Un Hyérois raconte dans un livre la bataille de Varsovie contre les nazis

Un Hyérois raconte dans un livre la bataille de Varsovie contre les nazis
Un Hyérois raconte dans un livre la bataille de Varsovie contre les nazis

Dans la cité des palmiers, le nom de Georges Rencki, décédé en 2017 à l’âge de 90 ans, est indissociable de Giens.

Ce passionné de voile a cofondé, en 1976, l’Association pour la protection de la nature de la presqu’île de Giens (Asnapig) qu’il a longtemps présidée.

Membre indéfectible du PS, il a également siégé au conseil municipal (dans l’opposition, à partir de 1993, aux côtés du socialiste Gaston Biancotto). En 2007, Léopold Ritondale lui remet la médaille de la Ville reconnaissant 30 ans d’engagement local.

De nombreux Hyérois se souviennent également de cet ardent et infatigable défenseur de l’Union européenne au sein de laquelle il a fait toute sa carrière.

Georges Rencki. Archives photographiques de l’auteur et du doc. Var-Matin.

Résident quatre saisons de la presqu’île depuis les années 1950, résidant également à Paris, Georges Rencki est né en Pologne. Ce qui est moins connu, c’est sa vie et celle de sa famille à Varsovie sous l’occupation nazie entre 1939 et 1945.

Adolescent, il rejoint l’AK (Armia Krajowa), la résistance polonaise. Il a participé activement au soulèvement dans la capitale du 1erest Août au 2 octobre 1944, dont nous commémorons le 80e cette annéee anniversaire.

Pendant deux mois, 50 000 résistants mal armés, déchirés par la faim et la peur, combattent dans une véritable guerre de rue et tiennent tête à la puissante Wehrmacht et notamment aux unités de la Waffen SS.

Une terrible bataille qui fera 200 000 morts. Victoire ultime, les résistants seront reconnus prisonniers de guerre… évitant ainsi le sort d’être fusillés.

A la fin de sa vie, Georges Rencki se lance dans une autobiographie restée inachevée. Un de ses fils, Julien, également très attaché à la cité des palmiers, reprend et complète le brouillon du manuscrit et les notes de son père.

Le livre Varsovie 1944 Journal d’un insurgé Georges Rencki, a été publié il y a quelques semaines (éditions établies par Julien Rencki. Préface Stéphane Courtois. 352 p. 23 euros. Éditions Perrin). Entretien avec son auteur.

Julien Rencki. Photo archives Var-matin.

Ce livre est à la fois une autobiographie, une biographie, un témoignage historique et un dialogue entre un fils et son père… Comment le définissez-vous ?

Julien Rencki : Le point commun qui crée l’unité, c’est l’expérience de guerre de mon père, adolescent, entre 1939 et 1945 en Pologne. Expérience que nous essayons de présenter sous de multiples facettes. Le premier est son récit autobiographique que j’ai édité car il n’a pas eu le temps de le terminer. La deuxième dimension, à travers mon histoire, est le témoignage d’un fils face à un père qui a fait face à cette expérience et qui en a gardé des séquelles toute sa vie dont j’ai été témoin. La troisième est de fournir des éléments de contexte. Ce que j’ai essayé de faire avec beaucoup de modestie.

C’est aussi un témoignage historique de la résistance polonaise aux occupants nazis et au soulèvement de Varsovie entre août et octobre 44.

C’est un témoignage qui couvre toutes les années de guerre en Pologne, envahie à partir du 39 septembre, d’un côté par les nazis, et de l’autre par l’URSS. C’est la vie d’un adolescent issu d’une famille ordinaire de Varsovie qui affronte la terreur nazie et qui s’engage peu à peu dans la Résistance. La première étape de la résistance. Il s’agit simplement de continuer à fréquenter l’école fermée par les occupants nazis. Vouloir aller au collège ou au lycée, c’est entrer dans la résistance puisqu’on fréquente des classes clandestines. Cela passe aussi par la publication d’un magazine clandestin puis par la résistance armée avec une série d’actions (…) jusqu’au 1er août où éclate cette insurrection de Varsovie qui est un événement encore peu connu, notamment en . .

Ce témoignage est marqué par « l’expérience de la terreur ». Votre père écrit : « La terreur n’est vraiment efficace que si elle est gratuite. »

Cette histoire de la terreur liée à l’occupation nazie de Varsovie prenait beaucoup de place dans ses souvenirs et dans les traumatismes qu’il avait retenus de cette période. Il faut rappeler que les nazis extermineront les Polonais juifs et cela passera par la liquidation du ghetto de Varsovie à partir du 42 juillet. Pour les non-juifs, le projet n’est pas une extermination mais une réduction en esclavage. Les Slaves sont des sous-humains. L’un des moyens de cette soumission est la terreur. Ce n’est efficace que s’il est gratuit. Cela se traduit par l’expérience quotidienne de la peur des raids organisés dans les rues de Varsovie. Il gardera toute sa vie des réflexes conditionnés qui l’amèneront à se tenir à l’écart de tous les lieux clos, des tunnels, du métro. Des lieux porteurs d’anxiété. Jusqu’à sa mort, il fit des cauchemars, notamment de scènes où des passants, arrêtés dans la rue, étaient abattus ou pendus aux balcons d’immeubles.

Mais chez votre père, il y a toujours une volonté de respecter la vie humaine. Il dit d’un soldat allemand : « Parler, c’est reconnaître l’homme en lui et freiner les pulsions de mort et de haine que la peur attise en lui comme en soi. »

Oui absolument. Pour moi, c’est un des éléments très forts de son histoire. Face à ce contexte de terreur, il faut résister. Il y a plusieurs moyens, l’humour, l’autodérision (une allusion à une bande dessinée réalisée par des résistants, ndlr) et cet humanisme que vous évoquez. Ne descendez pas à ce niveau de barbarie et parvenez donc à contrôler la haine qui peut conduire à des explosions de violence. C’est ce qu’on voit dans cette scène merveilleuse où mon père, avec un ami, désarme un soldat allemand (dans un jardin public, avant l’insurrection, ndlr). Là, mon père a ressenti le besoin de s’adresser au soldat dans son allemand approximatif pour lui dire : voilà, nous combattons les nazis mais pas les Allemands en tant que tels. (…) Il y a un lien de fraternité humaine qui demeure. Il y a aussi dans cet humanisme, cet idéal européen qui naîtra dans ses textes publiés dans un magazine underground quand il aura 17 ans.

Dès 1943, il évoquait cette notion de « citoyen du monde » et constate la faillite des États démocratiques. Pour lui, l’Europe est la garantie de la paix…

L’expérience véritablement fondatrice a été l’effondrement de l’État polonais en 1939, puis un an plus tard de la France en six semaines, et donc l’idée que l’État-nation, si sûr de lui, était balayé. et disparaît totalement face aux deux régimes totalitaires (la Pologne est également envahie par l’URSS, ndlr). Pour mon père, la seule issue est l’union d’une Europe démocratique. Il a eu ces intuitions dès 1943 (…). L’Europe est le sujet central de sa vie professionnelle, de ses engagements et presque de notre vie de famille. À table, nous ne parlons que de cela. Après une douzaine d’années d’activisme fédéraliste, il s’engage au sein de la Commission européenne dès sa création en 1958. Il y fait carrière (…). On pourrait dire que la boucle est bouclée puisqu’après la chute du communisme, il aidera la Pologne (en tant que conseiller du gouvernement, ndlr) à entrer dans l’Union européenne.

Un autre grand combat de votre père est la défense de la presqu’île de Giens qu’il décrit comme « le plus bel endroit du monde »

Il se définissait avant tout comme Arbanais, depuis les années 1950. Il y avait en réalité deux dimensions : la protection de la nature mais aussi l’attention portée aux questions de développement économique. L’une de ses idées pour trouver des sources de développement était le tourisme tout au long de l’année, une activité moins saisonnière qui a de très forts impacts sur l’environnement et la qualité de vie. Cet engagement vient à la fois de la part d’Asnapig, mais aussi au sein du conseil municipal, même s’il n’a pas été élu depuis très longtemps, et de diverses initiatives dont la protection du tombolo…

 
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