Pendant longtemps, Jo Péraldi a refusé d’écrire ses mémoires. Mais en laissant filer le temps, l’ancien chef militaire du FLNC a pris le risque que l’histoire du nationalisme corse s’écrive sans lui. Alors, cet homme aux mille vies a finalement décidé de raconter au grand reporter Frédéric Ploquin une vie hors du commun, celle d’un agent secret au service de la France devenu, après la guerre d’Algérie, photographe à Paris-Match et à Course du matin le jour et chef militaire la nuit. Au FLNC, il devient Arthur, « comme le justicier des Chevaliers de la Table Ronde »et s’est caché pendant près de trente ans. Elle se terminera par quinze ans de réclusion criminelle pour la plastification des bâtiments de l’Urssaf et de la DDE d’Ajaccio en 1999.
Ancien journaliste, carte de presse 22 042, Jo Péraldi sait ce qui intéresse le lecteur. Ses Confessions d’un patriote corse en témoignent. L’homme d’action va droit au but. Son premier chapitre, il le consacre à la cavale d’Yvan Colonna, qui débute six mois après l’assassinat du préfet de Corse Claude Érignac, le 6 février 1998, qu’il a lui-même orchestré sous le nez des policiers et gendarmes en déguisant le Cargèse berger en vieille dame.
Si Jo Péraldi s’est mis à nu comme jamais, dans ce témoignage de premier ordre, c’est en grande partie grâce aux innombrables tentatives de récupération qui ont fleuri depuis le meurtre d’Yvan Colonna en prison. “Yvan Colonna est plongé dans toutes sortes de situations en Corse, jusqu’au dégoût, il dénonce. AAu-delà de l’hommage légitime qui lui est rendu chaque année, il est utilisé à des fins politiques, et je n’aime pas ça. »
Ni grossièreté, ni barbarie
Au fil d’un récit sans pause, se dessine le portrait d’un homme d’honneur qui n’a jamais hésité à tirer contre ses ennemis, mais qui a fixé une ligne de conduite : « J’ai été profondément marqué par ces bébés crucifiés aux portes des maisons par le FLN, je ne tolère ni la scélératesse ni la barbarie. » On découvre par la même occasion que le FLNC était, au moment de sa création, en 1976, politiquement « plus proche de la droite que de la gauche, et peu intéressé par les idées collectivistes », comme la plupart des mouvements nationalistes irlandais ou basques.
Soldat perdu de retour sur son île après la guerre d’Algérie, Jo Péraldi découvre à 23 ans la pauvreté qui accable la Corse, jusqu’aux grands-mères condamnées à plus de 80 ans à cultiver quelques légumes dans leur potager pour survivre. « L’île a été abandonnée par l’État, écrit-il, cela me saute à la gorge tous les jours. Elle a été cédée aux clans avec des maires réélus de père en fils, qui bloquent la démocratie. La Corse que j’ai appris à connaître dans les années 1960, grâce à mes reportages pour Le Provençal, on dirait une république bananière. » A Tizi Ouzou, 56 000 habitants, où est né ce pied noir corse, les routes étaient éclairées, les maisons avaient l’eau courante et les écoles étaient bâties en dur. “ Dire qu’en Algérie, on parlait de colonisation ! » » laisse-t-il échapper un soupir très antipolitiquement correct.
Le reste après cette annonce
La vie de l’ancien chef militaire du FLNC n’est en aucun cas un long fleuve tranquille. Jo Péraldi n’évite rien de l’histoire tourmentée du FLNC, ni des querelles, ni des querelles, ni de la guerre fratricide entre les deux FLNC. “chaîne habituelle” (dont il est) et « canal historique » qui éclate en février 1995. Sang appelant le sang, les militants ne luttent plus pour défendre la Corse, mais pour s’éliminer. Décrire « une époque maudite »Jo Péraldi fait son mea culpa, avoue » dérive collective qui se termine comme elle a commencé, dans le discrédit et le sang : vingt-trois morts, dont sept de notre côté. Une guerre qui laissera une blessure ouverte dans nos cœurs et dans notre chair jusqu’à la fin de nos jours.
Loin des caricatures, l’ancien leader du FLNC se fait pédagogue pour expliquer son combat pour l’autonomie totale de la Corse : « Je n’ai jamais combattu la France, seulement un système. » Lui, l’homme de droite, rend hommage à Michel Rocard « qui connaissait le problème corse aussi bien que nous, sinon mieux […] et aurait réglé la question corse », si François Mitterrand ne l’avait pas poussé vers la sortie. Amoureux de Victor Hugo, Lamartine et Alfred de Musset, Jo Péraldi clame son amour de la langue française. « Je vais vous faire un aveu, si de manière purement hypothétique, dit-il, nous avions obtenu l’indépendance, nous n’aurions jamais – vous m’entendez – jamais supprimé la langue française en Corse. Vous pouvez être attaché à la langue corse comme moi et admettre que la langue française est la plus belle du monde. »
Confession d’un patriote corse. Des services secrets français au FLNC, by Jo Péraldi and Frédéric Ploquin, Fayard, 318 pages, 21.90 euros.