Face au changement climatique et aux discours erronés, comment avoir la répartie ? L’auteur du livre partage ses conseils

« Avec ou sans moi, cet avion va décoller ! » ; « Ce ne sont certainement pas mes efforts qui ralentiront le réchauffement climatique » ; « Marre de l’écologie punitive, on ne peut plus rien faire » ; « L’écologie, c’est vraiment un truc de bohème »… Vous êtes-vous déjà senti impuissant face à ces déclarations ? Margot Jacq aussi. Attachée territoriale en région parisienne, spécialisée sur les questions de transition écologique (verdissement des villes, sensibilisation des citoyens), elle publie Petit manuel de répartie écologique (éd. Les liens qui libèrent).

« Face à ces discours, je me suis souvent senti frustré de ne pas pouvoir faire ressortir la Source, les chiffres clés pour argumenter au bon moment. J’ai ressenti le besoin de m’outiller verbalement, et j’ai réalisé que j’étais “loin d’être le seul”, elle demande. Son souhait : « Plutôt que de livrer des punchlines, construisez des ponts qui permettent le dialogue avec les autres, sur la base de travaux scientifiques sérieux. »

Ainsi, dans son ouvrage, concis et très accessible, l’auteur a classé 36 discours très récurrents de l’inaction, en 6 grandes familles : les nouveaux sceptiques, les immobilistes, les écono-anxieux, les francs optimistes, les techno-solutionnistes ou les cognitifs. dissonants « qui connaissent la gravité de la situation mais n’agissent pas en conséquence ». “On peut, en vérité, avoir les pieds dans plusieurs catégories en même temps, moi en premier”, glisse l’auteur, qui dévoile 4 méthodes sorties de sa boîte à outils.

« 3 degrés de plus, je les prendrais ! Le climat de Marseille à Lille, mais que demande le peuple ?!”

Le profil: « nouveau sceptique ». « Ce sont des gens qui remettent en question les causes du changement climatique et minimisent ses conséquences. » Une catégorie qui, selon Margot Jacq, a pris le pas sur les purs climato-sceptiques, qui nient l’existence de tout réchauffement, “est devenu une minorité”. Selon l’étude Ipsos French Fractures de 2023, ces dernières ne seraient que de 11 % en France (contre 8 %, toujours en 2022). Face à ce genre de profil, « Attendez, il faudra parfois repartir de zéro et faire preuve de patience et de pédagogie. Le tout avec bienveillance car ce n’est pas facile de changer son regard sur le monde.

Comment répondre : « Attention à ne pas confondre météo et climat ! Quand on parle de + 3°C, c’est une moyenne mondiale. Le grand argument est l’analogie avec la température du corps humainutilisé par François Gemenne [politologue, spécialiste de la géopolitique de l’environnement]: à 36,5°C, on se sent bien. A 40-41°C, pas du tout.

« J’aime aussi rappeler une argumentation de Jean-Marc Jancovici [ingénieur et fondateur du think tank spécialisé dans la décarbonation The Shift project]: Il y a 20 000 ans, nous étions dans une période glaciaire et généralement toute l’Europe était recouverte d’un tapis de glace. On pouvait aller de la France à l’Angleterre à pied, la mer était 120 m plus basse et l’écart de température moyen aujourd’hui n’était que de… 5°C. [par rapport à la température moyenne actuelle]. A + 3°C, ce sont des méga incendies, des canicules à répétition, une explosion du nombre de réfugiés climatiques et une montée du niveau de la mer, avec notamment la Camargue rayée de la carte.»

« Arrêtez de me dire ce que je dois faire à la fin… Ce ne sont pas de petits gestes individuels qui nous sauveront !

Le profil: “immobile”. « Ce sont des gens très défaitistes qui se disent que, quoi qu’on fasse, ça ne changera rien. L’idée est de les remobiliser. D’autant que, dans notre histoire récente, de nombreuses batailles semblant perdues d’avance ont finalement permis d’obtenir des avancées, comme celle pour les droits des femmes, l’obtention du droit de vote, etc. souligne Margot Jacq.

Comment répondre : « Oui, ce n’est pas faire pipi sous la douche qui va changer la face du monde et tous les petits gestes ne se valent pas. Mais attention à ne pas s’enfermer dans ce triangle d’inaction, cette idée [théorisé par le Français Pierre Peyretou] de toujours renvoyer la balle à l’autre : l’État, les entreprises, les particuliers. Cela fait que personne ne bouge, même si un cycle de coopération est bien plus vertueux.

« Il est intéressant de rappeler que, selon l’étude Doing your part ? par Carbone 4 [cabinet de conseil indépendant spécialisé], 25 % des efforts nécessaires pour atteindre nos objectifs climatiques concernent nos actions individuelles. A condition qu’ils soient « héroïques » : réduisez drastiquement votre consommation de viande, prenez l’avion, conduisez le plus possible quand vous le pouvez, achetez local, de saison. Le reste vient de mesures politiques plus systémiques, des entreprises, de l’État. Mais là encore, nos décisions individuelles peuvent avoir un impact sur eux : nous votons, nous achetons des choses, nous pouvons aussi boycotter les marques.

« L’individuel peut aussi vite devenir collectif. Nous avons tous le pouvoir d’influencer ! Durant le Covid, un malade a contaminé en moyenne trois personnes. Si l’on applique ce taux de reproduction à l’écologie, on peut très vite atteindre un point de bascule social. où les politiques auraient alors intérêt à agir.»

« Mais comment vas-tu financer tout ça ?

Le profil: “économiquement anxieux”. « Ils craignent plus une baisse du PIB qu’un effondrement des écosystèmes, parlent de dette, croient beaucoup à la croissance verte. L’enjeu est de leur montrer l’irrationalité du système actuel : notre PIB n’a jamais été aussi élevé et pourtant notre modèle actuel est moins menacé par la baisse du PIB que par la crise écologique.»

Comment répondre : Le coût de l’inaction est bien plus élevé que le coût de l’action. Il y a des opportunités économiques dans la transition écologique. L’argument clé pour moi est qu’un monde à +4°C n’est pas assurable. Ce n’est pas moi qui le dit mais le PDG d’Axa… »

« Plusieurs études approfondies, de l’Agence de la transition écologique et de France Stratégie, montrent bien que la transition est créatrice d’emplois, notamment dans l’agriculture. Mais surtout, reporter le problème à plus tard conduirait le pays à des investissements nettement plus lourds.»

« Nous avons déjà beaucoup décarboné et nous sommes sur une bonne trajectoire !

Le profil: « franc et optimiste ». « Cette catégorie salue souvent les efforts déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et nous aimerions sincèrement les croire… »

Comment répondre : « OK, ces deux dernières années ont été marquées par une baisse des émissions de CO2 mais assez conjoncturelle, notamment à cause de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine… Certes, les émissions territoriales de la France ont diminué de 19,9 % entre 1990 et 2019.ce qui laisse penser que la France poursuit sa décarbonation. Mais cela ne prend pas en compte les importations en provenance de France, alors que notre pays a largement externalisé sa production. Une fois incluses dans le calcul, les importations augmentent l’empreinte carbone individuelle à près de 10 teqCO2. Au final, on constate une stagnation du bilan carbone français depuis 1990. Donc, malheureusement, pas de quoi se réjouir.»

« La décarbonisation n’est pas non plus le seul problème : la rareté des ressources et l’effondrement de la biodiversité sont également des problèmes. »

Pour de plus amples: Petit manuel de répartie écologiqueéditions Les liens qui libèrent, 224 p., 17,50 €.

 
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