Les libraires à la recherche de nouvelles voies et d’un front commun

Les libraires à la recherche de nouvelles voies et d’un front commun
Les libraires à la recherche de nouvelles voies et d’un front commun

Abasourdis, les libraires, au lendemain de la présentation par Xerfi Spécifique d’une sombre étude sur la situation financière de leurs entreprises ? Plutôt relevé, et déterminé à se lever collectivement. ” La question n’est pas de savoir si nous allons dans le mur comme le prédit Xerfi. Mais plutôt, à quelle distance sommes-nous du mur ? Il est maintenant temps de réagir », enjoint Matthieu de Montchalindirecteur de la librairie L’Armitière à Rouen et président d’ALIRE.

Tout au long de cette deuxième journée des Rencontres nationales de la librairie (RNL), organisées à Strasbourg par le Syndicat de la librairie française les 16 et 17 juin, 800 libraires ont relevé de front les défis présents et à venir, pour tracer de nouvelles voies dans un environnement semé d’embûches. pièges.

Des IA pas si puissantes

Un premier saut dans le futur a ouvert le bal au petit matin pour réfléchir à l’avenir du livre et des libraires dans une société bouleversée par l’intelligence artificielle. Rappelant que « l’écriture est l’une des premières matérialisations de l’IA », l’écrivain et chercheur André Ourednikmaître de conférences à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et à l’Université de Neuchâtel, met en avant les limites de l’IA, particulièrement générative.

Les textes produits par l’IA ne sont pas dénués d’émotions, ils portent un excès d’émotions arrachées, décomposées, en un énoncé de mort-vivant, une sorte de Frankenstein virtuel. Le lecteur du futur voudra s’assurer qu’il ne lit pas un mort-vivant, on peut donc s’attendre à un regain d’intérêt pour les auteurs humains certifiés, en chair et en os. », prédit-il non sans ironie. ” A l’ère de l’IA, la librairie a tout à gagner à se profiler comme un lieu de rencontres et d’échanges, un contre-modèle à un monde de maximisation mathématique pure des ventes. », estime encore le chercheur.

Nouvelles conquêtes

La concurrence de l’IA et du web rejoint celle des écrans, mis en avant comme l’un des principaux facteurs qui éloignent les jeunes de la lecture. ” L’urgence de l’éducation aux écrans me semble importante “, expliquer Élodie Bubendorff, co-gérant de La bouquinette à Strasbourg. Selon elle, c’est aussi, à travers diverses rencontres et initiatives comme « Les jeunes en librairie », « rendre l’auteur tangible ” pour les enfants.

C’est par exemple ce que fait le Centre National du Livre en développant des résidences d’auteurs dans les écoles ou encore « dans des camps d’été dits d’apprentissage et dans des centres de loisirs “, noté Régine Hatchondo, président du Centre National du Livre. Mais ” ce sont aussi les jeunes parents qu’il faut ramener à la librairie », souligne Sandrine Vigroux, directeur Market Intelligence Entertainment chez GfK. Quantifiant l’explosion du segment jeunesse en huit ans avec 84 millions d’exemplaires vendus en 2015 contre 112 millions d’exemplaires en 2023, tout cela grâce notamment aux mangas et aux bandes dessinées, Sandrine Vigroux rappelle néanmoins que les libraires indépendants ont perdu des parts de marché au profit de la Internet dans le segment des livres prescrits. ” La mise en œuvre de la loi Darcos permettra-t-elle de rebattre les cartes et de ramener dans les magasins l’acheteur de livres prescrits ? C’est la grande question que nous suivrons de près », assure-t-elle. L’expert souligne également que « dans le cadre des achats de livres pour les moins de 25 ans, il existe un potentiel de 4 millions d’exemplaires par an à collecter par les libraires indépendants « .

L’opportunité à la loupe

Autre marché à fort potentiel identifié par ces RNL : les livres d’occasion. Documenté par une étude de Sofia et du ministère de la Culture publiée en avril dernier, son évolution pourrait faire l’objet d’un suivi annuel, avec des discussions en cours avec le ministère de la Culture. Alors que près de 20 % des livres ont été achetés d’occasion en 2022, et que ce marché représente environ 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, » 80 % des libraires interrogés ne proposent pas de vente d’occasion et deux tiers d’entre eux n’envisagent pas de le faire “, rapports Bertrand Legendreresponsable scientifique de cette étude.

Un constat qui pourrait bien changer si l’on en croit l’intérêt des libraires pour ce sujet, même si les biens d’occasion ne représentent actuellement que 1% de leur chiffre d’affaires. Présents lors du RNL, Gibert et le groupe Nosoli (Furet du Nord, Decitre) se sont tous deux positionnés comme « les partenaires » les libraires, à la fois comme fournisseurs de livres d’occasion, mais aussi comme animateurs de solutions (plateformes, applications) leur permettant de proposer l’achat et la revente de livres d’occasion.

L’opportunité s’évapore de nos magasins, se concentrant sur les grands acteurs de la logistique et du numérique (…) Il faut trouver un modèle économique dans nos réseaux de magasins physiques “, invité Nicolas Vielle, directeur commercial de Gibert. Alors que l’exécutif avait ouvert la voie à une taxe sur les livres d’occasion, permettant de rémunérer la création, cette proposition reste en suspens compte tenu du contexte politique, mais continue d’alimenter les débats. ” Il y a un équilibre qui est en train de se rompre et une répartition de la valeur qu’il faut au moins remettre en question. », considère par exemple Geoffroy Pelletierdirecteur de Sofia, invitant à des discussions avec toutes les parties prenantes.

Façade commune

S’érigeant en rencontre interprofessionnelle, le RNL offre une plateforme de choix pour des appels à discussions… et un front commun. “ Les points de rentabilité que nous recherchons seront atteints à la manière d’un mille-feuille. Nous devons tous nous réunir autour de la table pour trouver ensemble des solutions à nos problèmes. », raconte le libraire Matthieu de Montchalin. ” Quand on arrive à être 800 libraires à Strasbourg, on constitue une force capable d’obliger les autres à penser avec nous “, il continue.

Une force qui se réunira à nouveau dans deux ans, pour mesurer les progrès réalisés et innover. Peut-être à l’Ouest, cette fois, ou en région Occitanie, la seule à ne pas avoir encore accueilli le RNL.

 
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