qu’elles dégagent. »
Il retrace les mécanismes de la justice et son incompréhension face à l’acte criminel.
De la réalité à l’imaginaire
C’est alors qu’il s’aventure dans la troisième partie du livre, où il révèle le portrait de la sœur de l’accusépour essayer de comprendre comment David Patterson a pu en arriver là. C’est alors que le livre prend une une touche plus romantique. Fasciné par ce personnage qui assiste aux audiences tout en prenant des notes, Justin Morin tente d’entrer dans son univers pour comprendre ses liens avec son frère. Cependant, la sœur refuse de lui parler et de collaborer, laissant l’auteur incapable de dresser un portrait fidèle. L’auteur décide alors d’inventer la vie de cette famille et les mécanismes qui ont amené son frère à commettre l’impensable. La fiction, ici, permet au romancier de combler les vides laissés par la réalité.
Grâce à ces 256 pagesJustin Morin livre une œuvre puissante, dans laquelle douleur, quête de justice et besoin de comprendre s’entremêlent subtilement. Un premier roman fort, poignant et profondément humain.
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