on a lu le livre de Jordan Bardella (mais on en recommande un autre)

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GRÉGOIRE CAMPIONE / AFP Le livre de Jordan Bardella « Ce que je cherche » photographié dans une librairie à Paris samedi 9 novembre (Photo de Grégoire CAMPIONE / AFP)

GRÉGOIRE CAMPIONE / AFP

Le livre de Jordan Bardella « Ce que je cherche » photographié dans une librairie à Paris samedi 9 novembre (Photo de Grégoire CAMPIONE / AFP)

POLITIQUE – Tout ça pour ça. 316 longues pages de contrôle total sur lesquelles Jordan Bardella travaille en exclusivité pour écrire sa légende. Dans ” Ce que je recherche », qui sort ce samedi 9 novembre de Fayard, le président du Rassemblement national invente l’aveu sélectif, proposant le récit éculé d’un (jeune) homme dont la carrière politique lui a été imposée par un destin miraculeusement en accord avec ses idées. .

L’histoire est la suivante : c’est parce qu’il a grandi à Saint-Denis, dans une des villes caractéristiques de ces quartiers. sensible “, en proie au crime, au trafic de drogue ou à l’islamisme” conquérant » que Jordan Bardella, descendant d’immigrés italiens aux conditions matérielles modestes, était « appelé » par la politique. Comme d’autres prendraient les commandes. Par ailleurs, cette trajectoire, présentée sous l’angle de la méritocratie – et non sous celui (plus correct) de la montée des apparatchik – ne lui permet pas d’analyser la « réel » comme aucun autre aspirant aux plus hautes fonctions ?

Bardella ne raconte pas d’histoires, il se vend

C’est le fil conducteur de « Ce que je recherche » : une introspection calibrée visant à raconter une histoire mise au service d’une ambition politique. Ce qui, forcément, rend souvent la lecture atone, tant il est difficile de déceler les rares moments où Jordan Bardella accepte effectivement de percer l’armure, d’échapper à cet hypercontrôle qui donne à ce premier ouvrage des airs de publication d’auto-promotion. L’auteur ne raconte pas son histoire. Il se vend, occultant bien souvent les aspects les moins glamour de sa carrière ou de sa famille politique.

Quand il ne tombe pas de tes mains, » Ce que je recherche » réserve parfois des surprises qui font sourire. Comme lorsque, très sérieusement, Jordan Bardella écrivait ceci : « en politique, la sincérité, la responsabilité et la cohérence ne sont pas des options mais des obligations « . Un principe qui cadre mal avec les (très) nombreux revirements programmatiques entrepris par lui lors de la campagne législative (retraites, défense, éoliennes, TVA, abattages rituels, etc.), mais qui confine au comique quand on se souvient que le Le parti qu’il préside prônait la sortie de l’euro il y a moins de dix ans.

Entièrement dévoué à promouvoir son bon sens politique et sa trajectoire hors du commun, le président du RN accumule les contradictions. Ainsi, page 101, il plaisante sur les rebelles qui ont « appelés à voter pour Élisabeth Borne, à l’origine de la réforme des retraites qu’ils ont tant combattue quelques mois plus tôt“. Alors que, quelques pages plus tôt, il vantait l’alliance scellée avec Éric Ciotti… Qui a pourtant fait campagne en faveur de cette même réforme des retraites, lorsqu’elle a été contestée par le RN. Au sujet de l’ancien président LR, Jordan Bardella offre involontairement une autre pépite au lecteur, révélant qu’il avait proposé le ministère des Armées à Éric Ciotti en cas de victoire aux élections législatives. Une perspective que le député des Alpes-Maritimes a saluée » avec enthousiasme », même si tout le monde sait dans un microcosme qu’il avait réussi à échapper au service militaire.

Mémoire sélective

En résumé, Jordan Bardella ne fait rien d’autre que proposer une histoire à l’image de ses ambitions, tout en faisant preuve d’une mémoire particulièrement sélective. Ainsi, lorsqu’il accuse ses adversaires (dont la presse) d’avoir exagéré le « malheureuse polémique » sur l’interdiction de la double nationalité, il oublie de mentionner la sortie du député RN Roger Chudeau qui a jugé que Najat Vallaud-Belkacem n’aurait jamais dû, car elle est franco-marocaine, exercé comme ministre de l’Éducation nationale, la jugeant coupable d’un ” double fidélité.

À d’autres moments, on n’est pas loin de se demander si Jordan Bardella ne se moque pas du lecteur lorsqu’il affirme qu’il ne savait pas » Tous » de l’histoire du Front National, « de ses fondateurs et même de Jean-Marie Le Pen » lorsqu’il a rejoint. Lui, qui se vante en outre d’avoir obtenu son baccalauréat économique et social avec la mention « Bien » (ce qui implique un minimum de culture générale) et qui affirme avoir consulté les archives politiques de l’INA durant son adolescence. Ainsi, le livre, présenté comme « aveux », se limite à un storytelling tiède, épousant les objectifs de normalisation de Jordan Bardella qui, à plusieurs reprises, fait de forts clins d’œil à Nicolas Sarkozy, dont la capacité à « Réunir les classes populaires et la bourgeoisie conservatrice ».

Cependant, hormis quelques anecdotes invérifiables qui ne présentent au demeurant que peu d’intérêt, et des piques meurtrières adressées à Emmanuel Macron, ceux qui voudraient en savoir plus sur le président du RN pourraient davantage se tourner vers « La machine gagnante », l’enquête du journaliste Tristan Berteloot publiée au Seuil en septembre. Dans ce travail, nous apprenons que « La vie de Jordan Bardella a été bien moins douloureuse qu’il ne le prétend », ayant par exemple bénéficié d’un « appartement de luxe que son père lui prête dans la petite ville cossue de Deuil-la-Barre » et diffusé « dans la Smart que papa lui a offerte, pour éviter de prendre le RER « . Un épisode qui est balayé en quelques mots (et très partiellement) dans « Ce que je recherche », dans lequel l’ambitieux s’attarde surtout sur les maigres moyens de sa mère. Jordan Bardela consacre également une petite partie de son livre à saccager l’auteur de cette enquête, le qualifiant de « carnet subventionné protégé des risques ».

Imprimé à 150 000 exemplaires, l’ouvrage qui s’ouvre modestement sur une citation de Napoléon est un pur exercice de communication, censé démontrer que l’accession du RN au pouvoir est inexorable. En témoigne cet extrait, un peu mielleux, dans lequel, lors d’une croisière au large du fort de Brégançon, il sonde Marine Le Pen pour savoir si elle s’imagine un jour dans cette résidence des présidents de la République. ” Le regard au loin, sa réponse, simple, déterminée, belle : « J’en suis convaincu ». Le courage de Marine m’oblige. Son stoïcisme incandescent aussi. S’il doit le faire…

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