Résumé : “Japanese Only” ouvre les portes de la nuit japonaise, non pas celle des clubsbing ou des bars karaoké, mais la nuit voilée, celle du sexe, des rencontres payantes, des lieux réservés uniquement aux Japonais, dont tous les autres sont exclus. Et pourtant, deux « gaijins », deux inconnus, nous proposent de visiter des lieux dont nous ignorions même l’existence…
Critique : Cet ouvrage permet de percer les mystères du fuzoku, à savoir « tout ce qui touche à l’industrie du sexe », comme évoqué dans les premières pages. Jérôme Schmidt nous raconte ces voyages de ville en ville, d’île en île, il nous fait visiter l’archipel japonais. Il ne s’agit pas de répertorier des lieux incongrus, mais plutôt de parler de rencontres, d’échanges autour d’un verre avec une maman, dans un bar où les clients viennent dépenser leur argent pour prouver leur amour, pas seulement pour une soirée mais parfois des années, ou de discussion. avec un passionné de poupées sexuelles, ou encore un expert en shirabi, l’art d’attacher et de dénouer des cordes sur une personne consentante. Le texte nous fait voyager et, si l’on ne connaît pas le Japon, les noms des villes évoquent parfois des images. Pourtant, on s’y perd vite, même si l’on se laisse guider par l’auteur, qui rencontre des travestis, des hôtes payés par des femmes, des hôtesses payées par des hommes, en passant par des clubs homosexuels, des lieux de new half, où la transition de genre est la norme, ainsi qu’un tout un tas d’endroits cachés aux regards. Pour gérer tout ce monde occulte, les yakuzas sont très présents.
De manière plus ou moins marquée, les maîtres du crime organisé sont là, gardant un œil sur les choses, évitant tout désordre et permettant au client d’aller jusqu’au bout de ses fantasmes. Car tout est possible à qui trouve les bons réseaux. Et ce livre mène de l’étonnement à la surprise.
copyright La Manufacture de Livres 2024
Mais, à l’image de ce monde caché que Jérôme Schmidt a mis de nombreuses années à pénétrer, cette collection n’est pas livrée en toute simplicité. Les textes et les photos sont séparés. Et si l’histoire suit une certaine ligne, se déplaçant d’un endroit à un autre, d’une région à l’autre, les photos se mélangent sans aucune légende. Au lecteur, s’il a lu attentivement l’article et pris le temps de regarder les quelques petites images en noir et blanc qui l’accompagnent, de s’y retrouver.
En effet, pour ceux qui ne connaissent pas les villes japonaises, toutes les rues se ressemblent, les visages, les tenues se ressemblent. Ce sont des petits détails qui rappelleront parfois un passage du texte, un lieu. Ainsi, en assemblant les pièces, nous entrerons, par un regard interposé, dans ce monde de la nuit et nous arriverons progressivement, au fil de lectures et relectures, à nommer les différents lieux montrés.
L’un des plaisirs de ce livre n’est pas d’observer avec convoitise tout cet univers, mais d’en reconstituer les morceaux, de trouver les clés reliant les textes et les images.
copyright La Manufacture de Livres 2024
Les images, d’ailleurs, nous révèlent de différentes manières une belle partie de ces nuits. Les photos de Yann Stofer jouent sur les décadrages, les flous, ceux donnant l’impression d’un plan rapide et volé, alternant avec des cadres carrés, des modèles posant, regardant l’appareil photo. Les images se rapportent les unes aux autres, par leurs angles de vision, mais aussi par leur contenu. Il s’agit de mélanger tout ce Japon pour en faire émerger une profusion d’images, mêlant énergie et stase, ouverture et interdit, et faisant de nous autant spectateur que voyeur, aussi bien accepté que rejeté. Ce qu’ont sans doute vécu Jérôme Schmidt et Yan Stofer.
Japonais uniquement nous présente le monde de la nuit et du sexe rémunéré à travers une longue histoire suivie de tout un panel de photos. Une abondance d’images et de mots, où l’on est libre de se promener, pour en trouver les clés.
